Les contrats précaires, la voie antichômage

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Par Daniel Moinier Publié le 26 septembre 2017 à 5h00
France Chomage Contrats Precaires
@shutter - © Economie Matin
26,2 millionsLa France compte 26,2 millions d'emplois occupés.

En 2016, 70% des embauches se sont faites en CDD ou intérim. Mais il faut constater qu’en parallèle, 85% des salariés en place sont en CDI.

Sur 26,2 millions d’emploi occupés en France, 3,4 millions le sont de façon précaire. Parmi l’ensemble des emplois, les trois quarts de ces actifs occupés travaillent dans le secteur du tertiaire et presque neuf sur dix sont salariés.

Les emplois à durée indéterminée restent prédominants chez les salariés (85,3 %). Ils sont minoritaires (44,0 %) chez les 15–24 ans, entrés plus récemment sur le marché du travail et moins diplômés que l’ensemble de leur génération, les plus diplômés étant encore en études. Le sous-emploi, massivement féminin et affectant particulièrement les employés non qualifiés, concerne 6,5 % des actifs occupés.

Près de 3,5 millions d’actifs de catégorie A sont au chômage (3,7 avec OM). Le taux de chômage s’est élevé à 10,1 % en 2016 en France. Nous avons un chômage récurrent depuis les années 80. Aucun gouvernement n’a su le juguler et pourtant toutes sortes de lois, de mesures incitatives d’embauches, des structures en grand nombre ont été mises en place, sans aucun résultat probant. C’est même le contraire qui s’est passé, plus on a « fait » du social, plus on s’est polarisé sur ce chômage, plus il a explosé. Nous avons dépassé couramment les 10% ce qui ne peut être acceptable. Et encore en maquillant les chiffres puisque pour ne pas annoncer des chiffres exorbitants, il a été depuis longtemps créé des catégories, il y a en a eu jusqu’à huit ! Aujourd’hui c’est encore cinq. Le total des cinq catégories était encore de 6.632.000 inscrits à Pôle Emploi fin 2016 ! Dans la catégorie A, ceux qui sont totalement sans emploi, il y a 486.300 jeunes de moins de 25 ans, mais surtout 918.000 de plus de 50 ans et 2.452.000 en longue durée ! C’est énorme.

Parmi l’ensemble des chômeurs à une date donnée, 20,3 % occupent un emploi le trimestre suivant. Par rapport aux plus âgés, les jeunes perdent plus souvent leur emploi d’un trimestre à l’autre, mais quand ils sont chômeurs ils accèdent plus fréquemment à l’emploi.

L’Insee nous apprend que depuis 30 ans, il existe une précarité de plus en plus croissante qui touche principalement les jeunes et depuis quelques années les seniors. Des CDD de plus en plus courts, des missions d'intérim à foison, de moins en moins de CDI, c’est l’évolution du marché du travail d’aujourd’hui. La durée des contrats CDD est tombée en moyenne à 26 jours depuis 2011. Celle de l’intérim a été divisée par trois en 30 ans pour arriver à un peu moins de deux semaines.

Il suffit de regarder le graphique ci-dessous publié par l'Insee pour s'en convaincre. La part des CDD de moins de 3 mois n'a jamais été aussi élevée depuis 30 ans : ils représentent près de 40% des embauches. A l'inverse, celle des CDI ne cesse de diminuer à moins de 10%.

En plus de la fragilité de l’activité, des lois successives qui désorientent les entrepreneurs, une des causes de cette dégradation est également due aux modifications des contrats par les gouvernements successifs.

Un peu d’histoire du fonctionnement de l’intérim

Dans les années 50, c’est Laurent Négro qui a créé BIS et la première agence de travail temporaire en France. Il a mis en place un contrat très « intelligent » entre l’intérimaire et les entreprises. Un contrat qui avait un début et pas de fin. C’était l’une des deux parties qui décidait de la fin du contrat. Cela fonctionnait à merveille avec un minimum de contraintes, de paperasserie et de réclamations. Le patron y trouvait son compte mais encore plus l’intérimaire, car celui-ci, s’il était consciencieux, compétent, se trouvait souvent oublié par l’employeur dans la masse des salariés « fixes ». Ce qui permettait d’avoir des durées d’emploi souvent très longues, parfois même des années. Personne ne se plaignait.

Le gouvernant trouvant que l’intérim prenait trop d’ampleur, s’est mis à intervenir et créer tout un nombre de contrats différents, A, B, C, D, etc. Pour le remplacement d’une personne absente, pour un surcroit d’activité…etc. Cela est devenu tellement administratif et contrôlé que des contrats nouveaux ont été crées avec des périodes de renouvellement par semaine pour que l’employeur puisse arrêter les contrats, sans se trouver « coincé » et en défaut.

Les coûts s’en sont trouvés fortement augmentés avec des marges en forte diminution. Le nouveau contrat proposé actuellement, de projet ou chantier serait certainement intéressant car il se rapprocherait du premier contrat d’intérim qui était très satisfaisant pour les deux parties.

Pourquoi certains n’arrivent ils pas à retrouver un emploi ?

La cause principale, c’est le CDI de longue durée dans la même entreprise et parfois dans le même poste. Le pire de tout, c’est le salarié qui a la cinquantaine, qui habite en pleine campagne à coté de son travail avec son entreprise qui périclite et finit par fermer. C’est la catastrophe. Auparavant, il y a eu la colère, l’incompréhension qui surgissent, les manifestations, les dégradations, parfois les séquestrations de dirigeants, les bonbonnes de gaz, les annonce de destruction de l’outil de travail et j’en passe. Regardez ce qui s’est passé tout dernièrement à la Souterraine dans la Creuse avec l’entreprise GM&S.

Le comble s’est produit avec la crise des supprimes en 2009, les licenciements et fermetures d’entreprises à tour de bras. Souvenez-vous aussi de la plus retentissante fermeture mémorable, celle de Continental (Appelés les Conti) à Clairvois (Oise) qui a défrayé la chronique plusieurs années avec des manifestations monstres à Paris, jusqu’en Allemagne, le saccage de la Sous-préfecture de Compiègne, et le regroupement des chômeurs en association de défense qui a duré des années après la fermeture. Que de dégâts familiaux, dépressions, divorces, reventes de voitures, d’habitations, la dégradation du niveau de vie, les longues périodes de chômage. C’est la perte de confiance en soi, l’impression de n’être plus bon à rien, de ne pouvoir retrouver aucun emploi dans un rayon d’action acceptable qui bloque toute velléité de recherche. Certains trainent comme cela jusqu’à la retraite. D’autres trouvent des petits boulots près de chez eux car il n’est pas question d’aller loin, de se couper de ses repères, de son entourage, de sa famille. Tout cela entraîne la baisse du niveau de vie de la famille, mais aussi celui de la nation, la baisse de la consommation, des commerces locaux et des fermetures en chaînes, etc…Dans ce type de situation, il y en a moins de 10% qui sont mobiles et qui retrouvent un emploi ailleurs dans une autre région. Une partie de ceux-ci avait déjà anticipé la fermeture, généralement ceux qui étaient déjà psychologiquement mobiles et qui avaient déjà changé d’emploi et encore mieux de région.

Je vais me permettre de relater « l’histoire singulière» d’un salarié licencié alors que je m’occupai d’agences d’intérim en Champagne. Une entreprise de 80 personnes de fabrication d’outillages spéciaux implantée dans une ville de 40.000 habitants fait faillite. Tous sont licenciés. L’ANPE (ancienne Pôle Emploi) locale avec qui j’étais en bonne relation m’appelle et me demande si je peux les aider à trouver un emploi à trois salariés de cette entreprise semble t-il, plus difficiles à reclasser. Je reçois les trois et réfléchis où pouvoir les « recasser » car il n’existe aucune entreprise similaire dans un rayon de plus de 100 kms. Je pense à une importante entreprise cliente de tréfilerie proche qui emploie plus de 1300 personnes avec un gros service d’entretien et d’outillage de 70 personnes. Le chef du personnel me dit d’accord, on va faire un essai avec un des trois, âgé de 49 ans, très expérimenté. Son entreprise avait déjà travaillait avec eux en sous-traitance. Il est placé en intérim en prévision d’embauche en CDI. Les deux premières semaines se passent apparemment sans problème. Mais quelle ne fut pas ma surprise de trouver Mr Dupont dans mon bureau l’après midi de la troisième semaine. Que faites-vous ici ? Qu’est-ce qui vous arrive ? Je n’en peux plus, rien ne va, je suis obligé de prendre ma voiture, de faire 6 kms ½, de passer 4 feux, les horaires ne sont pas les mêmes, je n’ai pas le temps de revenir chez moi à midi, le matériel est différent, les gens avec qui je suis ne sont pas pareils, je n’arrive pas à supporter ce changement ! Je lui dis attention Mr Dupont, vous ne retrouverez rien d’autre près de chez vous de similaire et d’aussi bien payé. Non, je ne veux pas y retourner, c’est trop difficile pour moi.

Explication : Ce Monsieur avait commencé à travailler à 16 ans, soit 33 années au même endroit avec le même emploi. Lorsqu’il s’est marié, il a pris un logement à 300 mètres de son entreprise. Il allait au travail à pieds et revenait déjeuner chez lui à midi. Ce changement l’a obligé à prendre sa voiture et ne plus revenir à midi c’était insurmontable pour lui ! Contrairement à ce que l’on peut penser, des situations d’emplois assez similaires existent encore aujourd’hui en France surtout dans la France « profonde ».

Les mutations de la société, les fermetures, délocalisations, rachats, ont bouleversé les modes de fonctionnement, d’emplois, on retrouve encore beaucoup de salariés peu mobiles et pas prêt au changement. La France est bien un pays où la mobilité est restreinte, surtout lorsqu’il faut changer de région, aller à l’étranger. Les jeunes de par leurs études les obligent en général à effectuer des stages, formations à l’étranger. Mais ce ne sont que ceux qui sont en études supérieures pas ceux qui sont dans les banlieues, sans emplois. Des études de mobilité ont démontré qu’une personne qui a déjà changé d’employeur au moins une fois avant 30 ans était « sauvé » pour l’avenir, surtout si ce changement était effectué de son plein gré, sans contrainte. Psychologiquement, le salarié aura une confiance en lui bien supérieure et une bien meilleure adaptabilité.

Pour aller plus loin encore selon les études, le parcours idéal serait d’avoir trois employeurs différents avant 30 ans. Et pour avoir une carrière réussie, un meilleur CV : 2 ans maxi dans le premier poste et ensuite changer de soi-même avec un an de plus chaque fois, c'est-à-dire après 2 ans, 3 ans, 4 ans, 5 ans jusqu’à 8, 9 fois, ce qui fait plus de 45 années d’activité. Pourquoi ces durées qui augmentent avec l’âge ? Quand on est jeune c’est accepter de changer plus souvent, ensuite au fur à mesure, le couple se forme, la famille s’agrandit, les responsabilités généralement augmentent. Avec un poste plus élevé il est nécessaire d’avoir un temps plus long pour réaliser sa mission. Autre conseil important, ne jamais attendre que cela aille mal pour changer. Vous pouvez négocier votre contrat de travail, augmenter votre rémunération, mais surtout choisir, l’entreprise, le lieu, la fonction qui vous convient tout en ayant un consensus familial. Tout le monde y trouve son compte : Le salarié, l’entrepreneur, la famille, la nation, les commerces, etc…

Il est estimé que la France perd 6% de PIB par année à cause d’une mobilité moindre que la moyenne des pays. Lorsque vous changez de lieu, les déménageurs y gagnent, l’immobilier, le bâtiment, etc… En augmentant à chaque fois votre revenu, cela augmente le niveau du pays, les entreprises sont plus performantes, l’ambiance est meilleure, le niveau de pessimisme diminue. Sur ce dernier point, il faut rappeler que nous sommes encore classés dans les tout derniers mondiaux.

D’autre part, les contrats précaires permettent justement l’apprentissage de la mobilité, apporte une confiance en soi plus importante par l’adaptabilité. Certains intérimaires dans les années 70/80 avaient plus de 20 années d’intérim et ne voulaient pas changer de « système » tellement ils appréciaient le changement, la découverte, l’ouverture d’esprit, de nouveaux type de travail, des collègues différents et apportaient même leurs idées et compétences dans chaque entreprise. Mon 3ème livre : « Le meilleur parcours pour ne jamais être au chômage » est tout à fait en phase avec cet article avec beaucoup plus d’exemples, de tests, de conseils pour réussir sa carrière.

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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