Libra ne semble pas devoir être une pyramide de Ponzi

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Par Jacques Bichot Publié le 10 octobre 2019 à 12h57
Facebook Libra Monnaie
@shutter - © Economie Matin

J’ai examiné la question posée par le projet Libra dans un article publié par Économie matin le 18 juin 2019 (Libra : questions impertinentes). Jean Peyrelevade, qui fut dix ans président du Crédit Lyonnais, vient de publier, dans Les Echos du 9 octobre, un article intitulé Libra ou la nouvelle pyramide de Ponzi.

L’homme d’affaires est beaucoup plus sévère et péremptoire que l’économiste : pour lui, « John Law est en train de réapparaître. Son incarnation contemporaine s’appelle Marck Zuckerberg et la monnaie qu’il envisage de créer, le libra ». Le fondateur de Facebook s’engagerait donc sur la voie des constructeurs de châteaux de cartes comme, pour remonter moins loin dans le passé, le financier américain Bernard Madoff.

Une monnaie qui se sert de vos données

Mes réticences à l’égard du Libra tiennent largement au fait que Facebook, à l’instar de tous les GAFA, se sert des données de ses utilisateurs comme d’une matière première permettant de réaliser des opérations juteuses, particulièrement de type publicitaire. Cela devrait être interdit car il en résultera une nouvelle extension de la menace sur les libertés individuelles qu’est l’accumulation de données sur tout un chacun par un organisme tentaculaire. En revanche, abstraction faite de cette augmentation d’un mal qui gangrène hélas déjà très largement notre civilisation, si le projet se conforme à ce qui a été annoncé, les émissions de Libra n’auront lieu qu’en échange de monnaies ayant pignon sur rue, telles que le dollar, l’euro ou le renminbi.

Si la banque de Zuckerberg se sert de ces dépôts pour réaliser des placements judicieux, sans promettre comme Ponzi et Madoff des rendements miraculeux, ce sera une institution bancaire assez classique, susceptible évidemment de faire de mauvaises affaires (l’ancien patron du Lyonnais est bien placé pour savoir que ce sont des choses qui arrivent), mais sans que l’on puisse a priori considérer que le pire, la faillite et la ruine des déposants, soit l’issue la plus probable.

La banque Facebook sera-t-elle une banque ?

Pour étayer sa prédiction pessimiste, Peyrelevade explique que les dépôts vont être utilisés « pour procéder à des placements rémunérateurs, c’est-à-dire plus risqués et surtout moins liquides que des monnaies à vue ». Bien évidemment, puisque c’est ce que font depuis des lustres quasiment toutes les banques, y compris le Crédit Lyonnais. Henri Germain, son fondateur, puis ses dirigeants successifs, dont Peyrelevade, ont pratiqué cette « transformation » de dettes à vue en créances à terme : c’est le cœur, le principe de l’activité bancaire.

Bien entendu, il existe un risque, et on doit se poser la question de savoir si l’organisme émetteur du Libra adhérera à une institution telle que le fonds de garantie des dépôts qui, en France, protège les petits déposants. Et je partage avec Jean Peyrelevade un souci concernant la soumission de la banque Facebook à une régulation analogue à celle à laquelle les banques centrales « sérieuses » soumettent les banques dites « de second rang » sur la conduite desquelles elles ont mission de veiller. Là se situe le point crucial : il faut que la banque Facebook ait un statut ordinaire de banque de second rang, dut l’ego de son fondateur en être quelque peu affecté.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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