Les avis sur Linky, le nouveau compteur communicant d’Enedis (ex-ERDF) (35 millions de compteurs communicants doivent être déployés d'ici 2021), sont décidément partagés, y compris parmi les élus locaux. Chaque camp ne manque pas d’arguments pour étayer ses propos, mais il convient de les prendre avec une certaine prudence. En effet, dans certains cas, ils peuvent s’avérer quelque peu inexacts.
Dominique Bilde, élu FN du Grand-Est, a récemment publié un communiqué sur son blog afin de demander aux communes de Meurthe-et-Moselle, « et particulièrement à la ville de Nancy », de refuser le remplacement des compteurs actuels par le désormais célèbre compteur intelligent. Le député présente de manière succincte, et pas vraiment rigoureuse, les principaux arguments brandis par les anti-Linky depuis le début de leur mobilisation. Selon l’élu, « il semble » que le compteur soit en réalité incapable de réduire les coûts de consommation, contrairement à ce que disent ses défenseurs. « Il semblerait » également que Linky disjoncte « beaucoup plus tôt que les compteurs actuels » et que cela puisse entraîner des coûts importants pour les usagers. Dominique Bilde évoque le cas de certaines associations qui « mentionnent » les risques pour la santé que représente Linky ainsi que de « plusieurs pays » qui ont déjà refusé le compteur.
Pendant ce temps dans le Sud-Est, lors d’une réunion d’élus à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), Jérôme Cicile est intervenu en défendant le controversé compteur. M. Cicile est responsable du pôle Air & Transports de l’Ademe Paca, mais c’est en tant que conseiller communautaire à Durance Luberon Verdon Agglomération qu’il a répondu aux nombreuses questions que les habitants de l’intercommunalité se posent. Le nouveau compteur d’Enedis, dont l’installation concerne 100% des régions pour la première phase, permettra aux usagers de savoir combien d’énergie ils consomment et à quel moment, ils pourront ainsi contrôler le gaspillage et recevront des factures plus précises sur la base des consommations réelles. Par ailleurs, le délai d’intervention devrait passer de cinq jours à 24 heures. Linky, explique l’élu de Manosque, ce sont des tarifs plus diversifiés, une meilleure gestion des consommations d’électricité et de gaz, moins d’intervention des techniciens et la garantie du respect de la vie privée des abonnés. Il est intéressant de noter que le compteur a déjà fait l’objet d’une première phase dite d’expérimentation au sein de 250 000 foyers de Lyon et d’Indre-et-Loire. Son succès a conforté le gouvernement dans son intention de généraliser le dispositif.
Les attitudes et arguments des élus varient tellement d’une commune à l’autre, qu’on a parfois du mal à croire qu’ils parlent bien de la même chose. Or, si les avis divergent à ce point, c’est en partie à cause de la désinformation tenace qui entoure le compteur depuis son apparition. Fin octobre, le blog d’un opposant du Tarn affirmait que le compteur était à l’origine de deux incendies s’étant déclarés à Florentin et Marssac. Bien que fausse, l’information a rapidement été reprise sur d’autres sites, et elle a même été relayée par La Dépêche du Midi. Si le quotidien régional a publié un démenti dès le lendemain, l’intox continue d’être propagée par certains militants de la cause anti-Linky.
De son côté, l’UFC Que Choisir regrette que l’on continue d’inviter les personnes à refuser la pose du compteur alors que cela est illégal et peut finir par coûter cher à l’abonné. L’association de consommateurs rappelle en effet que les conditions générales de vente qui lient EDF à ses clients indiquent qu’Enedis « peut procéder à la modification ou au remplacement [du dispositif de comptage] en fonction des évolutions techniques ». Les maires pourraient éventuellement s’opposer à l’installation du boîtier, mais il faudrait d’abord prouver qu’il existe un danger « grave ou imminent » pour leurs administrés, ce qui est loin d’être le cas selon l’UFC.
Les citoyens qui s’intéressent au déploiement de Linky risquent ainsi de tomber sur des arguments radicalement opposés selon les sources d’information qu’ils consultent. Et même s’ils décident de se fier à leurs élus, ils pourraient être déçus par des discours tout aussi contradictoires. Qui croire alors ? Les agences compétentes telles que l’ANFR, la CNIL ou encore l’Ademe, ont insisté sur la nécessité d’encadrer le déploiement et le fonctionnement de Linky. Il se pourrait donc que la question soit mal posée et que l’important ne soit pas d’être pour ou contre le compteur, mais de rester vigilant pour qu’Enedis respecte les engagements pris auprès des autorités et de ses clients.