La maximisation du revenu total du travail se peut et se doit

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Par Dominique Michaut Publié le 29 juin 2017 à 5h00
Revenu Travail France Theorie Economie
La maximisation du revenu total du travail se peut et se doit - © Economie Matin
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Toute rentabilité R est égale au produit d’une productivité P par une profitabilité P’ lorsque les ratios R, P et P’ sont conformes à leurs définitions génériques en économie objective : relation RPP’.

Dans la répartition du revenu global, la relation RPP’ intervient (Economie Matin du 22 juin). Là, elle rend possible la maximisation du revenu total du travail à cause des tendances normales respectivement de la rentabilité moyenne R et de la productivité moyenne P des placements et en conséquence de la profitabilité P’ du revenu global. Quand cette possibilité se réalise sur moyenne et longue période, c’est dans une économie de marché en bon état organique sous la contrainte d’un revenu total des placements restant assez élevé pour recouvrer ou maintenir le plein-emploi (rétroaction EPCE, Economie Matin du 25 mai).

Le gâteau et ses deux parts

Dans le texte à suivre :

Revenu Global : RG

Revenu total du Travail : RT

Revenu total des Placements :RP

Rappels : par définition, RG = RP + RT et par déductions RT est ce qui reste de RG une fois RP constitué (Economie Matin du 15 juin).

Dans le présent article, les abréviations à deux lettres désignent des agrégats et les abréviations à un lettre des ratios.

Les tendances normales de R, de P et de P’

À l’échelle macronomique où nous nous situons, qui est celle d’une nation, la tendance normale de la rentabilité moyenne des placements R est à la stabilité (la rentabilité d’un placement est une chose, la plus-value réalisée par la liquidation de certains placements en est une autre que l’analyse doit garder distincte parce qu’elle l’est dans les faits). Les raisons ultimes de cette stabilité proviennent du corps social. Ce dernier refuse que de génération en génération le ratio R s’élève. Les périodes de quelques années pendant lesquelles cela se produit débouchent inexorablement sur des réactions qui stoppent la hausse de la part relative du RP dans le RG et, par conséquent, stoppent la baisse de la part relative du RT dans le RG. Le corps social refuse également que si, plusieurs années de suite, le RG augmente, le RT n’augmente pas lui aussi.

Les milieux financiers disposent d’un moyen, renforcé par de la théorisation de complaisance (dont théorème de Modigliani-Miller), pour détourner à leur avantage ce que ces refus impliquent : s’adonner prioritairement au chalutage de plus-values, quitte à mettre à mal les bases mêmes du capitalisme de rendement (Economie Matin du 27 octobre). Les fondamentaux accrédités par les tenants du marginalisme alimentent cette dérive (parmi ces tenants Modigliani et Miller entre autres ont été nobélisés).

Toujours à la même échelle et de génération en génération, la tendance normale de la productivité moyenne des placements P est à la hausse. Les innovations techniques, dont celles qui concernent aussi la commercialisation et l’administration, y contribuent quand l’expérience confirme qu’elles sont des progrès. Les hausses de qualité contribuent également à l’élévation de P, à la même condition. Le libre-échange international établit et entretient l’égalisation vers le haut de P (ce qui n’entraine pas forcément l’uniformisation de toutes les mœurs, mais c’est là une autre affaire).

Pour la profitabilité du revenu global P’, la tendance de longue période est à la baisse, tout au moins tant que sur la durée considérée la rentabilité moyenne des placements R oscille autour de sa tendance à la stabilité cependant que P poursuit sa montée par paliers.

La maximisation du RT par rapport au RP

La dynamique de la répartition du RG se prête à la maximisation du RT. Or quel est pour la plupart d’entre nous le pouvoir naturel de l’économie de marché ? Est-ce de maximiser le RP et, par lui de grandes fortunes, sous contrainte d’un revenu médian du travail qui permette aux ouvriers de devenir acheteurs d’automobiles de grande série, conformément aux vues d’Henry Ford (1863-1947) ? Est-ce au contraire de maximiser le RT sous contrainte d’assez de placements en financement d’entreprises pour élever le RG, comme l’ingénieur Frederick Winslow Taylor (1856-1915) l’a pressenti et qu’avant lui en France l’a prédit l’économiste et ministre des finances Léon Say (1826-1896, petit-fils de Jean-Baptiste) ? En tout état de cause, l’addiction néoclassique au maximum de profit promu but de l’entreprise et sa déclinaison néolibérale en maximum de création de valeur pour l’actionnaire mettent en échec l’harmonie sociale chère à Frédéric Bastiat (1801-1850).

Place aux faits. Les évolutions divergentes du RT et du RP sont expérimentalement vérifiées sur longue période. Dans un pays comme la France métropolitaine, l’augmentation du salaire médian exprimé en poids de pain ou de brioche respectivement en 1800 et en 2000 approche de près ce qu’a été l’augmentation du RT. Cette hausse a été sans commune mesure avec celle, pour autant qu’il y en ait eu une, de la rentabilité moyenne des placements. Pour qu’il en aille autrement, il aurait par exemple fallu que si le salaire médian exprimé en poids de pain ou de brioche a été multiplié par 50, la rentabilité moyenne des placements supposée être de 5 % l’an en 1800 se situe en 2000 autour de 250 % l’an. C’est loin, très loin, d’être le cas. Depuis la révolution industrielle et dans les pays où elle a pris son essor, les masses de RT ont cru plus vite que les masses de RP.

La maximisation du RT par rapport au RG

De plus, les masses de RT ont cru davantage que les masses correspondantes de RG. Que la dynamique de la répartition du RG rende cela possible se démontre algébriquement et s’illustre numériquement. Dans le passage auquel je renvoie tout à la fin du présent article se trouve une telle illustration. Il en ressort que la limitation de la hausse moyenne des rémunérations du travail à la hausse du revenu global, et donc à celle du PIB dans la mesure où cet agrégat évolue parallèlement au RG, est dans son principe infondée, en dépit de ce qu’on raconte, en accréditation d’un atavique réflexe patronal, sur les hausses de « productivité » (de rendement du travail, en fait) dont les effets ne devraient être alloués que partiellement à la hausse du RT.

Restons d’autant plus attentifs à ce que la mécanique de la répartition du RG n’implique pas. L’automatisme qu’elle révèle ne règle pas la répartition du revenu total du travail RT entre les catégories socio-professionnelles et au sein de chacune d’elles. La réalisation de la double maximisation du RT, par rapport au RP et, dans une plus faible proportion, par rapport au RG, n’entraîne pas automatiquement une hausse des plus faibles rémunérations du travail aussi rapide que celle des rémunérations du travail plus élevées. Le repérage conceptuel que la présente série d’articles propose n’en étant qu’à la répartition du revenu global RG, il est à compléter par l’étude de la répartition du RT. Cette autre répartition, dont traitera un article en septembre, renforce le pouvoir normal de la subjectivité collective en matière de justice distributive avant redistributions, pourvu que la loi d’airain qui régit ce partage (re)devienne collectivement assumée : quoiqu’on fasse, les plus hautes rémunérations du travail réduisent le niveau moyen de celles qui leur sont inférieures.

Tout cela est logique. Les placeurs, quelles que soient les idées qu’ils se font de leurs propres intérêts et du système économique, sont en réalité fournisseurs de moyens qui concourent à l’augmentation de la rémunération finale du travail humain, cette rémunération finale étant constituée de services et de biens achetables au gré des nécessités et des envies. Il en va ainsi depuis l’invention des premiers outils et l’adoption progressive des échanges marchands en alternative aux extorsions et aux collectivisations forcées. Les incuries de gestion du système des échanges marchands endommagent un grand ouvrage de génie civil, vraisemblablement mis en chantier dès les temps les plus reculés de la préhistoire.

Montaigne, sources

La maximisation du revenu total du travail et la répartition consensuelle de ce total se pouvant, elles se doivent. Une nation où elles sont collectivement voulues avant toute redistribution étatisée obtient davantage que la résorption et la prévention de fractures sociales. Dans la sagesse de Montaigne et en toutes lettres dans ses Essais, l’homme a le pouvoir de « se faire plus homme ». La possibilité de la maximation du revenu total du travail et la possibilité de la répartition consensuelle de ce total constituent l’un des moyens principaux fournis par l’économie politique objective pour parvenir à « se faire plus homme ».

Sources : propositions 8.11 à 8.14.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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