WhatsApp a annoncé fin août une modification de ses conditions de confidentialité.
Après avoir affirmé le maintien de son indépendance lors de son rachat par Facebook pour 19 milliards de dollars en 2014, Whatsapp semble faire machine arrière. Il entend en effet partager les données de ses utilisateurs et notamment leurs numéros de téléphone avec sa maison-mère. Et, dans la foulée, également tester des façons pour les marques de communiquer avec ses utilisateurs.
Cela pose la question du devenir des conversations échangées et des données des utilisateurs de Whatsapp. Pointe aussi, en parallèle, la question de l’usage et de la valeur des numéros de téléphone que Whatsapp et Facebook utilisent dorénavant comme une ressource.
Whatsapp, l’évolution d’un business model
Pour motiver son revirement, Whatsapp affirme améliorer les expériences de ses utilisateurs sur Whatsapp et sur Facebook en affinant les suggestions d’amis et en leur proposant des publicités mieux ciblées. Il s’agit dans les faits d’une évolution profonde du business model de Whatsapp. Après s’être développé sur la base de levées de fonds successives, Whatsapp a mis l’accent sur l’élargissement de sa base d’utilisateurs – en supprimant notamment son abonnement annuel symbolique d’1$. En partageant aujourd’hui les données de ses utilisateurs avec Facebook et avec de potentiels annonceurs, Whatsapp se positionne dorénavant comme un fournisseur de données permettant d’établir des profils de consommateurs. Whatsapp compte très vraisemblablement sur le fait que ses utilisateurs sont suffisamment attachés à – voir dépendants de – son service. Le raisonnement est le suivant : les utilisateurs de Whatsapp préfèreront abdiquer la confidentialité de leurs données plutôt que de passer du temps à trouver un autre réseau proposant un service alternatif.
La valorisation des numéros de téléphone
Revenons sur l’utilisation concrète que vont faire Facebook et Whatsapp des données dont ils disposent. Tout d’abord le partage des numéros de téléphone. Whatsapp qui revendique un milliard d'utilisateurs dispose de l’ensemble de leurs numéros de téléphones à jour alors que Facebook peine depuis longtemps à obtenir ceux de ses membres. Notamment parce qu’à ses débuts, Facebook n’a pas validé les ouvertures de comptes par l’envoi d’un SMS.
Le numéro de téléphone relié aux différents comptes sociaux d’un individu prend aujourd’hui toute sa valeur en tant qu’identifiant le plus fiable de cet individu (par opposition à des pseudos qui peuvent être modifiés). Il permet aussi d’établir la liste des contacts d’une personne à partir de son carnet d’adresse. On voit ici tout de suite l’intérêt pour enrichir les propositions d’amis que suggère Facebook.
Cet identifiant téléphonique est ensuite relié aux intérêts qu’expriment les individus dans leurs conversations Whatsapp. L’essentiel des conversations qui ont lieu sur Whatsapp sont en effet écrites et asynchrones ce qui permet de les analyser et d’identifier des préoccupations, intérêts ou besoins. Et de proposer ensuite des publicités ou services ciblés aux personnes concernées. On peut ainsi imaginer que lorsque le mot taxi est écrit au cours d’une conversation Whatsapp, le chatbot d’une société de taxi enverra automatiquement une proposition de course en utilisant le GPS du téléphone comme adresse de départ.
Ne nous leurrons pas : si certains utilisateurs peuvent apprécier les suggestions personnalisées qui leur sont faites par le biais du « native advertisement », c’est loin d’être toujours le cas comme le montre cet article sur le ciblage effectué par une marque de tests de grossesse. Mais au-delà de ce qu’en pensent les utilisateurs, il n’en reste pas moins que le numéro de téléphone est dorénavant extrêmement valorisé par Facebook et Whatsapp dans le cadre de leur stratégie publicitaire. L’annonce de Whatsapp révèle à quel point les numéros de téléphones sont un atout majeur dans les mains des opérateurs de télécommunications OTT (Over the Top) alors que ceux-ci avaient initialement bâti leur succès sur l’attribution de pseudos.