La semaine vue par Louis XVI : une France sans armée, mais avec 60000 enseignants de trop

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 10 juin 2013 à 10h53

Ah... Mon cher François, comme tu nous prouves que l’ingratitude est le privilège des monarques républicains... Tu prévois de supprimer l’armée, ou presque, elle qui t’a donné une superbe victoire au royaume du Tombouct, en début d’année. Penses-tu être digne d’elle ? Et pendant ce temps tu recrutes 60 000 enseignants dont personne ne saura que faire.

Car, contrairement à ce qui se dit, et comme l’a rappelé la Cour des Comptes, l’Education Nationale ne souffre pas d’un manque de moyens, mais bien d’une mauvaise utilisation de ceux-ci. Ajouter 60 000 enseignants mal payés et sans consigne, sans vision et sans ambition collectives, ne réglera nullement la question de l’ignorance, de ses progrès et de ses ravages parmi la jeunesse.

Aucun de ces enseignants ne contribuera à réduire cet état d’abandon dans lequel trente années de croissance sans âme et sans désir a plongé une frange grandissante des nouvelles générations. Et aucun de ces enseignants n’apportera de pierre décisive au redressement intellectuel et moral dont les petits Français ont besoin, qu’ils attendent parfois même sans le savoir tant la société les tient éloignés de toute conscience d’un surpassement dans le destin.

Mais je le comprends bien... Quand ta popularité est en berne, rien ne vaut un bon retour aux idées premières de ton parti : vive les instituteurs, à bas les sous-marins, vive l’école, à bas l’armée. Sacrifier la troupe pour privilégier les préaux est une recette simple et qui déçoit rarement : un parent d’élève préférera toujours un professeur mal utilisé à un char d’assaut en panne.

C’est un peu ta démagogie à toi : flatter les parents, flétrir les combattants.

60 000 enseignants inutiles selon la Cour des Comptes

Simplement, tu n’as peut-être pas mesuré dans quel nerf tu tranchais en adoptant un nouveau Livre Blanc pour la Défense qui prévoit 20 000 nouvelles suppressions d’emploi, qui s’ajoutent aux 54 000 pratiquées depuis 2008. A force de tendre vers zéro, l’armée française n’aura bientôt plus de quoi exister comme puissance significative.

Tu vas me dire que cet enjeu-là, au fond, est réactionnaire. Que la France soit une puissance de rang international, qu’elle ait les moyens de la politique étrangère dont nous héritons, qu’elle puisse intervenir dans tous les conflits qui éclatent dans le monde, n’est pas une préoccupation première au moment où le chômage sévit dans les faubourgs, au moment où la rue gronde, au moment où la politique intérieure envahit le débat public.

Après tout, tu as eu ta victoire en Afrique, et tu peux bien maintenant expérimenter d’autres fronts. Je veux dire : y a-t-il encore une bonne raison pour que tu te soucies du destin de la France, telle qu’elle te survivra une fois que tu auras quitté l’Elysée ?

Assez naïvement, certains répondraient qu’un homme d’Etat ne limite pas son action à son seul intérêt électoral, et ajouteraient qu’un homme d’Etat ne s’intéresse qu’au destin de la France. Mais ce débat est bien trop pompeux et trop ambitieux pour la politique de notre époque.

L'armée française n'a plus les moyens de la politique étrangère de la France

Tu aurais tout simplement pu mesurer qu’il te reste encore quatre ans de mandat à assumer. Assez rapidement, tes partenaires, tes pairs, s’apercevront que ton armée n’est plus capable de remplir les missions qu’on lui confiait il y a quelques années encore. Et peu à peu, la crédibilité que la France peut encore avoir sur la scène internationale se confrontera à sa triste réalité : celle d’une puissance déclinante, d’une sorte d’Empire Ottoman des temps modernes, où la grandeur est un souvenir, le prestige un monument historique.

Tu as d’ailleurs oublié que supprimer des emplois dans l’armée, c’est aussi supprimer de nombreux débouchés pour des jeunes. Ceux qui s’enrôlaient ne deviendront pas professeurs pour autant - ils ne sont pas faits pour ce métier morne et répétitif. Ce sont des aventuriers. Au lieu d’oeuvrer pour leur pays, ils resteront dans les rues, agités par leurs mauvaises fréquentations.

Cet oubli est bien dommageable, car, toi comme moi, nous avons reçu en héritage la grandeur d’un pays, le rayonnement d’un destin qui s’est aussi tissé avec le fil des épaulettes, le cordon des tambours, et le son poussif des clairons. Penses-tu la grandeur de la France sans Marignan ? Sans Valmy ? Depuis 1789, l’armée est le symbole de la puissance de la France, de la capacité de la Républie à s’imposer dans le monde.

Ce symbole-là sombre peu à peu, parce que le confort parisien rend plus important un sureffectif dans une classe qu’un soldat qui tient son poste.

Dieu seul sait le temps qu’il faudra pour réparer cette misère.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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