Le compteur électrique intelligent, une mauvaise affaire pour les abonnés ?

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 25 septembre 2013 à 12h21

C'est à se demander parfois pour qui roulent vraiment les associations de consommateurs. L'UFC-Que Choisir qui édite, rappelons-le, le magazine éponyme "Que Choisir", dénonce aujourd'hui dans une étude réalisée par sondage sur 200 foyers la "surchauffe sur les abonnements" dont le nouveau compteur électrique Linky se rendrait responsable. Linky devrait être déployé au cours des prochains mois sur plusieurs millions de foyers "test" avant d'être généralisé. Or, selon l'UFC, les utilisateurs de Linky risquent de payer plus cher leur abonnement mais aussi leur consommation d'énergie, car le nouveau compteur est "moins souple" avec la consommation réelle des usagers.

La raison ? Selon l'UFC, 37 % des abonnés, soit 10 millions de clients, ont un abonnement sous-dimensionné par rapport à leur consommation. Les puissances les plus couramment installées, 6 et 9 kw/h, seraient régulièrement dépassées par les usagers, sans qu'ils ne payent le prix de l'abonnement supérieur, mais aussi le prix du kilowatt-heure au tarif supérieur. Si cela arrive quelques minutes par jour, quand le lave-linge tourne et que Madame utilise son sèche-cheveux pendant que le café chauffe, on peut comprendre que l'usager ne voit pas d'intérêt à changer d'abonnement.... Selon l'UFC Que Choisir, avec Linky, plus de dépassements ponctuels de la puissance possible. Linky disjonctera, quand les anciens compteurs électromécaniques "fermaient les yeux".

Les tarifs d'EDF pour les particuliers au 1er janvier 2012, en euros.

Puissance du compteur (kw) Coût abonnement annuel (euros ttc) Prix du kWh TTC (euros) pour la métropole uniquement
3 65,64 0,1181
6 78,25 0,1188
9 91,25 0,1211
12 144,37 0,1211
15 166,67 0,1211

Pour l'UFC, la facture de Linky et de ces changements d'abonnements sera salée pour les usagers. L'association l'évalue, sur la base de son étude réalisée sur 200 foyers extrapolée à près de 40 millions d'abonnés, à "308 millions d'euros par an". A l'inverse, les usagers qui disposent d'un abonnement surdimensionné par rapport à leur consommation réelle ne seraient "que" 5 millions, et récupéreront 35 millions d'euros par an en abonnement et kw/heure aux mauvais tarifs. Sauf que toujours selon l'UFC, dans les faits, ces abonnés là ne pourront pas changer de tarif avant cinq ans et donc bénéficier d'un abonnement adapté à leur consommation réelle. Curieux.

Evidemment, cette étude est violemment contestée par ERDF qui dénonce la méthodologie. Marc Boillot, directeur stratégie et grands projets au sein d'ERDF, le transporteur d'électricité né de la séparation d'avec EDF, rapporte que "sur 300 000 compteurs Linky déjà installés, l'augmentation de puissance n'a concerné que 0,88% des foyers". Surtout, c'est oublier que Linky participe d'un projet d'ensemble visant à favoriser les économies d'énergie, et optimiser la production d'énergie, ce qui ne peut être que vertueux à terme pour le consommateur.

Linky, est réputé intelligent, car il communique avec le fournisseur d'énergie à distance. Dans un premier temps, les compteurs intelligents permettront aux fournisseurs de mieux connaître la consommation d'énergie des usagers, et donc d'optimiser la production, mais aussi d'intervenir à distance sans déplacer de technicien, par exemple pour un changement de puissance ou tout simplement... relever la consommation ! Pour qui n'a jamais passé une demie-journée à son domicile pour attendre un releveur qui doit passer au minimum tous les 18 mois, l'intérêt semble faible, mais pourtant la relève des compteurs fait perdre des centaines de milliers d'heures de travail chaque année aux usagers comme aux agents d'ERDF, qui pourraient être utilisées à bien d'autres choses plus utiles et productives.

Dans un second temps, les compteurs électriques intelligents permettront d'optimiser la consommation d'énergie à l'échelle d'une région, d'un pays, voire, d'un continent. Viendra le temps ou le compteur électrique, via le réseau domestique, informera les appareils électroménagers compatibles qu'ils peuvent, ou non, démarrer. L'exemple type est la machine à laver qui doit attendre quelques minutes pour se lancer, à l'initiative du compteur, à une heure où le réseau électrique est fortement sollicité. Le "smartgrid" ou réseau intelligent doit permettre a terme de faire les bons choix d'aménagement du territoire. Tel projet de ligne à haute tension, couteux, pourra être reporté ou annulé grâce au smartgrid, puisque la consommation d'énergie sera régulée jusque chez les consommateurs. Il en va de même pour la construction ou le prolongement de vie de tel ou tel équipement d'énergie. Mieux, le réseau intelligent permettra de mieux intégrer les sources d'énergies nouvelles, qui aujourd'hui sont un sacré casse-tête pour les fournisseurs d'énergie. Mais tout cela, bien entendu, n'apparaît pas dans un étude réalisée par sondage sur 200 foyers...

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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