Le creusement des inégalités préoccupe Thomas Picketty. Mais les vraies causes de l’inflation du patrimoine, surtout financier, sont rarement abordées par les économistes.
Le soleil vient réveiller Paris vers 8h du matin, le bruit de la rue commence peu de temps après. Marcher par-delà le Louvre et vers l’Opéra permet de mettre le doigt sur une différence entre Paris et la plupart des villes : la couleur. Paris a un mélange de gris-blanc de ses façades en pierre, et de bleu-noir des ardoises et zinc de ses toitures… Le motif se poursuit à l’horizon. D’autres villes ont un mélange de pierre, de verre, ou de brique – de l’ocre, du rouge, ou du gris…
La proximité fournit souvent matière à critique. Le spectateur reste en admiration devant la beauté de l’héroïne sur scène mais ses collègues acteurs voient ses rides sous son maquillage. Le touriste en reste à la splendeur des façades et des places mais l’habitué se pose des questions sur les choix de l’urbaniste. La façade du Musée du Louvre qui donne sur la Seine, par exemple, ne laisse presque pas d’espace aux passants. Ils s’engouffrent entre le mur de pierre démesuré d’un côté et la Seine de l’autre…
L’espace devant l’Opéra sert d’intersection à des avenues et le touriste n’a pas de recul. Il devrait pour cela se mettre au milieu de la route. Les Parisiens s’accommodent de l’héritage de leurs ancêtres. Les anciens avaient leurs raisons, et leurs idées. Comme les héritiers d’une maison de famille, certains passants d’aujourd’hui se posent parfois des questions sur les choix de leurs aïeux pour les couleurs et le mobilier.
Notre époque aussi a ses idées à la mode et leurs champions
Thomas Picketty est mondialement connu grâce à son livre Le Capital au 21ème Siècle, publié en 2013. Il y défend l’idée d’un impôt sur les riches… afin de « rectifier les inégalités. » Le journal Le Monde lui a demandé son avis sur la proposition de Macron d’éliminer l’ISF, un impôt pour les riches en France. Sans surprise, Picketty s’y oppose. Les riches devraient au contraire payer plus, dit-il…
« La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) constitue une lourde faute morale, économique et historique. Cette décision montre une profonde incompréhension des défis inégalitaires posés par la mondialisation. […] Cela n’a aucun sens de faire des cadeaux fiscaux aux groupes âgés et fortunés qui ont déjà beaucoup prospéré ces dernières décennies. […] Le patrimoine des 1% les plus fortunés, qui comprend plus de 70% d’actifs financiers, est passé de 1,4 à 4,5 millions d’euros, soit une multiplication par plus de trois. Quant aux 0,1% les plus fortunés, dont le patrimoine est financier à 90%, et qui seront les principaux bénéficiaires de la suppression de l’ISF, ils sont passés de quatre à 20 millions d’euros, soit une multiplication par cinq. Autrement dit, les plus hauts patrimoines financiers ont progressé encore plus vite que les actifs immobiliers. […]
D’après Forbes, les plus hauts patrimoines mondiaux – qui sont presque exclusivement financiers – ont progressé à un rythme de 6%-7% par an (en sus de l’inflation) depuis les années 1980, soit de trois à quatre fois plus vite que la croissance du PIB et du patrimoine mondial par habitant. […] On devrait pouvoir se mettre en accord sur le fait qu’un impôt sur la fortune avec un taux supérieur de 1,5% ou 2% − voire davantage − ne menace pas sérieusement une base fiscale qui progresse à un tel rythme, et qu’il existe d’autres priorités que de faire des cadeaux à ceux qui se portent le mieux. »
Oui, en moyenne, les « riches » ont vu croître leurs fortunes en 40 ans. Picketty pourrait se demander comment la BCE peut créer de l’argent à volonté sans faire grimper l’inflation et si l’inflation n’était pas là, dans la valorisation des actifs financiers. Au lieu de cela, Picketty veut plus d’impôts… Picketty écrit des livres et des éditoriaux. Il ne fait pas partie des « hommes d’action » voulant vous arracher vos biens sous la menace. Il fait plutôt partie des comédiens de spectacle ou des scénaristes de film. Il trouve un public parmi les « bien-pensants » du monde, voulant démolir le vieux et refaire le monde à leur goût.
Les marchés vont peut-être faire le travail à la place de Picketty…
Les marchés financiers hésitent…selon Reuters, les entreprises du S&P 500 ont augmenté leur chiffre d’affaires de 4,8% au dernier trimestre, ce qui fait un ralentissement de la croissance depuis juin. Les marchés sont valorisés pour une croissance des chiffres d’affaire. Si les entreprises ne répondent pas aux attentes, leurs actions devraient chuter. Comme le précise Picketty, le « top 1% » des ménages en France ont plus de 70% de leur richesse en actifs financiers ; ce chiffre monte à plus de 90% pour le « top 0,1% ». Bref, un plongeon des marchés affecterait surtout le sommet de la pyramide.
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