Le prix de la vie humaine

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Par Jacques Bichot Modifié le 31 juillet 2016 à 18h44
Le Prix De La Vie Humaine Bichot
@pixabay - © Economie Matin
50 000 ?un être humain va, par son activité professionnelle, produire en moyenne des biens et services d?une valeur d?environ 50 000 ? par an

L’office national interministériel de sécurité routière (ONISR), pour conseiller les pouvoirs publics sur les dispositions à prendre en matière d’aménagements routiers, s’appuie sur la « valeur de la vie statistique » (VVS) en suivant un rapport de l’OCDE, relayé en France par un certain rapport Quinet sur l’évaluation socio-économique des investissements publics : un accident mortel est valorisé, si l’on peut dire, un peu plus de 3 millions d’euros (M€). Cela signifie que si tel aménagement, supprimant un danger qui causerait probablement des accidents mortels, peut vraisemblablement sauver 10 vies dans un avenir pas trop éloigné, et si son coût est inférieur ou égal à 30 M€, il est logique de l’entreprendre.

La somme de 3 M€ correspond à une réalité assez simple : un être humain va, par son activité professionnelle, produire en moyenne des biens et services d’une valeur d’environ 50 000 € par an, soit 2,25 M€ au cours de sa vie. De plus, son travail domestique peut être valorisé à peu près au tiers de son travail professionnel, ce qui nous porte aux 3 M€. Et pour bien marquer que l’on refuse toute discrimination, y compris par l’âge, on applique à la vie d’une personne âgée le même tarif, si j’ose dire, qu’à celle d’un jeune.

Cette façon de rationaliser la prévention des accidents peut être transposée à la prévention des homicides. Le décompte officiel de ces crimes par les services de PJ en donne 800 par an, en moyenne, pour les 5 années 2010 – 2014. Compte tenu des « crimes parfaits », ceux qui échappent à la PJ et aux tribunaux, le bon chiffre est probablement un peu supérieur à 1 000 par an.

À partir de 2015, le terrorisme a provoqué une nette augmentation des homicides officiellement recensés : environ 150 morts dans les attentats de 2015 (principalement ceux de novembre), et déjà près de 90 pour les 7 premiers mois de 2016 (principalement celui du 14 juillet à Nice). Le même raisonnement que celui effectué en matière routière signifierait qu’il est raisonnable de dépenser 3 M€ pour dissuader, ou rendre inoffensives, 100 personnes ayant une probabilité de 1 % de passage à l’acte.

Il est peu probable que l’opération Sentinelle remplisse cette condition. En revanche, un minimum de formation des juges du pénal, propre à éviter des sottises judiciaires comme celle qui a conduit à laisser sortir de prison, contre l’avis du Parquet, le fanatique qui est devenu l’assassin de Saint-Étienne de Rouvray, remplirait très probablement les critères de rationalisation des choix budgétaires.

Passons de la fin de la vie à son commencement. Nous avons déjà eu l’occasion, dans ces colonnes, d’indiquer combien la baisse des naissances appauvrit notre pays. Or cette baisse se poursuit : le premier semestre 2016, pour lequel le nombre des naissances est désormais connu (360 400, correction faite du caractère bissextile de cette année, au lieu de 370 900 au premier trimestre 2015 et 382 200 au premier trimestre 2014). 22 000 naissances en moins, c’est autant de fois 3M€ de richesse qui ne sera pas produite, et ça fait 66 Md€ !

Tout ça pour économiser 2 ou 3 Md€ sur les dépenses de prestations familiales et récolter à peu près le même montant au titre de l’impôt sur le revenu (en saccageant un peu plus le quotient familial). Les économies réalisées et les impôts supplémentaires ont détruit de la richesse à hauteur de 10 fois leur montant, voire davantage. L’actuel Président de la République et ses ministres auraient bien besoin d’une petite formation à la RCB !

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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