Macron ne soutient pas le libre-échange, mais une version européenne du protectionnisme par réglementation plutôt que par taxation.
Le 18 juin, la République en Marche a remporté la majorité absolue, distançant largement tous ses concurrents politiques. De nombreux parlementaires « d’opposition » soutiendront également le gouvernement du Premier ministre Edouard Philippe. Ceci a donné à Macron un mandat fort pour ses politiques, universellement qualifiées de « pro-Union européenne » et pro-libre-échange. Même si son attirance vers l’Union européenne est visible, est-il vraiment pour le libre-échange? Notre théâtre politique, où les déclarations ont valeur de prises de décision, nous ferait presque oublier que Macron, lui aussi, est protectionniste. Il est également un danger potentiel pour le laissez-faire.
Macron prétend qu’il veut préserver la mondialisation. Il a même déclaré que « le protectionnisme est une guerre, c’est un mensonge ». Sauf qu’il n’a jamais contesté des politiques protectionnistes spécifiques telles que la Politique agricole commune. Il a également dit que « nous ne devons pas être un continent complètement ouvert : le protectionnisme ne doit pas être confondu avec une protection nécessaire ». De la même manière que, sous la démocratie, « la guerre devient simplement un moyen de mettre fin à la guerre », aurait ironisé Henry Louis Mencken. L’UE, aux yeux du nouveau président, doit imposer les taxes douanières.
Le protectionnisme emballé de bonnes intentions
Le protectionnisme de Macron n’est pas national. Le président a développé pendant sa campagne l’idée d’un protectionnisme à l’échelle européenne. Son programme est double : tout d’abord, il souhaite promulguer une version européenne du Buy American Act de 1933, qui oblige le gouvernement américain à acheter des produits fabriqués aux États-Unis. Ensuite, Macron souhaite renforcer les règles anti-dumping. Au cours de sa campagne, le candidat Macron a accusé la Pologne de concurrence déloyale en établissant des normes sociales plus faibles. Il n’est donc pas surprenant que Macron soit l’un des partisans les plus fervents des traités commerciaux responsables de la prolifération des barrières non tarifaires.
Pour Macron, le protectionnisme est bien tant qu’il est emballé dans de bonnes intentions. Le protectionnisme macroniste est établi au nom des travailleurs, de l’environnement ou de la sécurité. L’attaque contre le dumping social n’est que de la rhétorique politicienne pour éluder les réformes nécessaires de l’État-providence et du régime fiscal français. En 2012 déjà, le président Sarkozy avait soutenu « le libre-échange, oui. Concurrence déloyale, non. Une Europe qui ouvre tous ses marchés d’approvisionnement public lorsque d’autres ne les ouvrent pas du tout — non ». Pour l’élite politique, le protectionnisme se justifie chaque fois qu’il peut être utilisé pour préserver le statu quo.
La Commission européenne a rapidement critiqué la proposition de Macron d’un Buy European Act. Mais cela ne devrait pas nous faire croire que l’UE est en faveur du libre-échange. L’exemple le plus récent concerne les modifications apportées aux règles anti-dumping et anti-subventions imposées pour limiter les importations d’acier chinois. L’augmentation spectaculaire des barrières non-tarifaires n’est que du protectionnisme voilé. En décembre 2016, par exemple, de nouveaux règlements sur les importations de citrons dans l’UE ont été promulgués pour protéger les producteurs espagnols et pénaliser les citrons turcs en janvier 2017.
Macron joue le jeu de Trump et Le Pen
Emmanuel Macron est-il prêt à instaurer des outils qui favoriseraient le protectionnisme bien qu’il ait critiqué son ancien adversaire, Marine Le Pen, pour la même chose ? Macron avait comparé Le Pen à Vladimir Poutine, car son « programme de protectionnisme, d’isolationnisme et de nationalisme conduit à la guerre économique, à la misère et à la guerre en général ». En mars, il avait critiqué le président américain Donald Trump pour ses politiques protectionnistes, avançant elles seraient nuisibles pour les Etats-Unis. En réponse à l’idée de Trump d’augmenter les taxes sur les constructeurs automobiles allemands, Macron avait rétorqué que l’Europe devrait également augmenter les taxes douanières sur les exportations américaines si les Etats-Unis persistaient : « je ne veux pas aller sur cette voie, mais nous répondrons si les mauvais choix ont été faits ».
Malheureusement, l’amour des politiciens pour le protectionnisme est partagé par la population. Selon un sondage IFOP de 2012, avant l’élection présidentielle, 53% des Français croient que le libre-échange a un effet négatif sur les prix à la consommation ; 69% affirment que cela aggrave le déficit, et un étonnant 81% croit qu’il a un effet négatif sur l’emploi. Qualifier la bataille entre Macron et les candidats comme Le Pen ou Trump de celle du libre-échange contre le protectionnisme est un malentendu. Tous les candidats avaient le protectionnisme comme position politique : la seule différence était l’échelle. Les vrais libre-échangistes ne devraient pas voir Emmanuel Macron comme l’un de leurs alliés, mais plutôt comme un autre exemple de politiciens qui proposent des échanges gérés par le législateur au lieu de marchés véritablement libres.
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