C’est l’âge de glace pour la rémunération des livrets réglementés et des fonds en euros de l’assurance-vie jusqu’à fin 2020. Sauf si…
Le temps est long. Surtout quand les taux de rendement des principaux instruments d’épargne plébiscités par les Français ne cessent de s’amenuiser. Sans surprise, le gouvernement a annoncé en décembre que le Livret A et le LDDS resteraient figés à 0,75% de rendement jusqu’au 31 janvier 2020, contre 1% si la fameuse formule de calcul avait été appliquée. Votre trésorerie s’en prend donc pour cinq ans de gel au taux le plus bas jamais enregistré par ces placements.
L’assurance-vie termine, quant à elle, l’année en petite forme. En effet, elle affiche une décollecte de 0,5 Md€ en novembre et une collecte du même montant en décembre. Sur l’année, la collecte nette se monte à 7,2 Mds € contre 17 Mds € l’année précédente. Cela représente bien moins que le Livret A et ses 10,24 Mds €. Fin décembre, l’encours des contrats d’assurance-vie se montait à 1 676 Mds €, en progression de 3% sur un an.
Concernant les fonds euros, le cabinet d’études Fact and Figures, présenté dans les médias comme une référence, table sur un rendement moyen de 1,48% en 2017 (contre 1,93% en 2016 selon l’ACPR), le consensus étant à 1,50%. Comme l’année passée, le moins que l’on puisse dire est que les assureurs ne se sont pas bousculés au portillon pour dévoiler leur performance. Il y a encore quelques années, les compagnies d’assurance déboulaient avant même la fin de l’année dans une ambiance « fanfare et trompettes » pour faire la promotion de leurs produits. Désormais, les annonces se font tardives et discrètes.
Voici l’explication apportée par cBanque :
« Leur objectif est désormais d’éviter de sortir du lot. Un rendement trop supérieur à la moyenne risque en effet de gonfler la collecte, ce qui pénaliserait les rendements futurs. Et un rendement trop bas risquerait de faire fuir les clients actuels, que les assureurs veulent conserver en les guidant vers les supports en unités de compte (UC), risqués, plutôt que vers les fonds en euros, sécurisés. »
Il s’agit de la conséquence d’un problème que j’ai régulièrement évoqué dans ces colonnes. Début février, on ignore donc toujours la moyenne des rendements de 2017. Mais, dans leur immense majorité, les performances annoncées sont à la baisse. Ce sera par ailleurs la dernière année où vous ne devrez retrancher « que » 15,50% de prélèvements sociaux pour connaître le taux de rendement net de votre fonds euros. A partir de 2018 ce sera 17,20%. Sans compter l’inflation qui a augmenté en 2017.
L’épargne des Français mieux payée que celle des Allemands
Allez, quelques mots tout de même pour vous remonter le moral ! Sachez tout d’abord que quelques rares épargnants auront de bonnes surprises avec des taux en hausse. C’est le cas par exemple chez Monceau Assurances (+0,3% à 2,8% sur le contrat Dynavie). Notez également que de l’autre côté du Rhin, la pilule est bien plus amère. En effet, le taux de rendement réel (c’est-à-dire inflation prise en compte) de l’épargne sans risque est à… -1,27%.
Comme le relève le gérant de fonds actions US Guillaume Nicoulaud, si vous êtes jeune retraité, vous n’avez connu au cours de votre vie qu’une seule tendance au niveau de l’épargne « sans risque » :
La température va-t-elle bientôt remonter ?
Aussi longues soient-elles, toutes les tendances ont une fin. C’est le constat qui avait amené Bill Gross. Cette star de la gestion obligataire a quitté le fonds américain Pimco en septembre 2014, huit mois après Mohamed El-Erian. Ce 9 janvier, Bill Gross a annoncé le début du retournement du marché obligataire. Il le voit devenir baissier après 25 ans de hausse, au travers de la cassure de la tendance sur les taux américains à 5 ans et à 10 ans.
Si la tendance se retourne et que les taux se remettent à monter, votre épargne ne s’en trouvera malheureusement pas mieux rémunérée pour autant. Cela pourrait au contraire être le début de très gros ennuis pour les assureurs, les banques, les Etats et les banques centrales, comme nous l’avons régulièrement expliqué dans ces colonnes.
Le système financier n’est pas en mesure de supporter un retournement du marché obligataire
Aux dernières nouvelles, le Conseil de stabilité financière (ou Financial Stability Board, qui regroupe les régulateurs financiers des pays du G20) liste toujours 30 banques « trop-grosses-pour-faire-faillite » dans son rapport publié au mois de novembre. Trois banques françaises voient leur nom figurer sur cette liste. Il s’agit de BNP Paribas, le Groupe Crédit Agricole et la Société Générale. En cas de faillite ou de crise grave de l’un ou l’autre de ces établissements, l’ensemble du système financier mondial s’en trouverait menacé. Dans cette dernière édition, le groupe BPCE (Banques Populaires Caisses d’Epargne) a été retiré de la liste. Qu’en penser ? Au vu de l’empressement du gouvernement italien à résoudre la crise de la « petite » Monte dei Paschi di Siena l’année passée, croyez-vous vraiment que les choses se passeraient sereinement si BPCE connaissait de pareilles difficultés ?
Le problème n’est d’ailleurs pas spécifiquement italien ou français. Le 18 janvier, le journal allemand Die Welt rappelait que le montant des prêts non performants détenus par les banques européennes se monte à 950 Mds€. Si la situation s’est un peu améliorée depuis 2016, « on ne sait toujours pas qui va payer »… La BCE ? Il est vrai qu’au fil de ses achats d’actifs d’Etats et d’entreprises zombies, elle commence à prendre l’allure d’une véritable structure de défaisance, d’une bad bank, comme le note Bruno Bertez :
Si l’on ignore donc « qui va payer », on sait en revanche depuis fin octobre que la Commission européenne a enterré son projet de séparation des banques entre activités de détail et activités de marché. Faut-il déplorer cette reculade ou au contraire s’en réjouir ? Cela revient à se demander si l’interventionnisme étatique est en capacité de nous prémunir des crises financières. Question à laquelle nous répondrons dans le prochain article.
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