Les sites de désinformation sur l’IVG bientôt dans l’illégalité ?

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Par Antoine Chéron Publié le 28 septembre 2016 à 5h00
Delit Entrave Numerique Ivg Internet
@shutter - © Economie Matin
30 000 eurosLe délit d'entrave à l'IVG est puni de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.

Invitée de la radio Franceinfo samedi dernier, la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol a déclaré qu’elle proposerait officiellement le 28 septembre prochain aux législateurs une nouvelle mesure à l’encontre des « sites anti-IVG ».

En effet, elle considère que certains sites internet font de la désinformation sur l’avortement et devraient donc être sanctionnés. Pour cela, elle envisage d’étendre le champ d’application du délit d’entrave à l’avortement existant actuellement au sein de notre législation.

Un délit d’entrave actuellement axé sur les pressions physiques

En réaction aux nombreux blocus et autres manifestations exercées par les opposants à l’avortement sur les centres médicaux, le législateur avait estimé nécessaire d’intervenir en 1993. Depuis lors, empêcher une femme de pratiquer une interruption volontaire de grossesse est, dans certaines conditions, puni par la loi pénale.

Ainsi, aux termes de l’article L. 2223-2 du Code de la santé publique, le fait de perturber l’accès aux établissements de santé et d’intimider le personnel médical et leurs patientes est un délit. En vertu du principe de légalité des délits et des peines, le juge ne peut donc sanctionner que les actions matérielles pour physiquement contraindre une femme à continuer sa grossesse. Le législateur n’avait en effet pas pris en compte l’activisme anti-IVG d’un point de vue immatériel, dans la presse ou sur internet.

La création d’un « délit d’entrave numérique »

Pour contrer les anti-avortement actifs sur internet, le Gouvernement a fait en sorte que son site officiel soit placé en premier dans les résultats Google. Mais les sites des opposants à l’IVG restent trop bien référencés selon la ministre qui souhaite donc les supprimer et les sanctionner. Tout comme pour le délit d’entrave « classique », cette sanction pénale s’élèverait à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende a précisé la ministre.

Les sites visés sont ceux qui s’adressent tout particulièrement aux jeunes, comme AfterBaiz et son site affilié Testpositif. L’incitation à maintenir sa grossesse est fort subtile, et le texte qui sera proposé devra le prendre en compte tant au niveau de l’élément matériel de l’infraction que son élément moral. Toute la difficulté consistera à incriminer la véritable désinformation, par exemple celle consistant à donner de faux délais pour avorter afin que les jeunes femmes consultent trop tardivement un médecin. En effet, donner un spectre trop large au délit d’entrave numérique pourrait être directement attentatoire à la liberté d’opinion.

Une mesure contraire à la liberté d’opinion ?

Comme Laurence Rossignol le précise elle même, « le fait d’être hostile à l’IVG est une opinion, donc c’est protégé par la liberté d’opinion ». Mais elle nuance immédiatement son propos en affirmant que les sites pointés du doigt délivrent de fausses informations sur l’IVG et dissuadent les jeunes filles et femmes de la pratiquer « est d’une autre nature ». Autrement dit, le contenu des sites anti-IVG ne serait pas couvert par la liberté d’expression et d’opinion. Rien n’est pourtant moins sur, et il appartiendra certainement au Conseil Constitutionnel d’estimer si la mesure proposée pour garantir le droit fondamental de la femme à l’avortement porte atteinte à la liberté d’expression et d’opinion de ses réfractaires sur internet. S’il n’est pas saisi a priori, c’est à dire avant l’entrée en vigueur de la loi consacrant le délit d’entrave numérique alors les groupes anti-IVG ne manqueront pas de soulever une question prioritaire de constitutionnalité dès les premiers procès.

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Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC.

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