Le constat de la Cour des comptes est sans appel : l’intérêt du Livret A est limité tant pour les épargnants que pour les organismes HLM, que celui-ci sert à financer. Le vice tient à la manière dont ce produit d’épargne est conçu, et qui ne lui assure pas la rentabilité qu’il doit revêtir.
Livret A : le relèvement du plafond s’est avéré contre-productif
La Cour des comptes estime que le relèvement du plafond du Livret A, intervenu en 2013, n’a pas eu l’effet escompté : au lieu d’inciter les ménages modestes à déposer davantage d’argent sur ces comptes défiscalisés, ce relèvement du plafond à 34 950 euros au lieu de 21 300 euros auparavant a surtout profité aux épargnants aisés. Pour preuve, en 2015, 45 % des Livrets A étaient dotés de moins de 150 euros et 64 % des Livrets enregistraient moins de 1 500 euros. En plus, dans les mois qui ont suivi le relèvement du plafond, le gros des alimentations était constitué de virements en provenance de livrets d’épargne fiscalisés.
Prêts aux organismes HLM : des taux trop élevés
Tout comme sa mission principale l’y oblige, le Fonds d’épargne, qui centralise les fonds déposés sur le Livret A, redistribue ces sommes sous forme de prêts à destination d’organismes de logement social : 152 milliards d’euros, soit 86,3 % de la collecte totale, étaient utilisés à ces fins en 2015.
Or, dans un contexte de taux bas, le Fonds d’épargne dispose à peine d’une marge de manoeuvre pour relever le taux proposé aux organismes HLM par rapport au taux de rémunération proposé à l'épargnant (0,75 % actuellement). Résultat : soit ces prêts ne sont pas rentables, soit le taux proposé est élevé au point qu’il devient tout aussi intéressant pour les organismes HLM d’en souscrire un auprès d’une banque. En 2015, sur les 238 milliards d’euros transférés au Fonds d’épargne, seuls 176 milliards d’euros étaient distribués sous forme de prêts.
Le manque de rentabilité de ces prêts est accentué par une tendance à des remboursements anticipés (il s’agit de prêts locatifs sociaux principalement). Cette tendance est préjudiciable au bon fonctionnement du système, rappelle la Cour des comptes, tout en appelant le législateur à instaurer la suppression des avantages fiscaux pour les organismes HLM en cas de remboursement anticipé de ces prêts.
Les attributions hors financement d’organismes HLM sont mal gérées
En 15 ans, le Fonds d’épargne a augmenté fortement sa production de prêts : de 4-5 milliards d’euros au début des années 2000, elle est passée à 18-20 milliards d’euros en 2015. Mais toutes ces sommes n’ont pas servi à financer le logement social, loin de là. Au cours de la même période, l’État a utilisé le Fonds d’épargne pour octroyer aux collectivités locales des prêts de trésorerie à taux zéro, au travers du dispositif de préfinancement du fonds de compensation de la TVA. Cela, alors même que le règlement des prêts fixé par le Ministère de l’Économie et des Finances interdit l’octoi de prêts au-dessous du coût de la ressource, avec deux exceptions seulement : le logement social et la politique de la ville.
L’autre sujet de mécontentement des Sages concerne la gestion des actifs financiers acquis avec les fonds placés par les épargnants. Ces actifs, représentant environ 30 % des encours du Fonds d’épargne, sont principalement constitués de titres obligataires et d’actions. Or, le résultat de ces placements a été divisé par deux depuis 2007, alors même que la part des actions au sein de ces placements financiers a presque doublé entre 2007 et 2016.
Étant donné ces constats, la Cour des comptes prône une révision en profondeur du dispositif d’épargne réglementée.