Les crises bancaires et financières classiques ne peuvent plus se produire puisque les banques centrales ont nationalisé les marchés financiers. Reste la crise monétaire...
La faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 ne fut que le paroxysme d’une crise financière jusque là sans précédent. Selon nous, le début de la plus grande déflagration financière de l’histoire post-Seconde guerre mondiale date de l’été 2007.
Certes, le début d’une crise ne peut avoir de date officielle. Peu importe, il faut dater les événements — surtout lorsque ceux-ci ont profondément transformé le mode de fonctionnement de nos économies et de nos marchés financiers.
Les banques centrales ont créé depuis 10 ans les conditions d’une forte instabilité. Le problème est que la prochaine crise financière ne sera plus une crise traditionnelle telle que celles que nous avons connues.
Il est en fait quasiment unanimement admis dans les « milieux autorisés » que l’évolution des dispositifs de réglementation prudentielle empêchera de revivre ce que nous avons vécu aux pires heures de 2008-2009. Convenons-en.
Hormis la situation de certaines banques italiennes et le cas de la Deutsche Bank et en éliminant le risque d’implosion de la Zone euro (vous me direz, cela fait quand même pas mal d’exceptions), le risque bancaire n’est plus systémique comme en 2008-2009 ou en 2011-2012.
Durant ces crises, ce qui inquiétait étaient des facteurs de nature à remettre en cause l’existence d’une banque (liquidité et solvabilité). Aujourd’hui, de manière générale, les banques sont plus liquides et plus solvables. Leur gagne-pain est fortement remis en cause, cependant, et elles vont devoir faire face à une baisse de leur profitabilité pour deux raisons : taux, concurrence de nouveaux entrants.
Comment naissent les crises
Anticiper une crise financière revient à identifier des déviations significatives des prix des actifs par rapport à leurs fondamentaux. La façon la plus naturelle d’évaluer ces fondamentaux est de mesurer l’endettement de l’émetteur/emprunteur par rapport à ses capacités de remboursement (solvabilité, capacité à dégager des bénéfices et à accroître ses fonds propres).
Les trois grandes crises de ce XXIème siècle en témoignent, avec dans chacun des cas des situations d’excès d’endettement se transformant en crises de solvabilité.
- Cours surévalués et délirants des actions des entreprises télécoms surendettées en 1999-2000 avec l’éclatement de bulle qui a suivi.
- Crédits subprime aux ménages américains surendettés et mal-endettés en 2004-2006 et diffusion de produits structurés adossés à ces crédits « pourris », avec comme aboutissement une crise sans précédent de la titrisation en 2007 et contagion occasionnant la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008.
- Surendettement de certains pays de la Zone euro à partir de la fin 2009
Certes, nous sommes rentrés dans un nouveau monde, celui où les banques centrales maintiennent artificiellement la solvabilité des Etats et partant de certaines banques. La prochaine crise ne peut donc ressembler aux précédentes.
La nationalisation des marchés financiers par les banquiers centraux
Malgré des fondamentaux d’endettement défavorables, les crises du passé ne peuvent revenir. Les économies et marchés financiers continuent à bénéficier de l’aléa moral. Le crédit créé par les banques centrales a servi à acheter des actifs financiers auto-entretenant les bulles.
Dès lors, la moindre déception sur le caractère moins accommodant qu’attendu de la politique monétaire d’une banque centrale ou une agressivité monétaire plus forte qu’anticipée provoquent une chute aussi violente des actifs financiers dits risqués que les hausses l’ont été lorsque l’espoir de mesures d’assouplissement était démesurées.
Les krachs traditionnels sur des actifs boursiers et obligataires ne sont plus possibles tant que les banques centrales sont là, la prochaine crise financière sera sans doute une crise inattendue… comme d’habitude.
A ce propos, laissons la parole à Bill Bonner :
« Depuis des années, nous nous lamentons sur les distorsions causées par les politiques monétaires […] : la création de bulles de marchés… la mauvaise allocation de ressources vers des activités sans valeur et destructrices de richesses… le fait de laisser les gouvernements négliger leur budget… le financement de monstres immobiliers... »
La plupart des économistes défendent l’idée, fausse selon nous, selon laquelle les politiques monétaires résolvent les crises par les prétendus effets de richesse.
On pense souvent que les baisses des taux d’intérêt soutiennent la croissance et que les hausses des taux d’intérêt freinent la croissance. En réalité, les variations des taux d’intérêt déclenchent un jeu à somme nulle : les variations de revenu des prêteurs et des emprunteurs s’annulent.
Prenons l’exemple de la Zone euro : les baisses de taux d’intérêt ont réduit les intérêts payés par l’Etat, les entreprises, les ménages ; mais elles ont aussi réduit les intérêts reçus par les ménages, les intermédiaires financiers. Tout juste peut-on concéder qu’il existe de possibles effets du second ordre.
On suppose souvent que la hausse des prix des actifs crée un effet positif de richesse qui soutient la demande. Cependant, la réalité est plus complexe : si le prix d’une classe d’actifs augmente, les détenteurs de cet actif sont enrichis, mais ceux qui doivent acheter cet actif sont appauvris.
Prenons l’exemple des prix de l’immobilier entre 2002 et 2007. La hausse des prix de l’immobilier a enrichi les propriétaires d’immobilier, mais a forcé les acheteurs d’immobilier à s’endetter davantage, à consacrer une quantité plus importante de leur revenu à se loger de 2002 à 2007.
La hausse continuelle du prix des actifs financiers n’est pas la solution aux problèmes de l’économie et n’est pas à l’origine d’un processus de croissance saine. Il vaut mieux prendre le risque de petites pertes que de continuer à entretenir une économie de bulles
Les banques centrales ont mis en place un cycle de politique monétaire construit sur des erreurs.
Bill Bonner, encore lui, évoque souvent, à juste titre, les trois erreurs de la Fed depuis 10 ans
- Erreur n°1 : laisser les banques prêter trop d’argent à des taux trop bas pendant trop longtemps ;
- Erreur n°2 : remonter les taux pour tenter de corriger l’erreur n°1 ;
- Puis enfin erreur n°3 : paniquer et baisser les taux ou/et remettre en place l’assouplissement quantitatif dès lors l’erreur n°2 aura provoqué un krach et mettra en danger certaines banques
Nous vivons l’erreur n°2 et nous vivrons sans doute plus tôt que ce que les marchés peuvent anticiper l’erreur n°3 (nous anticipons un début de récession aux Etats-Unis entre début 2019 et au plus tard début 2020).
Le risque bancaire est devenu un risque de crise de banques centrales
Le problème n’est plus la crise des banques mais la crise des banques centrales. La vraie question aujourd’hui devient donc : une banque centrale peut faire faillite ? En principe, une banque centrale ne peut théoriquement pas faire défaut.
Tout d’abord son passif n’est pas exigible comme celui de n’importe qui. En créant de la monnaie, la banque centrale émet une dette sur elle-même, non remboursable en tout cas tant que la monnaie émise est acceptée comme moyen d’échange, de paiement, de transaction et de réserve.
Par ailleurs, la banque centrale n’est pas concernée par la valorisation (mark-to-market) des actifs qu’elle possède car elle n’est pas liée par les règles comptables qui s’imposent aux banques. Elle n’a pas besoin de se recapitaliser comme une banque normale dont les fonds propres deviendraient insuffisants. Rien n’empêche donc une banque centrale de vivre avec des pertes si les Etats actionnaires de celle-ci refusent de mettre au pot. Mais on imagine la perte de crédibilité d’une banque centrale dans une telle situation et celle de la monnaie émise par cette même banque centrale.
Le pouvoir en apparence infini des banques centrales se heurte à deux limites : les risques d’hyperinflation et de fuite devant la monnaie.
La monnaie papier créée par une banque centrale est fiduciaire ; en clair, elle n’est garantie par rien. La valeur de la monnaie repose donc sur la confiance des épargnants en la capacité de banque centrale à préserver le pouvoir d’achat de cette monnaie.
Seule l’inflation peut faire perdre de sa valeur à la monnaie papier. Nous avons tous appris que la création monétaire ne pouvait que produire de l’inflation.
Aujourd’hui, ces tensions fortes n’existent en aucun cas sur le marché des biens et services pour des raisons recensées : surcapacités de production ; taux de chômage élevés empêchant tout emballement de la demande et limitant le pouvoir de négociation pour obtenir des augmentations de salaires ; croissance du bilan des banques centrales et donc de la liquidité du système bancaire qui ne finance que très partiellement l’économie réelle et limite donc toute contagion.
En revanche, une partie importante de cette surliquidité s’est depuis dix ans investie sur les marchés, engendrant une inflation des actifs financiers et non des biens et services.
Mais si un jour les gens considèrent que la monnaie est émise en trop grande quantité, que sa valeur n’est donc plus garantie, ils peuvent vouloir s’en débarrasser, soit en achetant les monnaies des autres pays (il y a alors effondrement du taux de change de la monnaie considérée), soit en achetant des actifs réels (immobilier, matières premières, or…).
La chute de la demande de monnaie du pays se traduit alors une très forte hausse des prix (une très forte inflation). C’est ce qui s’est produit en Russie avec l’effondrement du rouble en 1998 après une période de très forte hausse de l’offre de monnaie. Naturellement, les cas les plus extrêmes et dramatiques sont le Zimbabwe et le Venezuela.
La monétisation de la dette publique s’arrêtera lorsqu’elle entraînera un rejet de la monnaie du pays par les agents économiques privés. Nul ne sait quand ce jour arrivera, mais il correspondra à la pire crise financière de l’histoire.
Cette future crise des monnaies fiduciaires doit obliger à s’intéresser à l’or – absurdement délaissé – et aux cryptomonnaies de manière raisonnée et sélective. Le timing idéal pour se couvrir étant impossible à déterminer, la bonne stratégie consiste donc à intervenir régulièrement sur ces actifs à petites doses.
Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit