Réseaux sociaux : le côté pervers du « Like » entre amis

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Par Christophe Ginisty Publié le 15 mai 2014 à 2h39

Je ne sais pas si c'est l'époque ou une forme sournoise de lassitude qui pousse au questionnement mais je m'interroge beaucoup en ce moment sur ce que nous faisons tous sur les réseaux sociaux. J'ai écrit récemment une note sur la confusion des sentiments qui exprimait déjà quelques unes de mes pensées sur le sujet. Et comme j'ai le cerveau qui a tendance à fonctionner comme une sorte de ricochet permanent, il m'est apparu intéressant d'approfondir.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous jouer la rengaine trop souvent entendue de "j'y suis mais je déteste" ou encore de "j'y suis mais je vais bientôt me barrer." Je suis assez actif sur les réseaux sociaux et j'y suis de mon plein gré. Le jour où j'en aurai assez, je ne me fendrai pas d'une note pour détruire ce que j'ai aimé fréquenter auparavant. Je m'en irai tout simplement.

Alors qu'il est assez facile de reconnaître que l'amitié est évidemment quelque chose de plus noble et plus profond qu'une simple entrée en connexion sur un Facebook ou autre, je me suis rendu compte récemment que la fréquentation des réseaux sociaux m'avait un peu éloigné de mes vrais amis par le jeu d'un mécanisme assez pervers et trompeur. En fait, en me connectant tous les jours sur Facebook, je vois avec plaisir ce que des gens qui me sont très proches et qui sont chers à mon coeur (dans la vraie vie je veux dire) sont en train de faire et partager. Je lis assidument leurs statuts, leurs photos, leurs vidéos, suis et partage leurs coups de coeur, parfois leurs coups de gueule et dépose sporadiquement quelques commentaires en forme de clins d'oeil. Là où ça devient pervers, c'est que d'un côté je suis très heureux d'avoir ainsi de leurs nouvelles car j'ai l'impression que ce qui est une sorte de fil d'info entre nous nous maintient proches. De l'autre côté, je suis obligé de reconnaître que ça fait un bail que je n'ai pas déjeuné ou dîné avec certains d'entre eux, que je ne les ai pas vus et rencontrés, sentis, embrassés. Depuis plusieurs années parfois.

Vous allez sûrement me dire que vous n'êtes pas concerné par ce constat pitoyable et que vous, au contraire, vous faites bien attention à voir vos vrais amis et à leur consacrer du temps en dehors des réseaux sociaux. Je vous le souhaite.

Moi j'avoue humblement et avec un petit sentiment honteux que je confesse vis à vis de ces gens qui savent (je l'espère) qu'ils tiennent beaucoup à mes yeux, que les réseaux sociaux, en maintenant un lien épistolaire et médiatique ont en réalité abimé notre proximité en feignant précisément de l'entretenir.

C'est être absent et donner l'illusion d'être présent.

Je trouve ça vraiment intéressant de réaliser cela (et d'en prendre la mesure) car il y a ici les germes d'une transformation troublante des repères dans les rapports humains, un trompe l'oeil finalement assez détestable contre lequel il faut lutter. Le "like" n'est pas une preuve d'amitié ou d'amour, il ne faut pas s'en contenter et une relation profonde se tarira à force de n'avoir que ça à se mettre sous la dent.

On pense et on dit souvent que Facebook a dévoyé la notion d'amitié en nous faisant croire que nous étions "amis" avec de parfaits inconnus. Je trouve que ça n'a pas de sens. Nous sommes tous assez grands pour savoir que ce n'est pas parce qu'un réseau social à décidé de nous connecter chacun sous cette appellation que nous sommes assez crétins pour y croire vraiment.

Par contre, je n'avais jamais vraiment mesuré ce que je viens d'écrire aujourd'hui, à savoir que Facebook pouvait détériorer la proximité réelle avec de vrais amis antérieurs en faisant croire que la relation était entretenue. La réalité est qu'elle est au contraire distendue malgré l'ardeur que nous avons à l'alimenter par nos "Like" quasi quotidiens.

Je ne sais pas si ce que je dis a du sens pour vous et si ce propos a une portée qui dépasse ma seule expérience personnelle. Peu importe après tout.

Même si vous allez me trouver d'une confondante naïveté, je viens seulement d'en prendre conscience. J'assume et je vais reprendre maintenant le chemin vers mes amis pour les voir, passer plus de temps avec eux et avoir une conversation plus élaborée qu'un "like" un peu facile, même s'il fut toujours sincère. C'est promis !

A suivre...

Repris avec l'aimable autorisation de l'auteur

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Christophe Ginisty est professionnel de la communication, patron du numérique pour le Benelux au sein de l'agence Ketchum, blogueur sur www.ginisty.com. Son Twitter : @cginisty.

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