Les politiciens sont-ils condamnés à frauder ?

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Par Nicolas Perrin Publié le 10 février 2017 à 5h00
France Classe Politique Fraude
@shutter - © Economie Matin
10 %90% des politiciens donnent une mauvaise réputation aux 10% qui restent, disait Kissinger.

Les actualités judiciaires en lien avec la sphère politique ont animé ces dernières semaines.

Entre Claude Guéant condamné en appel parce qu’il trouvait que le cash était tout de même bien pratique pour distribuer ses primes de cabinet, le « Penelopegate » et les accusations portées par les auteurs du livre Dans l’enfer de Bercy contre Emmanuel Macron, on n’a pas vraiment eu le temps de décrocher. Enfin dans la mesure où vous avez entendu parler du « Macrongate » bien sûr, car les médias ont été beaucoup moins enclins à traiter ce sujet que les affaires relatives à François Fillon…

Faut-il en conclure que « la fraude est monnaie courante dans la politique française », comme le fait le quotidien britannique The Independent ?

L’Histoire de France regorge de sacrés filous qui ont accédé à des postes politiques parmi les plus importants. A côté d’Etienne Clavière — ministre des Finances de l’époque et révolutionnaire qui avait installé à son domicile un atelier de fabrique de faux assignats — certains de nos contemporains font figure de petits bras !

Selon les chiffres de Philippe Pascot, ancien élu et auteur de plusieurs essais sur le thème de l’usage que les politiciens font de l’argent public, « 30% des parlementaires […] ont eu affaire au fisc ou à la justice, dans le cadre de fraude fiscale ou de détournement d’argent ». Pas étonnant que la France n’occupe que la 23ème place du classement de l’ONG Transparency International des pays les moins corrompus.

Outre la question de la fraude et de la corruption, il y a celle des moeurs observées dans le monde politique. Mediapart a publié une liste des députés qui emploient un membre de leur famille en tant que collaborateur parlementaire, et le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est pas courte ! Plus anecdotique, du côté de la Belgique, le président de la Chambre et les chefs de groupes se sont récemment prononcés contre la fin de l’open bar sur les boissons alcoolisées proposées gratuitement aux parlementaires…

Devant de telles pratiques, il est tentant de s’en remettre au bon mot britannique selon lequel « Guy Fawkes est la dernière personne à être entrée au Parlement avec de bonnes intentions ». Guy Fawkes était un membre de la Conspiration des poudres qui prévoyait de faire sauter la Chambre des communes au cours de la cérémonie d’ouverture du Parlement du 5 novembre 1605 ; son visage a inspiré le masque bien connu de V pour Vendetta. Ce genre de pratiques est à la racine du dégoût que les citoyens éprouvent vis-à-vis de la politique ; elles pourraient cependant être réduites en s’attaquant aux causes.

Le premier problème est celui de la transparence de la vie politique, de son contrôle et de la fermeté des sanctions en cas de fraude. Il est des pays comme la Suède où chaque citoyen a accès à tout document public, dans la mesure où il en fait la demande auprès de l’administration concernée. Cela ne garantit pas que des « affaires » fuitent, mais ce principe de transparence institué en 1766 restreint les pratiques défaillantes du personnel politique. L’exemple le plus caricatural est sans doute celui de « l’affaire du Toblerone » qui a forcé en 1995 la vice- Première ministre Mona Sahlin à retirer sa candidature à la tête du parti social-démocrate suédois après que le journal Expressen a révélé qu’elle avait effectué un grand nombre de règlements avec sa carte de crédit de fonction, dont deux barres chocolatées. L’ampleur des sommes détournées est plus importante que ce que laissent généralement entendre les médias français, mais on reste bien loin des standards hexagonaux. Philippe Pascot remarque à ce propos que  » plus on monte dans la pyramide, moins les élus sont transparents »…

Transparence

Par ailleurs, il semble aller de soi qu’un individu ayant fait l’objet d’une condamnation judiciaire ait la décence de renoncer à sa carrière politique et, à défaut, qu’il ne soit plus nommé à des postes d’importance, comme – au hasard – ministre. C’est d’ailleurs ce que François Hollande avait promis… juste avant de nommer comme Premier ministre Jean-Marc Ayrault, condamné en 1997, « à six mois de prison avec sursis et 30 000 francs d’amende pour délit d’octroi d’avantage injustifié », comme le rappelle Wikipédia.

Pas de fonctionnaire élu pour une assemblée plus représentative

Vient ensuite la question de la professionnalisation de la fonction d’élu. L’exercice du pouvoir doit-il ouvrir la perspective d’une carrière à vie ou bien doit-il être une parenthèse civique dans le cadre d’une carrière professionnelle ou d’une vie ? Force est de constater que la Ve République a donné lieu à la création d’une classe politique en tant que telle, composée presque essentiellement de hauts fonctionnaires. Ce quasi-monopole est favorisé par le principe de la mise en disponibilité des fonctionnaires, qui peuvent en France reprendre leur activité en cas de défaite à une élection. Au contraire, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Suisse, les agents de l’Etat sont tenus de démissionner définitivement de la fonction publique avant de se présenter à un mandat. Une telle mesure permettrait une véritable diversification de nos représentants, avec la présence accrue d’individus issus du secteur privé. Enfin, limiter les mandats à une certaine durée réduirait le risque d’abus en tous genres.

Un Etat plus modeste

En dernier lieu se pose la question de la place de l’Etat au sein de la société et du train de vie octroyé à ses représentants. La France a une tradition de pouvoir fort et les Français, quoi qu’ils trouvent à redire au train de vie de leurs élus, aiment le faste de la monarchie, qu’elle fut de droit divin ou qu’elle soit présidentielle. Si les citoyens acceptaient moins facilement que les prérogatives de l’Etat s’étendent jusque dans les moindres aspects de leur vie quotidienne et si l’on réduisait le nombre de ministres et de parlementaires, les opportunités de fraude seraient moindres. On pourrait prendre exemple sur ce qui se passe du côté de la Suisse, où la Confédération est représentée par un président dont vous ignorez sans doute le nom et dont le gouvernement (le Conseil fédéral) se limite à sept membres, président inclus !

Le fait que « 90% des politiciens donnent une mauvaise réputation aux 10% qui restent » – pour reprendre les mots de Kissinger – n’est pas une fatalité !

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Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence « Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir », il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Son Twitter : @Nikookaburra.

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