Le Decodex du Monde est-il une initiative honnête ?

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Par Ferghane Azihari Publié le 17 février 2017 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
67 %Pour 67 % des Français, les journalistes ne sont pas indépendants. (Sondage Kantar pour La Croix 2017)

Le Decodex, lancé par Le Monde, est un outil prétendument destiné à nous aider à identifier ce qui relève des vraies et des fausses informations. Dit comme ça, aucun problème me direz-vous. Néanmoins il s’agit là d’une initiative tout à fait discutable puisqu’elle tend à faire croire au public que l’information serait neutre par essence, ce qui n’est pas le cas et ne le sera jamais.

Une information est toujours biaisée : la manipulation consiste à faire croire que ce n’est jamais le cas

L’information est nécessairement biaisée. Notre manière de produire de l’information reflète une certaine perception de la réalité susceptible d’être confrontée à des visions concurrentes. On peut déplorer ce biais et considérer qu’il s’agit – à tort ou à raison – d’une imperfection du marché des idées. Il faut néanmoins avoir la lucidité et l’honnêteté d’admettre cet état de fait.

Ces biais sont particulièrement visibles dans le domaine de la politique où l’usage d’un vocabulaire plutôt qu’un autre traduit déjà une forme de militantisme. L’emploi d’un terme n’est jamais anodin et est nécessairement au service d’une grille de lecture militante susceptible d’être confirmée ou combattue par le choix des mots.

Le vocabulaire politique et la subversion du langage

Prenons l’exemple des politiques monétaires si vous le voulez bien, puisqu’il s’agit là d’un domaine qui sollicite particulièrement notre attention sur ce site. Si demain un gang dans votre quartier vous menace de vous racketter pour avoir sollicité une monnaie autre que celle qu’on vous intimait d’utiliser, il y a de fortes chances que tout le monde crie à l’extorsion.

L’Article 312-1 du Code pénal définit en effet l’extorsion comme : « le fait d’obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque. »

Le gang en question serait sans doute réprimé d’une manière ou d’une autre. Pourtant cette extorsion sera rebaptisée « cours légal » par la magie du vocabulaire politique dès lors qu’elle sera pratiquée par une organisation se réclamant du statut « d’Etat ». Le cours légal est le mécanisme par lequel l’Etat vous contraint à utiliser l’euro sous peine de vous infliger une amende (Articles R642-2 et R642-3 du Code pénal).

Tout n’est qu’une question de point de vue

Quelle différence entre le cours légal et l’extorsion si ce n’est l’identité de l’organisation à l’oeuvre ? Dans un cas, cette organisation sera investie du monopole de la violence légitime. Dans l’autre, non. Pourtant, nous définissons ces phénomènes identiques avec deux mots différents dans les médias. Dans un cas, l’usage de la notion de cours légal traduira la volonté de légitimer une organisation tandis que l’extorsion sera réservée aux organisations dont on nie toute légitimité à porter atteinte aux biens d’autrui.

Tout l’aspect malhonnête du Decodex réside justement dans la négation du biais inhérent à la production de l’information en proclamant que les médias mainstream seraient nécessairement plus fiables que les magazines moins orthodoxes, ce qui reste à démontrer.

Les médias mainstream : une confiance en chute libre

Le Decodex apparaît en effet à un moment où beaucoup se tournent vers des médias dits alternatifs en réaction à la défiance grandissante que suscite la presse traditionnelle. L’enquête annuelle réalisée début janvier par l’institut Kantar pour le quotidien La Croix révèle ainsi que 67% des sondés pensent que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir et des pressions politiques.

Comment infirmer ces soupçons quand la presse – quatrième pouvoir auto-proclamé – est généreusement financée par la même organisation contre laquelle elle est censée nous protéger en nous délivrant des informations susceptibles d’encourager l’exercice de notre esprit critique ?

Plutôt que de verser dans l’arrogance, nos journalistes subventionnés devraient s’interroger sur leur rôle dans le délitement de la confiance du public envers la presse traditionnelle et les partis de gouvernement.

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Étudiant en droit et en science politique à l’université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Ferghane Azihari est coordinateur local pour Students for Liberty, un réseau international destiné à promouvoir l’économie de marché. Il est également chargé de mission pour l’École de la Liberté, une plateforme de recherche et d’éducation destinée à faire connaître la tradition libérale à travers le prisme de toutes les sciences humaines. Il publie régulièrement pour le magazine Contrepoints en France, l’Institut Ludwig von Mises aux États-Unis. Il est également rédacteur chez Young Voices. Ses centres d’intérêt se portent plus particulièrement sur les politiques européennes, les relations internationales, la fiscalité et plus généralement les rapports entre le droit positif et la concurrence.

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