La géolocalisation des salariés remise en cause dans le contrôle du temps de travail

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Par Antoine Chéron Publié le 3 mars 2018 à 5h00
Geolocalisation Salaries Temps Travail Justice
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30 %Plus de 30 % des applications mobiles utilisent la géolocalisation.

Caractère excessif de la collecte de données - CNIL - collecte de données - contrôle du temps de travail - données personnelles - géolocalisation - mise en demeure de cesser la collecte de données - salariés

Le contrôle du temps de travail des salariés est nécessaire pour prouver les durées de travail au sein de l’entreprise, afin d’assurer les rémunérations, comptabilisations et respect du contingent annuel des heures supplémentaires. C’est également une obligation légale. L’article L. 3171-1 du Code du travail fait en effet obligation à l’employeur de contrôler la durée de travail du salarié, ce qui implique l’établissement de documents de décompte.

La loi n'impose toutefois aucune forme de contrôle du temps de travail. Celui-ci peut se faire par exemple via un relevé manuel, un système de badgeuse, etc... Mais la mise en place d'un système de contrôle des horaires doit néanmoins obéir à des règles. En cas de traitement informatisé du contrôle, la consultation du Comité d'Entreprise, ou à défaut des délégués du personnel, est obligatoire, ainsi que l’information préalable des salariés et une déclaration simplifiée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

C’est justement à l’occasion d’une mise en demeure adressée à la société Odeolis que la CNIL a précisé les modalités d’encadrement du temps de travail des salariés. La société Odeolis, spécialisée dans la maintenance de systèmes informatiques, notamment de terminaux de paiement, et dont l’activité s’étend sur tout le territoire national, a équipé les véhicules utilisés par ses techniciens itinérants de dispositifs de géolocalisation en temps réel afin, notamment, de mieux planifier ses interventions.

A l’occasion d’un contrôle, la CNIL a enjoint l’employeur de cesser d’utiliser les données issues de ce système de géolocalisation. Suite à la contestation de la société Odeolis, le Conseil d’Etat a, le 15 décembre 2017, approuvé la décision de la CNIL. Le juge administratif se base sur l’article 6 de la Loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui impose une collecte loyale et licite des données qui doivent être adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités du traitement, et sur l’article L. 1121-1 du Code du travail qui prévoit que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Ce faisant, le système retenu doit obligatoirement représenter une atteinte proportionnée et justifiée aux libertés des salariés. Or, le juge a pu estimer qu'un dispositif biométrique dans le cadre d'une activité non sensible était disproportionné.

Le Conseil d’Etat a ainsi précisé que « l’utilisation par un employeur d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation. En dehors de cette hypothèse, la collecte et le traitement de telles données à des fins de contrôle du temps de travail doivent être regardés comme excessifs au sens du 3° de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978. » A l’heure de la transformation digitale et à la veille de l’entrée en vigueur du Règlement européen sur la protection des données, les autorités nationales font de toute évidence preuve d’une vigilance accrue en matière de traitement des données à caractère personnel, donnant ainsi l’impulsion nécessaire à l’adaptation des législations nationales.

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Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC.

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