Qu’est le panier de la ménagère devenu ? A l’heure du e-commerce, cette métaphore bien connue des consommateurs paraît aujourd’hui complètement désuète.
Souscrire à un abonnement de transport en commun, faire ses courses alimentaires, commander un livre, tout cela se fait désormais par Internet, en quelques clics et à l’aide d’un numéro de carte de crédit.
Gains de temps, d’efficacité, d’économie… autant d’arguments fallacieux démontrent aux consommateurs les « vertus » individuelles de ces nouveaux usages.
Pourtant, insidieusement, leurs conséquences sont bien plus dangereuses pour la collectivité. Il faut y trouver tout à la fois la cause de la désertification des centres villes, de la réification d’un salariat, de la diminution du nombre d’emplois global ou encore d’inégalités fiscales entre les entreprises et donc de moindres recettes pour les finances publiques.
En effet, le commerce de proximité est bel et bien le meilleur gage d’un tissu urbain vivant ; car sans commerce, la vie quitte les villes. Or, la concurrence d’Internet met en péril le commerce traditionnel constitutif de nos centres urbains et créateur de nombreux emplois pérennes. Ne plus pousser la porte d’une boutique c’est la voir demain tirer le rideau.
En revanche, les hangars font florès aux portes de nos villes : qu’il s’agisse des entrepôts géants d’Amazon ou des drives, ce sont des dizaines de kilomètres linéaires d’où tout type de produit peut être commandé par Internet. Il s’agit là ni plus ni moins de vente par correspondance, du yaourt à l’encyclopédie.
Le e-commerce invente une nouvelle forme d'esclavage
Le consommateur ne le voit guère depuis son écran d’ordinateur, mais le e-commerce repose sur un système de distribution qui réifie les salariés. Commander un produit épargne un déplacement (jusqu’au magasin dans le cas d’Amazon, entre les rayons dans celui des drives) mais requiert de l’employé chargé de préparer la commande de parcourir toujours plus vite d’immenses entrepôts, à la recherche non d’un objet mais d’un code barre, qui sera conditionné de manière uniforme pour un client inconnu.
Faut-il préciser que pour ce faire, les employés sont chronométrés, contrôlés et même mis en concurrence ? Faut-il ajouter qu’ils sont souvent intérimaires et doivent faire face à des horaires fluctuants (travail en soirée, de nuit, le week-end, etc.) ?
On comprend dès lors, que les entreprises du e-commerce ne s’encombrent pas de critères architecturaux et esthétiques en implantant leurs entrepôts en zone péri-urbaine. Au demeurant, elles ne sont tenues à aucune règle relative à l’urbanisme commercial puisque ces entrepôts n’entrent pas dans le champ des commissions départementales d'aménagement commercial, outil de régulation du secteur pour les élus locaux.
Alors comment justifier que, pour chaque emploi précaire et harassant ainsi créé, des subventions de la part des collectivités territoriales et de l'Etat, via la prime d'aménagement du territoire, soient versées ? Ce n’est certainement pas pour bénéficier de retombées fiscales puisque, étant assimilés à la vente par correspondance, ni les drives ni Amazon ne sont assujettis à la taxe sur les surfaces commerciales.
Avec le e-commerce, l'optimisation fiscale prive les finances publiques de recettes justes
Demeurent la TVA et l’impôt sur les sociétés mais là encore leur acquittement est extrêmement aléatoire s’agissant des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). En Europe, ces entreprises pratiquent une optimisation fiscale que consiste à déclarer une partie de leur chiffre d’affaires au Luxembourg.
Amazon devrait ainsi 198 millions d'euros d'arriérés d'impôts, d'intérêts et de pénalités liés à la déclaration à l'étranger de chiffres d'affaires réalisés en France au cours des exercices 2006 à 2010, à la faveur d'un montage fiscal récemment mis en lumière par le parlement britannique.
Face à ces constats et devant la difficulté des pouvoirs publics à les réguler, nous devons essentiellement compter sur les comportements vertueux des consommateurs.
« Buy local ». Ce mouvement rencontre un succès grandissant aux Etats-Unis, en Allemagne et aux Pays-Bas. Acheter local, c’est consommer ce qui est produit localement notamment dans le cadre des Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP). C’est aussi faire ses courses dans les commerces des centres villes, à l’instar de l’opération « Acheter versaillais » que nous avons lancée avec succès depuis 2009.
Les consommateurs doivent reprendre le pouvoir
Des initiatives sont prises çà et là comme à Colombes où est née en 2005 l’idée de mettre en place chaque deuxième samedi d’octobre une journée de sensibilisation du commerce de proximité qui est aujourd’hui une manifestation nationale, la Journée nationale du commerce de proximité, de l’artisanat et du centre-ville.
Ce sont des réflexes quotidiens qu’il nous faut avoir afin que nous ne fassions jamais le constat d’une désintégration du tissu économique et urbain des villes.
Le consommateur y trouve son compte ; en achetant localement, le service de proximité que lui est rendu permet aussi une véritable chaleur humaine, qui ne pourra jamais être remplacée par la meilleure des logistiques.