Le secteur bancaire tremble et l’or n’a pas dit son dernier mot

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Par Simone Wapler Publié le 17 février 2016 à 5h00
Union Europeenne Dette Banques Or
@shutter - © Economie Matin
12 000 milliards ?La dette des pays de l'Union européenne est supérieure à 12 000 milliards d'euros.

Le pétrole et les matières premières ont bon dos, les Chinois aussi.

S’endetter pour produire et vendre à des clients qui doivent eux-mêmes s’endetter pour acheter est un business model enrichissant pour… les marchands de dettes. "Le crédit est le sang de l’économie", vous explique-t-on. C’est ce qui explique que les financiers prospèrent. Ou plus exactement prospéraient…

L’action de Deutsche Bank a plongé de 35% depuis le début de l’année. Le 8 février, certains se demandaient si le monstre aurait de quoi payer ses dettes. Il a fallu probablement l’intervention de la Banque centrale européenne et des ordres avant cotation pour que Deutsche Bank n’aille pas au tapis le 10 février.

Barclays, Crédit Suisse, BNP Paribas, Société générale… toutes massacrées. M. le Marché ne les aime plus. Les banques européennes couvent probablement des pertes dans le domaine des produits dérivés, réfléchit-il.

Les banques grecques, les banques italiennes fraîchement restructurées car bourrées de créances douteuses ? M. le Marché ne les trouve pas saines non plus. Les déséquilibres s’accumulent dans l’Union européenne : l’Espagne, l’Italie, la France, le Portugal, la Grèce doivent de l’argent aux Pays-Bas, au Luxembourg, l’Allemagne. 750 milliards d’euros sont en jeu. Le marché interbancaire se fige, les banquiers ne se font plus confiance entre eux et qui connaît mieux qu’eux leurs vulnérabilités ? Du côté des banques américaines ce n’est pas rose non plus. Les cours de Bank of America, Citigroup et Morgan Stanley chutent d’au moins 25% depuis le début de l’année.

Fin de sept années de vaches grasses en vue??

Pourtant, tout ronronnait très bien jusqu’en 2015. Sept ans après la crise, les vaches étaient redevenues grasses. La technique extend and pretend mise en place par nos banquiers centraux de génie faisait son effet. Elle consiste à étendre (extend) la maturité des dettes et à prétendre (pretend) que les dettes seront remboursées un jour.

Les banquiers centraux rachètent de mauvaises créances en prétendant qu’elles seront un jour honorées. Ils les inscrivent dans leurs registres à côté des obligations souveraines étrangères constituant leurs réserves de change et de leur or. En face pour équilibrer la balance, figurent la monnaie créée (sous forme de crédits et de pièces et billets) et la toute petite portion (1%) de l’argent des déposants que les banques commerciales consignent auprès de leur banque centrale.

Pour pouvoir prétendre que tout va bien, les banquiers centraux ont baissé les taux directeurs. Ainsi un débiteur peut rembourser un vieil emprunt en en contractant un nouveau à un taux d’intérêt inférieur ce qui revient à étendre la durée de son prêt. Mais les taux sont maintenant en dessous de zéro et il devient difficile de continuer à "étendre et prétendre". Les fonds de pension et les assureurs, par exemple, ne peuvent plus prétendre qu’ils vont pouvoir servir des rentes aux retraités si les taux d’intérêt négatifs s’éternisent.

M. le Marché s’inquiète de savoir comment les banques vont à l’avenir gagner de l’argent et de qui voudra leur confier de l’argent pour ne rien recevoir en échange. Le mot qui terrorise les financiers refait surface : restructuration. Les banquiers centraux mitonnent le "plan B" au cas où, face à leurs échecs répétés, les gens perdraient confiance dans le système monétaire.

Le jubilé, le plan B des banquiers centraux??

Restructurer signifie abandonner des créances, admettre qu’elles ne valent plus rien. C’est le big reset évoqué par Christine Lagarde du FMI lors du Davos de 2014, ou encore le jubilé mentionné par William White de l’OCDE au Davos de 2016. Le plan n’est pas secret, il n’y a pas de complot, tout se discute à Davos, lors des G20 ou encore des réunions du FMI.

Dans l’Egypte antique et chez les Hébreux, on connaissait déjà les cycles de crédit et leurs dangers. Les Anciens avaient compris que le crédit ne pouvait pas augmenter sans limite. Le système de régulation était très simple et peu couteux en fonctionnaires : tous les trente ans ou cinquante ans, le jour du jubilé, on procédait à une remise générale des dettes. Tant pis pour les prêteurs tardifs et imprudents ; tant mieux pour les emprunteurs empêtrés dans de mauvaises créances qui risquaient l’esclavage en cas de défaut de paiement.

Comment se passerait un jubilé de nos jours ? Certains doux rêveurs pensent que comme tout le monde doit à tout le monde ce serait indolore. Bien évidemment ce n’est pas le cas. Je vous livre un grand secret de financier : "quand vous ne savez pas qui paye, en général, c’est vous". Certaines dettes seront annulées, certains organismes financiers nationalisés mais tous les banquiers centraux seraient d’accord sur les compensations entre eux, et elles seront faites sur votre dos. Ce sera un nouveau Bretton Woods et l’avènement d’un nouveau système monétaire.

Bretton Woods III : le retour de la relique barbare

??Ce jour J (comme jubilé), les banquiers centraux sortiront la relique barbare, l’or qui figure à leur bilan, de son placard. L’or a toujours joué un rôle pour restaurer la confiance dans un système monétaire et cette fois il n’échappera pas à la règle.

Supposons par exemple que l’or — qui figure toujours sur les livres de la Fed à 41 $ l’once (à son prix d’acquisition et non au prix de marché) — soit revalorisé en une nuit à 8 200 $ l’once, soit 200 fois plus que ce que dit le bilan. L’or que possède la Chine serait réévalué et par comparaison, la valorisation des réserves de change (les dettes souveraines étrangères) deviendrait bien plus petite. Même chose pour les banques centrales d’Europe. La Bundesbank allemande (qui rapatrie son or et dont les réserves sont de 3 381 tonnes) n’aurait plus à trop se soucier de qui lui doit de l’argent en Europe du Sud. Les 750 milliards d’euros de dettes seraient rééquilibrées par ce qui serait subitement devenu 907 milliards de dollars de réserve d’or.

Bien entendu, après ce jour J, il sera plus difficile pour les impécunieux chroniques de vivre à crédit. Les Etats seront contraints de lever les impôts correspondant à leurs déficits publics ou de faire défaut sur leurs engagements de retraite, de santé, etc.

Le jour du jubilé n’est pas pour demain. Il faut que tous les banquiers centraux soient prêts et d’accord et que le constat d’échec du plan A devienne bien plus flagrant. Cela vous laisse donc du temps pour vous préparer. Mais retenez que l’or en tant qu’actif financier n’est pas mort, que les banquiers centraux ont intérêt à ce qu’il reste bas et que vous serez bien content d’en avoir le jour J. Car après, il deviendra inaccessible pour un moment.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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