Les ennuis commencent pour le Royaume-Uni

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Par Stéphanie Villers Publié le 3 avril 2017 à 5h00
Brexit Grande Bretagne Economie Programme
@shutter - © Economie Matin
90 %La dette publique britannique représente 90 % de son PIB.

Force est d’admettre la résilience de l’activité britannique face au choc que représente le Brexit. Les indicateurs macro-économiques ont tenu bon.

Depuis l’annonce du résultat du référendum, le 24 juin, le moral des ménages reste au beau fixe et le climat des affaires a bien résisté. Mais, si jusqu’à présent, la croissance de la Grande-Bretagne n’a pas pris l’eau, les derniers indicateurs laissent craindre une rapide détérioration.

Il y a, en effet, une dichotomie entre les enquêtes et les indicateurs macro-économiques, c’est-à-dire entre la perception des effets du Brexit sur l’activité et les conséquences tangibles sur les indicateurs. Les effets économiques négatifs n’ont pas été immédiats, ils se sont diffusés graduellement par la monnaie. Dans un premier temps, la Livre Sterling s’est dévaluée, ce qui a procuré une bouffée d’oxygène pour les exportations en mal d’attractivité, et a stimulé le tourisme. Ces bonnes nouvelles sur le front du commerce ont laissé croire que le Brexit resterait un non-événement pour l’économie Britannique. Certains même ont pris ces premiers résultats pour argent comptant et comme une démonstration des bienfaits immédiats et structurels d’une sortie de l’Union européenne.

Mais, voilà, depuis le début 2017, des signes de ralentissement sont tangibles. La dépréciation de la Livre Sterling a fini par peser sur le pouvoir d’achat des ménages par le biais d’un renchérissement des prix des produits importés. Rappelons que les Britanniques importent beaucoup plus qu’ils n’exportent. Alors, même si la faiblesse du Pound a pu dynamiser la compétitivité des produits en provenance de la Grande-Bretagne, reste que sa dépendance vis-à-vis du reste du monde a freiné les consommateurs britanniques dans leur projet de dépenses.

Les ventes au détail ont, en effet, fortement chuté sur le premier trimestre 2017 par rapport au précédent, en particulier pour les produits hors alimentation (-3,2%). Cet indicateur, qui préfigure le niveau de consommation privée, n’augure rien de bon pour la croissance sur les trois premiers mois de l’année. L’investissement, de même, poursuit son recul sur deux trimestres consécutifs.

Sturgeon contre May

Le début des négociations entre Londres et Bruxelles laisse entrevoir l’émergence de nouvelles turbulences à la fois sur les marchés financiers et sur l’activité britannique d’autant qu’Edimbourg s’en mêle et réclame la possibilité de tenir un deuxième référendum pour l’Ecosse. Dans ce contexte, la poursuite de tensions sur la Livre Sterling est à prévoir avec de nouvelles vagues de désaffection des investisseurs.

La Banque d’Angleterre va, de son côté, se trouver prise en étau entre la nécessité d’accroître ses taux directeurs pour stabiliser l’inflation et l’exigence de poursuivre une politique accommodante pour ne pas créer davantage de pressions chez les emprunteurs. Rappelons que l’endettement des ménages reste très élevé (plus de 150% du PIB) et la dette publique dépasse 90% du PIB. En revanche, le taux d’inflation se raffermit pour atteindre 2,3% en rythme annuel en février.

Uncharted waters

Cette hausse de l’indice des prix à la consommation est stimulée à la fois par la reprise des cours du pétrole et par l’augmentation des prix importés avec la dépréciation de la Livre Sterling. Or, en maintenant son taux directeur à un taux plancher à 0,25%, la Banque centrale anglaise prend le risque de laisser filer les prix. La voici enfermée dans un cercle vicieux qui ne passera pas inaperçu d’autant que les négociations entre le gouvernement de Theresa May et l’Union européenne s’annoncent tendues et difficiles. Les marchés financiers risquent, dans ce contexte, de mettre le feu aux poudres, déclenchant une pression sur les taux d’intérêt long terme et entraînant un nouveau décrochage de la devise britannique. Or, si la finance lâche la Grande-Bretagne, il n’est pas certain que la Banque d’Angleterre ait les reins assez solides pour défendre sa monnaie tout en maintenant les taux d’intérêt à un niveau bas. Le Rouyaume-Uni se lance en territoire inconnu, une aventure qui pourrait lui coûter très chère.

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Stéphanie Villers est économiste.

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