Nouvelle Route Littoral (NRL) : recours d’Eiffage au Tribunal administratif, et ensuite ?

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Par Michel Delapierre Modifié le 18 novembre 2013 à 11h28
Jeudi 21 novembre, tous les acteurs de la Nouvelle Route du Littoral auront les yeux tournés vers le Tribunal Administratif de Saint-Denis de la Réunion. Ce dernier auditionnera en effet les principaux acteurs autour du recours engagé par Eiffage le 25 octobre dernier et visant à faire annuler l’attribution des deux principaux marchés du projet : le lot viaduc pour 715 millions d’euros et le lot digues pour 479 millions, tous deux remportés par le groupement Vinci Bouygues.
Retour sur les trois semaines écoulées.
Lorsque le 27 octobre dernier, le vice président du Conseil Régional délégué à la NRL Dominique Fournel, réagissait au recours déposé par Eiffage dans les colonnes du Quotidien de la Réunion, il semblait particulièrement serein. Il qualifiait ainsi cette action en référé « d’opération de com » et précisait que ce n’était pas « les 20 jours de délai qui vous nous empêcher de voir plus loin » (Quotidien de la Réunion – 27/10/13) - les vingt jours en question étant le délai imparti au Tribunal Administratif pour rendre sa décision.
Il est vrai que depuis le lancement du projet, rien n’a semblé faire dévier le Conseil Régional de son objectif. Qu’il s’agisse du recours engagé par l’opposition régionale contre la Déclaration d’Utilité Publique accordée à la NRL, des protestations en provenance d’associations citoyennes et environnementalistes ou des dérogations accordées par l’Etat, la Région est toujours parvenue à imposer ses choix et à surmonter les obstacles.
Pourtant, durant les trois dernières semaines, outre le recours d’Eiffage, les opposants au projet (Association Transport Réunion, Collectif Non à la NRL, Collectif de protection de la Ravine des Lataniers, Réagissons !) n’ont pas désarmé, loin de là. Lors d’une conférence de presse organisée mercredi 13 novembre, ces derniers ont ainsi non seulement fait part de leur détermination à ne rien lâcher mais ils ont également démontré leur capacité à renouveler leurs arguments et à les aiguiser.
En se basant sur les données de la Région, ils ont réalisé un calcul serré de l’ensemble des coûts du projet. Leurs résultats diffèrent quelque peu des chiffres officiels. Le coût total de la NRL se situerait ainsi aujourd’hui à 1,76 milliard d’euros et non à 1,6 milliard. Leurs projections sur 2020, date à laquelle doit être livré le chantier, sont encore plus alarmantes. Avec les travaux additionnels inhérents à ce type de chantier et les révisions normales des prix, le coût final atteindrait 2,44 milliards d’euros. La part financée par la Région passerait donc de 669 millions d’euros à 1,387 milliard, soit près du double par rapport à ce qui est officiellement annoncé. Des chiffres inquiétants pour les finances de la collectivité et qui appellent une réponse argumentée de la part de l’exécutif régional. Un tel investissement se justifie-t-il dans le contexte actuel comme le soulèvent certains opposants ? N’y a-t-il pas de meilleure utilisation des fonds en termes d’investissements pour créer des emplois ?
De son côté, la Région n’a pas chômé depuis le 15 octobre, date de la commission des marchés. Sans attendre la décision du Tribunal Administratif concernant le recours d’Eiffage, ni l’issue de la consultation publique concernant les dérogations sur les espèces protégées, les marchés ont été signés le 28 octobre et officiellement notifiés aux entreprises le 6 novembre. Lors d’une cérémonie de signatures à l’hôtel de Région, le Président Didier Robert qualifia ce rendez-vous d’ «éminemment solennel et majeur », doté d’une « force symbolique toute particulière ». Le message à l’attention des acteurs publics et privés était limpide : la NRL doit se faire selon les modalités et le calendrier choisis par la Région. Une telle précipitation n’est-elle pas de nature à fragiliser juridiquement l’ensemble des dernières décisions et ce quelle que soit l’issue du recours engagé par Eiffage devant le Tribunal Administratif ? Une attitude qui contraste, quoiqu’il en soit, avec les propos sereins tenus par Dominique Fournel quelques jours auparavant.
Quelles que soient les raisons de cette dramatisation parfaitement orchestrée, une chose est claire : le Conseil Régional de la Réunion ne souhaite s’attarder ni sur les chiffres du projet, ni sur les récentes décisions concernant l’appel d’offre. Il semble pourtant que Didier Robert ne pourra se soustraire longtemps à cette exigence. Alors que les opposants préparent différents recours contre certains aspects de ce projet, il se murmure que l'Union européenne s'intéresse de près au déroulement de l'appel d'offres. Si Bruxelles estimait que la procédure n'a pas respecté les règles d’une saine concurrence, un thème qui lui est cher, elle pourrait remettre en cause les financements FEDER sur ce projet. La semaine qui s'ouvre promet en tout cas d'offrir de nouveaux rebondissements dans ce dossier. Interrogée par nos soins, la société Eiffage n’a pas souhaité faire de commentaire mais s’est déclarée déterminée à utiliser tous les moyens juridiques à sa disposition afin de faire reconnaître son bon droit. Le Tribunal administratif n’est sans doute qu’une étape.

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