Et moi, je fais quoi en cas de restructuration ?

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Par Xavier Tedeschi Modifié le 14 novembre 2012 à 5h34

Oui, il est possible de conduire une restructuration en respectant les fondamentaux juridico-économiques et les équilibres sociaux et managériaux.

Penser à l’économie et à l’humain, en même temps, c’est un processus de "saine restructuration". Comment faire ? Deux questions primordiales attendent des réponses impératives : "Et moi, je fais quoi ?", "comment continuerons-nous à travailler ensemble après ?". Penser l’après, c’est se donner les armes pour sortir de la crise. Résumé des étapes d’une saine restructuration.

La feuille de route. C’est un outil pédagogique de cohérence et de cohésion. Il s’agit de disposer d’un guide durant toute la mise en œuvre de la restructuration, il repose sur la connaissance approfondie de l’entreprise et de son environnement, la perception globale des enjeux, la pertinence des solutions retenues et leur cohérence. Cette feuille de route assure la cohérence du projet et ses différentes déclinaisons dans les activités et sa compréhension par le plus grand nombre. Ce guide s’appuie sur des analyses en amont qui permettent d’anticiper c'est-à-dire, de prévenir des risques encourus et d’y répondre.

La négociation sociale. Qu’on ne s’y trompe pas, si les partenaires sociaux doivent être informés le plus en amont possible et accepter de l’être, la décision de restructurer doit rester de la seule responsabilité de la Direction. Il est toutefois impératif de dépasser l’approche traditionnelle chronologique qui se résume à un refus du projet, puis une minimisation des impacts pour en arriver à une confrontation réduite au niveau et à la durée des indemnisations. Cette approche conduit irrémédiablement à la radicalisation des relations (séquestrations, chantage, menaces, inflation médiatique….).

La DG et les partenaires doivent se situer dans une approche cognitive : chacun des acteurs prendra en considération l’environnement de l’autre pour réussir à atteindre une solution acceptable pour les 2 parties et sortir des négociations aveugles répondant à des schémas trop connus et usés



La communication de projet. La restructuration ne doit pas être la première occasion de rencontre, sinon rien d’étonnant qu’on ne se comprenne pas. En effet, découvrir son environnement socio-économique à l’occasion d’un projet de redéploiement est inutile : il est déjà trop tard pour travailler en intelligence ! Les dirigeants doivent s’adresser d’abord à leurs salariés et non aux analystes financiers : il faut sortir de la dictature des chiffres et laisser la place aux mots et aux émotions.

Perdre son emploi est inacceptable et ne souffre d’aucun anesthésiant. Il s’agit d’affronter la réalité et se parler en adulte. La communication autour du projet doit être propice à l’échange ou à la confrontation, elle doit être claire, précise et pédagogique, compréhensible par tous. La proximité et la crédibilité sont des facteurs importants.

La mobilisation de la hiérarchie de proximité et "des rescapés". Trop souvent des irritations voire des oppositions apparaissent par le simple fait de les considérer comme des exécuteurs de basses œuvres, à la fois salariés chargés de transmettre les mauvaises nouvelles et de les appliquer ce qui fait naitre un énorme conflit entre le rôle et la posture d’homme sorti du rang.

La hiérarchie de proximité doit être mobilisée sur la feuille de route, participer aux scénarios possibles et à la construction de la solution retenue au travers de groupes de travail afin non pas qu’elle valide la décision finale (c’est de la responsabilité de la DG) mais qu’elle définisse le mode opératoire des réorganisations et la synchronisation des calendriers.



Une étude américaine montrait il y a quelques années que 70 % des DRH interrogés - ayant mené une restructuration - reconnaissaient que leur restructuration n’avait pas atteint les objectifs pour lesquels elle avait été déclenchée. Pourquoi ? 52 % avouaient une démobilisation générale de ceux qui restaient… Et pourtant la résistance au changement est normale, c’est le contraire qui est inquiétant.

Les rescapés quant à eux reconnaissent une baisse du moral, liée à un fort sentiment de culpabilité d’être encore là, un sentiment accru d’insécurité ne sachant pas vraiment pourquoi ils ont été épargnés. Leur expliquer que la "moulinette" des critères de licenciement ne les a pas désignés est une bien triste consolation ! Il est important d’investir du temps et des moyens dans la présentation du projet de restructuration et des perspectives d’avenir, d’organiser des lieux d’échanges et d’expression.

Chacun d’eux est en droit de comprendre pourquoi ils restent dans l’entreprise. Un entretien de carrière avec les champs du possible, des déploiements opérationnels en mode projet permettront de mobiliser dans le futur sans excès avec les opportunités et les risques. Ils connaitront ainsi les conditions pour continuer à travailler dans l’entité remodelée. On entend souvent dire que ceux qui restent, regardent attentivement la façon dont l’entreprise traite ceux qui partent… Et si on commençait par traiter ceux qui restent sans attendre la fin du projet !



Les "victimes" des restructurations. Naturellement au centre de toutes les attentions parce que la perte d’un emploi et le chômage sont des événements critiques dans une vie. C’est l’effondrement de l’ensemble de la structuration de l’individu : détresse, perte l’estime de soi, isolement social. C’est pourquoi, le plus en amont possible et au-delà des obligations procédurières de , il faut prendre en charge leur accompagnement.

Chaque cas étant spécifique avec son histoire, son contexte professionnel et personnel il est impératif que cet accompagnement soit individualisée, n’en déplaisent aux industriels du reclassement et aux chasseurs de "low cost". Mais cette prise en charge reste du domaine du court terme et de l’urgence. On peut se poser la question de comment faire autrement ? Comment prévenir de ces risques d’exclusion ? Pour ne plus subir localement et durablement les conséquences de l’exclusion ou l’inadaptation professionnelle, il convient de construire une nouvelle approche de l’employabilité en interne comme en externe sur le territoire point d’ancrage professionnel et familial.

On ne parlerait plus alors de "victimes" mais de personnel sur des postes exposés aux évolutions technologiques, concurrentielles ou encore organisationnelles et pour lesquels il convient de prévenir leur disparition. Grâce à la la Gestion Territoriale des Emplois et des Compétences qui imposent un dialogue social territorial, une mise en commun des offres et des demandes en termes de compétences sur un même territoire chaque salarié peut mesurer en continu ses chances de reclassement externe, volontaire ou contraint, temporaire ou définitif.

Et puis, on ne doit pas cacher, par fausse pudeur que ce moment dramatique et aussi une opportunité pour relancer sa trajectoire professionnelle, voir la réorienter. Est "sain", nous dit le dictionnaire "ce qui après quelques dangers et épreuves, sort sans dommage profond qui permet de fonctionner normalement, sans trouble ni anomalie". Et c’est bien cela l’enjeu d’une "saine restructuration" ! Pour les salariés qui partent comme ceux qui restent dans l’entreprise !

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Xavier Tedeschi, fondateur du cabinet de conseil Latitude RH, accompagne depuis plus de 20 ans les directions générales et les directions des ressources humaines qui souhaitent mettre en place une stratégie de responsabilité sociale des entreprises privilégiant une approche humaine. Il est l'auteur de "Et moi, je fais quoi ? Plaidoyer pour une saine restructuration" (édition du Palio).

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