Iran : levée des sanctions, pour le meilleur et pour le pire

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Par Julien Bondarev Modifié le 28 novembre 2013 à 14h54

Dans la foulée de l'accord intérimaire finalement conclu entre l'Iran et les 5+1 sur le dossier du nucléaire, les sanctions économiques pesant sur l'Iran ont été levées en partie. Cela faisait des décennies qu'elles entravaient l'essor du pays. Une bonne nouvelle pour la population, qui ne doit pourtant pas faire oublier les exactions dont les Pasdaran se rendent coupables.

Accord et désaccords

Enfin. Après des semaines d'âpres négociations, il semblerait que la question de l'accession de l'Iran au nucléaire soit tranchée. Du moins l'état major iranien s'est-il plu à le clamer dans les médias et sur les réseaux sociaux. Côté américain, on possède une autre version, selon laquelle l'accord de Genève ne reconnait pas aux Iraniens le droit à l'enrichissement. Deux interprétations diamétralement opposées qui nous promettent de belles joutes diplomatiques par médias interposés cet hiver.

Que l'accord intérimaire sur le nucléaire iranien, enfanté dans la douleur après des semaines de gestations et des mois de préparation, ne soit pas assez clair pour dire si oui ou non, puisque c'était la question posée, l'Iran aura le droit de maîtriser l'atome, c'est une chose. Il ne s'agit après tout que de l'énième illustration d'une vérité bien connue en haut lieu : la diplomatie, c'est d'abord la science du consensus par l'argutie. On tisse un tel canevas de mots qu'après tout, chacun peut bien y lire ce que bon lui semble, pourvu que la partie adverse puisse à sa guise (et sans avoir l'air de mauvaise foi) réfuter cette lecture. Bref, personne ne se comprend, chacun garde la face, tout le monde est content.

En gros, on retiendra que l'Iran s'est semble-t-il engagé à ne pas enrichir son uranium au-dessus de 5% et à ne pas faire sortir de terre de nouvelles centrifugeuses.

Comme en quarante ?

S'il y a en revanche une chose qui a été convenue à Genève de façon nette et précise, c'est la levée partielle des sanctions économiques qui taclent le développement industriel du pays. Membre de l'Opep, l'Iran repose sur des réserves de pétrole estimées à 157 milliards de barils. Selon Mohammed-Reza Djalili, professeur émérite à l'institut de hautes études internationales de Genève, le manque à gagner pour le régime des mollahs est actuellement compris dans une fourchette de 30 à 50 milliards de dollars par an. La faute à une exclusion du système financier et bancaire international, rendant les transactions commerciales avec l'étranger difficiles, mais aussi, de façon plus anecdotique, à l'interdiction qui prévalait jusqu'à lors de contracter une assurance pour les cargaisons en partance d'Iran.

La levée de l'embargo sur les exportations de pétrole iranien devrait avoir lieu dans les six prochains mois, en fonction du déroulement des négociations. L'Iran produit actuellement 2,7 millions de barils de pétrole par jour (mbj), dont 1,5 million sont destinés à l'exportation. Ce chiffre devrait monter à 2,5 mbj dès le feu vert de la communauté internationale accordé.

Mais l'industrie de l'or noir n'est pas la seule concernée. Si, en France, Total ne devrait pas tarder à rouvrir ses bureaux de Téhéran, l'industrie automobile, PSA et Renault en tête, devrait elle aussi sortir son épingle du jeu.

D'1,6 million de véhicules en 2011, la production de véhicules est passée à environ 600 000 unités en Iran. Les deux mastodontes français vont pouvoir renouer leurs relations avec le constructeur Iran Khodro, partenaire historique avec lequel ils produisaient notamment 405, 206 (Peugeot) et Logan (Renault). A titre indicatif, Peugeot a vendu 458 000 véhicules en Iran en 2011, avant de plier bagage. En 2012, sa dernière année d'activité, Renault a quant à lui écoulé 103 000 unités. Autant dire que la réouverture du marché iranien n'est pas anodine.

Un grand pas pour l'homme... pour l'humanité on repassera

Le chômage touche 30% de la population iranienne, avec des pics à 40% chez les jeunes arrivant sur le marché du travail. C'est peu dire que la levée des sanctions permettrait d'insuffler une bouffée d'oxygène. Thierry Coville, spécialiste de l'Iran, qualifiait en 2012 ces sanctions de "saignées moyenâgeuses". On peut le voir comme ça. Reste que si les premiers touchés par ces embargos, blocus et confiscations en tous genres sont les citoyens iraniens, elles ont à l'origine été entreprises pour mettre à mal le régime, à la suite de la prise de l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran.

Lever, même en partie, les sanctions, c'est donc appuyer l'idée qu'un changement de braquet a été effectué à la tête de l'Etat et, en un sens, légitimer le régime en place. Un régime dont il faut bien rappeler ici qu'il est à l'origine de plusieurs centaines d'exécutions sommaires d'opposants politiques par an. Allez demander aux membres de la Résistance iranienne qui ont survécu au massacre d'Ashraf, en septembre dernier, ce qu'ils pensent de la "République" islamique de leur pays.

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Consultant en géopolitique et sécurité internationale, Julien Bondarev a choisi de développer son expertise sur la  zone EMEA, dans laquelle il a beaucoup voyagé et qui le fascine par la richesse et la complexité des relations multi-continentales qui la régissent.   

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