Aujourd’hui, nous avons un programme chargé de visites d’exploitations agricoles, d’usines, de centres commerciaux et de sièges sociaux, dont ceux de jeunes pousses où on pense être en train d’enfanter un monde tout neuf en se tenant informatiquement surarmé.
L’objet de ces visites est de vérifier que le tracé complet du tableau dont le précédent article commence la présentation s’applique toutes les fois que la structure de fait d’une entreprise contractuelle (celle qui est juridiquement constituée) comporte des entreprises dans l’entreprise (Economie Matin du 25 octobre), le plus souvent conjointement à des services généraux et des ateliers. Même une minoterie ou une sucrerie ou une scierie qui ne produirait et vendrait qu’une seule sorte de farine ou de sucre ou de pièce de bois aurait au moins un sous-produit à écouler ; etc.
Des pyramides de râteaux
Par entreprise contractuelle, les entreprises dans l’entreprise, vendeuses et rapporteuses de marge (positive, nulle ou négative) constituent une pyramide de râteaux. C’est pourquoi un unique tableau suffit à modéliser n’importe lequel de ces râteaux et que ce tableau peut être dit gigogne parce que son tracé est valide à tous les niveaux de la pyramide.
Sur un espace géographique où cent mille entreprises juridiquement constituées vendent chacune plusieurs marchandises composées, il y a cent mille pyramides de râteaux. On observe de trop loin la structure inhérente à l’économie de marché si on n’en tient pas compte. Les économistes patentés ne sont pas encore des docteurs auxquels leurs maîtres ont fait étudier d’assez près l’anatomie, pour ainsi dire, du système économique. Le comblement de cette lacune viendra d’abord de clarifications conceptuelles et non pas du brassage pseudo scientifique de bases de données de plus en plus gigantesques. Retroussons les manches.
Le tableau gigogne complet
Par tête de râteau, le tableau complet comporte neuf ou douze lignes de données. Les neuf premières lignes sont toujours les mêmes. Les trois autres lignes de données ne sont significatives que tout en haut de la pyramide de râteau, à savoir lorsque l’entreprise mère considérée est l’entreprise contractuelle.
En lignes 10 et 11 ci-dessus, la rentabilité et la productivité sont celles du total des investissements de l’entreprise contractuelle, hors bilan compris en cas de location-bail et d’affacturage. Si le capital de l’entreprise contractuelle est égal à 70 % de ce total, soit 315, alors son plus important RPP’ est comme suit :
Pour lire les explications suivantes en ayant à portée de clic un onglet où trouvent ces deux tableaux, vous pouvez utiliser l’url https://www.lecodemain.net/pppriappa.html#a1.
L’apprentissage de la lecture du tableau gigogne
Mettons-nous à la place d’un formateur ayant à faire étudier cette modélisation à un auditoire qui découvre sa version complète. Ce formateur a repéré que les lignes 2 à 4 sont des données de flux et qui plus est de flux direct. Pour le faire comprendre, il dispose de l’argumentation de la proposition 11.4 : comme les entreprises juridiquement constituées, les entreprises dans l’entreprise ont des coûts directs et dégagent une marge directe. Assez d’attention à la façon dont les résultats d’une entreprise se forment conduit au constat qu’en comptabilité économique la définition ce qui est et n’est pas direct n’a rien d’alambiquée.
La ligne 1 est une donnée de stock, et non pas de flux. C’est d’ailleurs la seule ligne qui renseigne sur des montants de stock, en l’occurrence d’investissements (= d’actifs et d’éventuels mais de plus en plus fréquents hors bilan – il n’est pas rare que dans les jeunes pousses d’aujourd’hui tout l’équipement informatique, matériels et logiciels compris, étant loué, il soit hors bilan). Dans un premier temps, il suffit de faire prendre acte que les investissements sont des stocks, comme les financements de l’entreprise contractuelle (Economie Matin du 25 mars), au besoin en rappelant que l’indispensable et très concrète distinction entre flux et stock est méthodologiquement axiomatique (proposition 4.2).
La trilogie RPP’, les RRP’ de même appartenance
À ce point, le formateur dans la peau duquel nous nous sommes glissés est en mesure d’expliquer les valeurs relatives qui, sous les noms de rentabilité, de productivité et de profitabilité se trouvent aux lignes 5 à 7, puis aux lignes 10 à 12 si la mère considérée est l’entreprise contractuelle. Nous disposons à cette fin des définitions, génériques en économie objective, de la rentabilité R, de la productivité P et de la profitabilité P’. Ces trois définitions figurent dans le premier développement de la proposition 11.7 : les entreprises dans l’entreprise sont l’objet d’investissements directs, tous très exactement financés de la même façon. C’est cohérent et conforme à des faits vérifiables, y compris pour ce qui est des investissements tous financés de la même façon au sein de chaque entreprise contractuelle – la configuration actuelle de l’ingénierie financière repousse cette affirmation.
Ces trois définitions génériques procurent une très utile et très fondamentale clarification conceptuelle. Elles mettent sur le chemin où se trouve une évidence qui est en soi irréfutable, mais que les récits et mathématisations subjectivistes (et alors inévitablement au moins en partie imaginaires) sur les activités économiques en général et financières en particulier mettent sous le boisseau. Depuis que les hommes se livrent à des échanges dont l’un des termes est de la marchandise composée – dont au paléolithique des outils de pierre taillée échangés par leurs fabricants contre des produits de chasse et de cueillette –, il y a des entreprises ainsi que des rentabilités, des productivités et des rentabilités directes ; et tant que les hommes continueront à se livrer à de tels échanges, ils maintiendront qu’ils le veuillent ou non l’existence de rentabilités, de productivités et de profitabilités de même appartenance (proposition 11.8) ; lesquelles sont généralement interdépendantes par la règle de trois qui très souvent lie l’un de ces ratios aux deux autres… vérités que nombre d’économistes et de gestionnaires honorés par leurs pairs contournent parce que leurs implications ne découlent pas des postulats qu’ils accréditent.
Sept tentations à dépasser
1. La valeur la plus actuelle d’un investissement serait celle de sa cession à un repreneur. La valeur la plus actuelle d’un investissement est son coût de remplacement.
2. Amortir et rentabiliser seraient du pareil au même. Amortir et rentabiliser ne reviennent pas au même.
3. Une rentabilité exprimerait une durée. Une rentabilité n’exprime pas une durée.
4. Un sous-ensemble d’une entité juridiquement constituée aurait un bilan complet. Aucun sous-ensemble d’une entité juridiquement constituée n’a un bilan complet.
5. Les investissements directs des entreprises filles ne seraient pas forcément financés par la même proportion de capital et de crédits. Au sein d’une entreprise juridiquement constituée, les investissements sont tous financés par la même proportion de capital et de crédits.
6. L’affectation d’un produit à la couverture d’une charge serait de bonne gestion. L’affectation d’une recette à un dû n’est pas opposable à un créancier.
7. Les marges seraient engendrées par la loi de l’offre et de la demande. Les marges sont premièrement des répartitions de coûts communs et de résultat final, que ce dernier soit négatif, nul ou positif.
Avoir trop cédé à ces sept tentations explique en grande part pourquoi l’initiation au tableau qui vient d’être présenté n’est pas encore un classique commun aux études d’économie et aux formations à la gestion d’entreprise.