Les salaires stagnent mais notre système socio-économique nécessite des revenus toujours plus élevés pour fonctionner. Il y a donc un problème.
L’un des plus grands mystères pour les économistes conventionnels est de comprendre pourquoi les salaires n’augmentent pas pour les 95% des salaires les moins élevés — même si le chômage est faible et que les embauches restent solides.
Selon la théorie économique classique, l’offre limitée de travailleurs disponibles corrélée à une forte demande de travailleurs devrait faire grimper les salaires. Pourquoi donc les 95% des salaires les moins élevés ont-ils reculé dans une économie en croissance ?
Nous pouvons commencer notre recherche de la réponse en retournant 44 ans en arrière, au début des années 1970. On remarque alors que les 5% des salaires les plus élevés ont commencé à se démarquer dans les années 1980, au moment où la financiarisation et la mondialisation ont décollé. Cette différence s’est creusée lors du boom technologique des années 1990 et lors de la bulle immobilière du début des années 2000. Les 95% des gens les moins bien payés ont certes profité de ces expansions, mais à un niveau moindre.
Suite l’éclatement de la bulle du crédit subprime en 2008/2009, la « reprise » a vu les salaires des 5% des gens les mieux payés augmenter fortement tandis que ceux des 95% les moins bien payés chutaient. Ce graphique ne tient compte que de la population masculine.
Voici les revenus des ménages depuis le boom d’après-guerre de la fin des années 1940 et des années 1950. Remarquez le changement au début des années 1970 et la stagnation de tous les niveaux de revenus depuis 2000.
Les forces à l’oeuvre dans les années 1970, 1980 et 1990 et qui ont comprimé les salaires sont bien connues : la financiarisation, qui a bénéficié aux salaires les plus élevés aux dépens des salariés asservis par la dette, dont le fardeau est de plus en plus lourd ; la mondialisation, qui a opposé les travailleurs américains à une main-d’oeuvre mondiale en constante augmentation et composée d’employés faiblement rémunérés ; et l’automatisation/les logiciels, qui ont migré de l’usine aux secteurs des services.
Les travailleurs offrant les aptitudes requises par la financiarisation, la mondialisation et l’automatisation – les technocrates et les dirigeants — ont tiré leur épingle du jeu tandis que ceux qui ne pouvaient pas ajouter suffisamment de valeur au sommet de la chaîne ont vu leurs salaires stagner. Mais ces forces n’expliquent pas à elles seules la stagnation des salaires des 95% au bas de l’échelle.
Trois autres forces tout aussi puissantes entrent en jeu :
1 – Les taux d’intérêt nuls et une liquidité abondante ont maintenu en vie des entreprises moribondes, ce qui a gonflé l’offre.
Dans tous les secteurs prévaut une surabondance de l’offre, de tout : trop d’espaces marchands, trop de fast-foods, etc. Des entreprises marginales ont pu continuer à fonctionner même en étant moribondes, générant juste assez de revenus pour emprunter plus d’argent et pour reporter le remboursement de leurs dettes. Dans un environnement de taux constants, c’est-à-dire des hypothèques à 6% et des taux plus élevés pour les autres dettes, ces entreprises zombies auraient été fermées. L’offre excédentaire aurait donc diminué, ce qui aurait permis aux survivants de regagner un pouvoir sur les prix et par conséquent leur aurait donné les moyens de payer des salaires plus élevés.
2 – Des revenus ont été siphonnés par une hausse constante des charges sociales au lieu d’être donnés en salaires :
cotisations d’assurance médicale, taxes plus élevées pour les indemnités d’accidents du travail, etc. Lorsqu’un employeur doit payer plus de 500 $ par mois pour l’assurance santé d’un employé, cette somme aurait pu grossir un salaire ; à la place, elle disparaît dans les mâchoires insatiables des soins de santé américains.
3 – La plupart des employeurs ne peuvent se permettre de payer des salaires plus élevés sans tenir compte du marché du travail.
Ils doivent faire face à des coûts toujours plus élevés alors que leur pouvoir sur les prix (leur capacité à augmenter les prix) est nul du fait de l’excédent de l’offre dans quasiment tous les domaines. Les seuls secteurs ayant la capacité d’augmenter les prix à leur gré sont les cartels qui réussissent à faire leurs profits sur le dos de la population, sous la protection de l’Etat fédéral : l’enseignement supérieur, les grandes sociétés pharmaceutiques, etc. Confrontés à une absence totale de pouvoir vis à vis des prix et à des coûts plus élevés, les employeurs peuvent soit augmenter les heures de travail de leurs employés actuels, ou bien embaucher à temps partiel des travailleurs sans avantage contractuel. C’est la réalité pour la plupart des petites entreprises.
Le problème de la stagnation des salaires, c’est que notre système socio-économique nécessite des revenus toujours plus élevés pour fonctionner. Les salaires qui stagnent mettent à mal les programmes de financement par répartition tels que Medicare, les impôts des gouvernements locaux indexés sur le revenu, et bien entendu les secteurs de la consommation qui s’appuient sur la dépense des 95% du bas de l’échelle. Comme je l’ai souvent fait remarquer, combler l’écart entre les salaires qui stagnent et des dépenses plus élevées par un endettement plus élevé, cela fonctionne un temps mais ce n’est pas éternel. Un jour ou l’autre, les coûts croissants de service de la dette engloutissent l’emprunteur – et lorsque ce dernier fait défaut, la créance irrécouvrable engloutit le prêteur à son tour.
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