Oui en toute discrétion et ce n’est pas un vain mot, le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, le CETA, est entré en application provisoire le jeudi 21 septembre dans sa quasi-totalité.
Pour votre information, comme le confirme la plupart des économistes, cet accord commercial est le plus ambitieux jamais signé par l’UE.
Le problème est simple. Si cela n’a rien d’illégal, ce traité entre en vigueur alors qu’il n’a pas encore été adopté dans les pays de l’UE par les différentes assemblées et instances parlementaires ! Le sera-t-il un jour ?
Le libre-échange n’est pas monnaie-courante à un tel niveau
La mise en œuvre de ce concept à l’échelle continentale est une denrée rare. C’est un concept visant à favoriser le développement du commerce international, en cherchant à supprimer les barrières douanières et réduire les droits tarifaires (pour 98% des produits). Il élargit ces avantages à certains services à la concurrence. A noter que l’industrie européenne dans son ensemble n’est pas favorable à cette forme de concurrence, sur le fond et dans le contenu, d’autant que nombre de produits canadiens élaborés dans des conditions inégales parviendront sur nos marchés.
Le déséquilibre reste manifeste. Il s’agit du simple rappel de chiffres qui parlent d’eux-mêmes. 27 Etats (hors Grande Bretagne) représentant près de 500 millions d’habitants signent un accord commun avec un Etat de 35 millions d’habitants. Même si l’expérience de ce traité dans l’action sera utile pour la suite, l’inquiétude c’est que l’UE, la France avec ses agriculteurs en feront prioritairement les frais. Le Canada est plus protégé. Si le Premier ministre canadien Justin Trudeau ne peut qu’être très satisfait, Jean-Claude Juncker, Président de la commission européenne, n’est pas mécontent…
Des réactions nombreuses mais toujours sans succès
En ce qui concerne la France sur le terrain, les réactions d’ONG et d’organisations professionnelles existent mais elles ne sont toujours pas mises en avant. Quant au gouvernement, aujourd’hui il est d’abord préoccupé par la situation sociale en réaction à la loi travail et à la mise en place des ordonnances. Les multiples réactions (manifestations dans la rue, grèves, etc.) qui vont se prolonger ne lui sont pas favorables pour ouvrir un dialogue quelconque sur le sujet, si cela avait encore un sens.
Les manifestations se sont multipliées dans toute l’Europe. Des paradoxes persistent au plus haut niveau dans les « exécutifs ». Nicolas Hulot, désormais ministre de la Transition écologique et solidaire, se retrouve en porte-à-faux. Il a confié lors d’une interview sur Europe 1 qu’il était toujours « inquiet à propos des traités » de libre-échange qui « nous exposent plutôt que de nous protéger ». A suivre attentivement…
Une mise en œuvre factuelle immédiate qui peut surprendre !
Que penser de la position de l’UE qui se situe, avec ce traité de « libérisation » des échanges, à l’opposé du comportement passif de la Chine et du protectionniste annoncé des Etats-Unis (excluant toute idée de TTIP, déjà fortement contesté dans l’UE) ? Au lieu de débattre des conséquences de la mise en œuvre et d’en discuter avant de se précipiter pour appliquer le traité, l’essentiel eut été de le mettre en place avec un minimum de démocratie.
Ne faudrait-il pas aussi prendre en compte la tardive mise en place d’un nouveau gouvernement en Allemagne après les résultats des élections législatives qui réservent très probablement une autre donne politique ? Même si a priori Angela Merkel en restera la Chancelière… L’Union européenne n’aura-t-elle qu’à bien se tenir ?