Pays jacobin s’il en est, la France et son système centralisateur s’exposent à des critiques récurrentes que la crise du Covid-19 alimentent avec force depuis plusieurs semaines. Le délicat déconfinement ne fait qu’amplifier le besoin de changer d’échelle et de revenir au local. Une épreuve difficile pour un pouvoir sous tension appelé à réprimer ses réflexes. Il en va d’une sortie réussie d’une crise sanitaire sans précédent et peut-être même d’une prochaine redéfinition du contrat social.
Dépassé à bien des égards, l’État a vu sa communication de crise l’enfoncer encore plus dans le précipice de la défiance. Au cœur de la tempête, ce sont les élus locaux et en premier lieu les maires qui ont répondu présents. Un épisode qui pourrait ne pas être anodin dans la future trajectoire politique du pays.
Les maires : soldats courageux en première ligne
En première ligne face à la crise et à un confinement général qui a été décidé à la dernière minute par l’Élysée, les maires sont une nouvelle fois le visage de la République. Des élus qui vivent bien souvent dans les mêmes conditions que leurs administrés et qui se démènent depuis le mois de mars pour qu’une vie à peu près normale puisse avoir lieu. A l’origine de nombreuses initiatives, ils sont les piliers sur lesquels toute la machine administrativo-politique s’est appuyée lorsque le pouvoir central perdait pied. Loin des aller-retour de communication qui ont tué la confiance notamment sur des questions aussi fondamentales que les masques et les tests de dépistages, les maires se sont concentrés sur l’essentiel : protéger leurs habitants, les rassurer, veiller à ce qu’ils ne manquent d’aucun besoin essentiel, et garantir la continuité des services publics.
Un travail de l’ombre, difficile et très stressant notamment au début du confinement et lors du pic de malades dans les hôpitaux. Les élus locaux ont rempli leur mission avec beaucoup de calme et de détermination quelle que soit leur étiquette ou couleur politique. Il va sans dire que la figure du maire va ressortir grandie de cette crise tandis que le (lointain) exécutif aura encore une fois failli à établir des liens de confiance solides avec la population. L’absence d’une réelle différentiation entre les départements à l’occasion du déconfinement n’arrange en rien cette dichotomie défavorable au pouvoir central.
Une approche circonstanciée indispensable
Pourtant, les élus appellent depuis plusieurs semaines à mettre en œuvre des solutions locales en fonction de la virulence du virus, des capacités hospitalières, de la densité de population, etc. Un bon sens qui n’est pas encore remonté tout en haut de l’Etat et qui pourrait se payer très cher. En effet, même dans un pays décentralisé comme l’Allemagne, le virus connaît des résurgences locales inquiétantes. Pourquoi ne pas adopter un déconfinement circonstancié, au-delà de nos zones rouges ou vertes, comme en Espagne où les deux villes les plus touchées – Madrid et Barcelone en premier lieu – seront déconfinées plus tardivement que le reste du pays ?
La réalité et son évolution sur le terrain priment, mais la France se prive aujourd’hui d’une remise en route à la carte. Les départements ruraux peu touchés auraient pu reprendre leur activité économique depuis plusieurs semaines déjà en respectant les principes de distanciation sociale déjà bien intégrés par les Français. Nombre de communes situées en zone rouge sont aujourd’hui très peu touchées par le virus.
La ville Troyes (région Grand Est) – sous l’impulsion de son maire – a pris des mesures fortes au début de l’épidémie afin de ralentir le virus. Ainsi, les familles des résidants des Ehpad ont été invitées à venir chercher leurs proches lorsque cela était possible pour leur éviter des risques élevés de contamination. Une politique qui a permis de sauver de nombreuses vies alors que l’on recense aujourd’hui au niveau national plus de 10 000 morts dans les établissements sociaux et médicosociaux sur l’ensemble du territoire national. A grande échelle, cette décision de vider le plus possible les Ehpad aurait eu un impact très positif. Nul doute qu’en cas de seconde vague épidémique, il serait salutaire de ne pas oublier cette réussite locale.
Par ailleurs, la ville de Troyes dirigée par François Baroin, a mobilisé ses forces vives afin de garantir une distribution rapide et efficace des masques dans l’ensemble de la métropole dès la fin du mois d’avril. Une diligence en partie rendue possible par la présence de militaires du 5e Régiment de Dragons basés près de Troyes. Ainsi, les ressources locales ont été mobilisées à bon escient en complément des équipes municipales déjà très actives. Cela a permis aux habitants de la métropole de Troyes de se déplacer (dans les règles du confinement) avec un masque alors que la pénurie frappait le pays. Comme quoi le bon sens de terrain d’un maire est souvent supérieur à une technocratie centralisée.
Plus au sud, la ville de Nice s’est rapidement imposée comme la championne du port du masque dans les lieux publics (y compris la rue). Des questions juridiques doivent encore être tranchées quant à la légalité ou non de l’obligation du port du masque. Reste que ce genre d’initiatives locales a un écho national et est en partie reprise par l’exécutif. Peu importe d’où sont issues les bonnes idées (Troyes, Nice, Paris, etc.), l’objectif est de réussir à vaincre cette pandémie en prenant des mesures utiles et circonstanciées. Il en va de la santé des Français et d’une reprise économique indispensable à tous.