Veillée d’armes dans le secteur de la livraison à Paris. Leclerc a annoncé la semaine dernière le lancement dans la capitale de son service de livraison à domicile « Leclerc à la maison », dès la fin du mois de mars. Une arrivée susceptible de rabattre les cartes en matière de prix pour les consommateurs ? Pas si évident, comme le démontrent les chiffres. Approche comparative avec d’autres acteurs du marché, enseignes du Groupe Casino et Carrefour notamment.
Guerre des prix. C’est l’argument poids-lourd avancé par Michel-Edouard Leclerc pour justifier l’implantation de son service de livraison dans la capitale. Face aux autres enseignes « qui se gavent », le chevalier blanc de la grande distribution va casser les prix. Assurant au passage que ses produits seront « 15 à 20% moins chers » que la concurrence.
Pourtant, rien ne permet de penser à l’heure actuelle que le prix du panier moyen des Parisiens va s’alléger comme par magie une fois que Leclerc aura passé le périphérique. Tous ses concurrents ont vu leurs prix flamber une fois installés dans Paris intra-muros, ressortant, les uns après les autres, les mêmes justifications plus ou moins recevables (notamment liées au coût de l’immobilier).
S’il faut prendre au mot Michel-Edouard Leclerc quant à la politique de prix que son enseigne va adopter à Paris, il y a un domaine où il est d’ores et déjà établi que Leclerc compte « se gaver » tout autant, si ce n’est plus, que ses concurrents. C’est celui du prix de la livraison. Les chiffres ci-dessous indiquent les frais et conditions de livraison des principales enseignes installées (ou en passe de s’installer) à Paris.
- Monoprix.fr : 8€ entre 50€ et 100€ de commande, 5€ entre 100€ et 150€ de commande, gratuit au-delà de 150€ de commande
- App Franprix : 2,9€ de frais de livraison entre 15€ et 30€ de commande, gratuit à partir de 30€
- Amazon Prime Now : 3,90€ entre 20€ et 40€ de commande, gratuit à partir de 40€ de commande, 7,90€ pour la livraison en 1 heure, nécessité d’un abonnement (49€ par an)
- Leclerc : 12,90€ de 50€ à 99€ de commande, 9,90€ jusqu’à 179€ et gratuit au-delà, selon le magazine Challenges.
Comme on le voit, le service de livraison Leclerc est, d’assez loin, le plus cher de la capitale. Seulement talonné par Monoprix, enseigne du groupe de Jean-Charles Naouri, dont le positionnement haut de gamme semble plus facilement justifier des prix élevés qu’une enseigne qui fait de la lutte contre la vie chère son cheval de bataille depuis plusieurs décennies.
C’est Franprix, filiale du groupe Casino, avec son application mobile, qui s’avère être l’option la moins chère pour des livraisons de course dans Paris intra-muros. Que ce soit en termes de coûts (2,90€ contre 8€ pour Monoprix et 12,90€ pour Leclerc), mais aussi de seuil de gratuité de la livraison (à partir de 30€ là où Leclerc monte jusqu’à 180€).
Mention honorable également pour Amazon Prime Now, dont les coûts pour des livraisons dans la capitale ne sont que légèrement supérieurs à ceux de Franprix. A noter tout de même, l’obligation de souscrire à un abonnement annuel de 49€ pour bénéficier des services du géant américain.
Quid du big bang annoncé par Michel-Edouard Leclerc ? Le consommateur va-t-il être le grand gagnant d’une concurrence accrue dans le secteur de la distribution ? Faut-il au contraire s’attendre au statu quo comme c’est le cas depuis de nombreuses années ?
Seul le temps nous le dira, mais au regard des chiffres, une chose est certaine. Seule une politique de prix extrêmement agressive sera de nature à gommer ou à estomper les surcoûts de Leclerc face à ses concurrents en matière de livraison. On sait que cette approche de prix bas est au cœur de la stratégie de communication et de marketing de Michel-Edouard Leclerc… mais d’autres ont, hélas, tenu ce type de discours dans la capitale avant d’adapter leurs politiques tarifaires au marché atypique que représente Paris.
Mais au-delà du prix, il est nécessaire de rappeler que la victoire de la bataille de la livraison se fait aussi sur d’autres facteurs, qui donnent une prime majeure aux acteurs implantés dans la ville. Selon une étude Generix-Opinion Way de février 2018, la disponibilité des produits est le premier critère mentionné (63%) par les consommateurs français, suivie immédiatement par la tenue des délais de livraison (41%). A date, ils estiment qu’Amazon est l’opérateur le mieux placé sur ces critères… une raison probable des rumeurs récurrentes de partenariat entre Monoprix et Amazon, l’enseigne Monoprix étant quant à elle le premier partenaire identifié par Amazon en raison de sa gamme de produits et de sa présence dans la ville.
Tension sur les prix de livraison, question de la disponibilité des produits et enjeu sur les délais de livraison : la bataille s’avère ardue pour Leclerc. C’est probablement la raison pour laquelle Marie Cheval, qui s’occupe de la transformation digitale de Carrefour, a ironisé sur les « effets d'annonce Leclerc ».