Alors que certaines industries, notamment pharmaceutiques, ont fait défaut pendant la crise sanitaire, les énergies renouvelables (EnR) ont couvert de l'ordre de 30% la consommation énergétique française contre 20% hors Covid-19. De quoi faire taire les EnR sceptiques.
Le Covid a révélé la résilience des énergies renouvelables (EnR). Avec un taux moyen de production de 25 à 30% de la consommation énergétique pendant le confinement et 35% en moyenne le 29 mars avec un pic de 45% à la mi journée1 , les EnR ont prouvé toute leur capacité à couvrir une part importante des besoins énergétiques du pays. Un test grandeur nature qui démontre, à ceux qui en doutent encore, que ces énergies ont aujourd'hui toute leur raison d'être dans le paysage énergétique français.
Baisse de la consommation d'énergie pendant le confinement
La consommation annuelle d'énergie en France est d'environ 480TWh avec une part de l'ordre de 70 % pour le nucléaire, un peu plus de 20 % pour les renouvelables, le reste provenant d'installations fossiles (en très grande majorité alimenté par du gaz)1. Si le volume de la consommation est quasi stable depuis plusieurs années grâce aux améliorations de l'efficacité énergétique, il présente néanmoins une évolution dans sa nature avec l'augmentation de la part de l'électrique due au numérique, aux voitures électriques et à l'électrification des industries. Pendant la période de confinement, le marché de l'énergie a enregistré une baisse inédite de la consommation de l'ordre de 15% à 20%, avec l'arrêt de l'industrie. Contrairement à la crise de 2008, qui avait conduit à une baisse durable de la consommation d'énergie de -5%, celle liée au Covid est limitée dans le temps, la consommation repartant à la hausse depuis le 11 mai.
Le confinement rebat les cartes des sources d'énergies
Outre l'arrêt de l'économie, de fortes variations météorologiques durant le confinement ont impacté la consommation d'énergie. Avec la baisse de la consommation et les fortes variations, le gestionnaire du réseau (RTE) a cessé l'activité des centrales thermiques marginale (gaz, fuel), préservant uniquement comme installations « fossiles » celles de cogénération. Le mixte énergétique français, a donc, pendant le confinement, été constitué quasi exclusivement d'énergie nucléaire centralisée et d'EnR décentralisée variable, alimentant ainsi de façon décarbonée, fiable et stable l'ensemble du réseau électrique français et une partie de l'export habituelle. Une belle preuve de la compatibilité des EnR avec notre système électrique sans avoir recours aux installations à énergie fossile.
De par son ancienneté, le parc nucléaire français nécessite d'importantes opérations de maintenance. Planifiées de longues dates, plusieurs ont dû être arrêtées ou retardées pendant le confinement augmentant alors des craintes de disponibilité d'approvisionnement d'énergie à l'hiver prochain. En revanche, les travaux de maintenance sur les éoliennes et panneaux solaires ont pu être effectués pendant toute cette période portant leur disponibilité pour soutenir le réseau à 95%. Une situation démontrant que la maintenance d'une énergie décentralisée et répartie en plusieurs points n'a aucune incidence négative sur le réseau de distribution là, où celle d'une centrale nucléaire et a fortiori plusieurs, requiert l'arrêt et donc la perte d'une grande quantité d'énergie simultanément.
Il faut revoir le coût de l'énergie
Calculé quotidiennement et sur le long terme par des mécanismes fortement influencés par l'ARENH (Accès Régulé à l'Energie Nucléaire Historique), le prix de l'électricité est fortement influencé par celui du kWh nucléaire. Celui-ci, ne reflète malheureusement en rien le coût réel et complet de cette énergie, car il n'intègre ni les frais de carénage (remise à niveau pour en prolonger leur durée de vie) ni ceux du démantèlement des centrales nucléaires dont le cout, selon un rapport parlementaire de février 20172, est largement sous-estimé à 350 millions d'euros par EDF, quand d'autres exploitants estiment un coût entre 900 millions et 1,3 milliard d'euros par réacteur. Par ailleurs, le temps de démantèlement d'une centrale nucléaire est égal à sa durée de production d'énergie ! Selon certaines études et rapports de la cour des comptes3, le prix réel du nucléaire français serait autour de 59.8 €/MWh pour les anciennes centrales et entre 70 et 90 €/MWh pour les EPR en construction. EDF estime d'ailleurs qu'à terme le kWh des EPR pourrait tendre vers 60 à 70 €/MWh4.
Le prix des EnR est, quant à lui de l'ordre de 62.9€/MWh pour l'éolien et 56.31€/MWh pour le solaire, et, à l'inverse du nucléaire, il intègre toute la chaine de valeur, depuis la construction du parc jusqu'à son démantèlement (qui ne durera que quelques mois) en passant par l'opérationnel et la maintenance. Si les EnR sont donc d'ores et déjà compétitives, elles souffrent néanmoins des mécanismes tarifaires du marché inadaptés à leurs spécificités. Conçus pour rémunérer des producteurs centralisés et traditionnels (centrales thermiques) dont les Capex (dépenses d'investissement) sont modérés et les Opex (dépenses d'exploitation) élevées, les prix de l'énergie ne prennent pas en compte les CAPEX (lié à la construction) et les couts d'exploitation marginaux des parcs éolien et solaire. Il conviendrait donc de remettre à plats ces mécanismes afin de mieux refléter la réalité des profils de couts des installations et accroitre l'optimisation du prix de l'électricité produite par les EnR.
Alors, sans révolutionner le marché de l'énergie, cette crise sanitaire a eu le mérite de prouver la solidité et les avantages des EnR. Mais elle a aussi révélé l'inadaptation des mécanismes de marché de l'électricité pour les installations des énergies renouvelables dont le coût d'exploitation est faible. Profitons du retour d'expérience lié au Covid pour lancer une réflexion globale sur le système électrique et accélérer le déploiement des énergies renouvelables !