S’il est bien un sujet où, contrairement aux apparences, l’acquiescement des Français et le travail de conviction ne vont pas de soi, c’est celui de la sécurité sociale et des complémentaires santé. Contrairement au mythe répandu par ses promoteurs, la sécurité sociale continue à faire, en France, l’objet d’une résistance dont quelques exemples sont fournis par l’actualité.
L’Etat jette toutes ses forces dans le lobbying pour défendre son monopole
L’IRDES, largement dépendant des pouvoirs publics mais très discret sur son financement (encore le goût de la transparence propre aux organismes publics et para-publics…), vient de publier une étude sur les complémentaires santé, dont la trame est cousue de fil blanc. C’est ce qu’on appelle le lobbying gramscien : au lieu d’avancer à visage découvert, on fait la promotion d’une idéologie en l’habillant sous couvert d’une étude scientifique produite par un organisme indépendant.
L’étude en question produit notamment ce diagramme, qui ne veut rien dire ou presque:
On comprend bien le propos de l’IRDES: les complémentaires santé coûtent plus cher aux pauvres que la sécurité sociale. Donc, il faut les supprimer et demander aux plus riches de payer encore plus cher leur santé pour que la sécurité sociale coûte moins cher aux plus pauvres. Bien entendu, l’étude s’abstient d’exprimer les données en valeur absolue, et de montrer que quand un pauvre consacre environ 10 % de son revenu disponible de 1.000 euros à la santé (soit 100 euros), les classes moyennes en consacrent pratiquement le double, sur une somme bien supérieure (soit près de 20 % sur d’un revenu disponible de 3.000 euros, soit 500 euros).
Mais le propos n’est pas de rappeler que si les pauvres peuvent bénéficier d’une santé pas cher, c’est grâce aux efforts importants consentis par les autres. Le propos gramscien est d’expliquer que le monopole complet de la sécurité sociale doit se réaliser, et donc qu’il faut supprimer les complémentaires santé parce qu’elles coûtent trop cher aux pauvres.
Décidément, on ne lésine pas avec les impôts payés par les plus riches pour justifier des positions absurdes puisque, rien ne prouve, redisons-le, qu’une santé sans remboursement complémentaire fait vivre les assurés sociaux plus vieux. Redisons-le, ce qui soigne, ce n’est pas la sécurité sociale, ce sont les médicaments et les traitements médicaux.
Si cher hôpital public
On saura gré au Figaro d’avoir pointé du doigt le coût des audits diligentés auprès de cabinets extérieurs par les hôpitaux parisiens, toujours à tendre la sébille pour obtenir une rallonge budgétaire. L’AP-HP dispose pourtant d’une cellule de consultants internes supposée rendre inutile ce type de missions. N’empêche, les assurés sociaux, y compris ceux du premier décile de revenus identifiés par l’IRDES, ont tous participé à hauteur de 1,2 million d’euros l’an dernier pour enrichir CapGemini et autres grands acteurs du domaine.
C’est bien connu, les frais de gestion du secteur public sont parfaitement maîtrisés!
Les employeurs investissent dans la santé de leurs salariés
On comprend pourquoi, au vu de ces dérapages, l’État ait besoin de mobiliser les grosses ficelles du lobbying gramscien. Le monopole de la sécurité sociale et l’absorption des complémentaires santé ne coule absolument pas de source pour les Français. On notera au passage qu’une étude commandée par la FFA et la FNMF auprès du cabinet Audirep montre que les employeurs investissent massivement dans la santé de leurs salariés.
Principale conclusion : la majorité des entreprises vont plus loin que le minimum légal dans la couverture santé de leurs salariés. Et ce, à plusieurs titres.
Sur la cotisation, d’abord. Alors que la loi prévoit une prise en charge minimale par l’employeur de la complémentaire santé de 50 %, celle-ci est de 57 % pour les PME-ETI-GE [petites et moyennes entreprises-entreprises de taille intermédiaire-grandes entreprises]. Dans les très petites entreprises (TPE), les employeurs sont encore plus généreux, avec 59 % de la cotisation.
Concernant la couverture, plus de la moitié des entreprises ont opté pour un niveau supérieur au panier de soins minimum prévu par l’Ani ou à celui négocié par les branches, note Audirep.
Ceci montre que les éléments de liberté laissés dans la politique de santé joue en faveur des Français, et non le contraire. Ce constat est évidemment gênant pour tous ceux qui rêvent d’une nationalisation en bonne et due forme.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog