L’evasion fiscale pour les entreprises est légale en Europe, d’après la Cour de Justice Européenne

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Par Sébastien Robineau Modifié le 3 juillet 2014 à 9h41

Le sujet est technique, mais il est lourd de conséquences ! Alors que l'OCDE doit rendre plusieurs propositions en septembre pour contrecarrer les montages mondiaux d'optimisation fiscale, la Cour de justice de l'Union européenne vient de lâcher un pavé dans la marre de l'intégration fiscale (CJUE, 2e ch, 12 juin 2014, aff. C-39/13, C-40/13 et C-41/13). Retour sur cette question.

L'intégration fiscale permet à une société française soumise à l'impôt sur les sociétés et qui détient au moins 95 % du capital et des droits de vote de ses filiales, elles-mêmes françaises et soumises à l'impôt sur les sociétés, de devenir le redevable unique de l'impôt sur les sociétés pour le compte de son groupe. Ainsi, les déficits fiscaux des unes viennent s'imputer sur les bénéfices fiscaux des autres, permettant ainsi au redevable unique de l'impôt sur les sociétés de ne s'acquitter que de l'impôt dû sur les résultats compensés de son groupe. Une belle économie immédiate en matière d'impôt sur les sociétés ! En effet, pourquoi conserver des déficits fiscaux indéfiniment reportables alors que, par ailleurs, d'autres sociétés du groupe sont tenues de payer un impôt sur les sociétés dont le montant peut être élevé ?

Le Code général des impôts ne s'applique qu'en France, territorialité de la loi oblige, et ce ne sont pas nos voisins européens qui vont s'en plaindre ! Aussi, aux termes des articles 223 et suivants du Code général des impôts, l'intégration fiscale n'est-elle permise qu'entre sociétés dont le siège est implanté en France.

Au nom de liberté d'établissement

Ce n'est pas l'avis de la Cour de Justice de l'Union européenne. Aux termes d'un arrêt rendu le 12 juin dernier relatif à l'intégration fiscale de droit néerlandais, la Cour de Jusitce Européenne a jugé que les dispositions des articles 49 et 54 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) s'opposent, au nom de la liberté d'établissement au sein des pays de l'Union européenne, à ce que la législation interne d'un Etat membre puisse limiter le mécanisme de l'intégration fiscale aux seules sociétés résidentes au sein de ce même Etat.

Optimisation fiscale sans frontières

Cette décision est sans précédent ! Elle rend possible en droit communautaire les schémas d'intégration fiscale entre des sociétés implantées dans différents états de l'Union européenne. De pareils schémas ont déjà été mis en place par Uber et Google. Et si la société mère a son siège dans un Etat dont la fiscalité est plus douce que celle de l'Etat ou des Etats de ses filiales, tant mieux pour elle.

Les décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne n'ont pas pour effet de modifier le droit de chacun des Etats de l'Union européenne. Elles interprètent le droit communautaire et les juridictions nationales sont alors tenues d'apprécier le droit national à la lumière du droit communautaire lorsqu'elles tranchent un point de droit national. En tout état de cause, cette décision va conduire le législateur français à devoir revoir sa copie. En effet, le régime de l'intégration fiscale en droit néerlandais est très proche de celui du droit français... A bon entendeur !

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Sébastien Robineau est avocat en droit des affaires au sein du cabinet Homère.

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