La bouteille est-elle à moitié pleine ou à moitié vide aux yeux du marché ?

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Par Hervé Goulletquer Publié le 13 novembre 2018 à 9h57
Petrole Cours Baril Brent Bourse
@shutter - © Economie Matin
15 DOLLARSLe baril de Brent a chuté de 15 dollars depuis le début octobre

La situation est plutôt calme sur les marchés : la croissance ralentit et l’inflation accélère, mais ceci de façon légère.

Essayons de résumer l’état d’esprit du marché un peu plus de deux semaines après la fin la période de correction boursière intervenue sur l’essentiel du mois d’octobre. L’économie mondiale continue de se comporter correctement, même si la situation est moins confortable qu’il y a un an de cela. La croissance ralentit et l’inflation accélère ; mais dans les deux cas, pas trop. Dans le contexte du moment, parce que la capacité à « encaisser les chocs » est probablement moins bonne qu’auparavant, il faut éviter les erreurs de politique économique et il faut espérer qu’il n’y aura pas trop de mauvaises nouvelles à même de faire douter du diagnostic d’ensemble.

Quand on pointe de possibles erreurs de politique économique, on pense évidemment avant tout à la dimension monétaire et plus particulièrement à la Fed. Jusqu’à quel niveau le taux directeur doit-il être remonté et à quel rythme ? En sachant qui plus est qu’il faut imaginer ce que sera la dynamique de l’économie américaine neuf ou douze moins plus tard (c’est à-peu-près le délai d’action d’un changement de politique monétaire sur l’économie réelle). A l'heure actuelle le consensus des économistes de marché nous dit que d’ici à un an la croissance du PIB aura ralenti de 1 point (de 3% à 2%) et que l’inflation « noyau dur » aura accéléré de 0,2%. Sur l’année écoulée, pour rappel, tant la première que la seconde ont progressé de 0,5 point.

Passons aux mauvaises nouvelles. On le voit ; le marché y est aujourd’hui très sensible. Celles-ci sont de deux ordres : de l’observé et du redouté. Du côté de l’observation, deux choses ont retenu, négativement, l’attention des marchés au cours des heures écoulées. D’abord, deux fournisseurs du secteur de la Tech américaine ont fait état d’une demande de ralentissement des livraisons par un de leurs clients. Les spécialistes ont considéré qu’il devait s’agir d’Apple. Aux Etats-Unis, durant la séance de ce ludni 12 novembre, le titre considéré, la Tech et toute la cote ont fortement baissé. Ensuite, le repli des cours du pétrole brut (le baril de Brent a chuté de 15 dollars depuis le début octobre), qui envoie un double message positif en termes de pouvoir d’achat des consommateurs et de profil des prix, a semblé pouvoir être remis en cause. L’Arabie saoudite, qui trouve peut-être que le dégonflement de la prime géopolitique va trop loin, a annoncé sa volonté de réduire sa production de 500 000 barils/jour et forme le vœu que l’OPEP s’entende pour réduire collectivement l’offre de 1 million de barils/jour. Le Président Trump s’est empressé de faire savoir tout le mal qu’il pensait de l’initiative. In fine, les opérateurs semblent donner plus de crédit au locataire de la Maison Blanche qu’aux Saoud. Il n’empêche que ces deux « péripéties » participent d’une incertitude qui n’est pas très bien reçue « ici et maintenant ».

Passons aux « lourdes » interrogations que le marché ne peut qu’avoir en contemplant l’avenir immédiat. C’est aujourd’hui que le Cabinet italien doit répondre aux objections formulées par Bruxelles concernant le projet de budget 2019. Officiellement à Rome la posture reste à la fermeté, tandis que la Commission et le Conseil, côté UE, paraissent avoir forgé leur consensus politique et trouvé les instruments juridiques pour entamer une démarche de sanction. Quel(s) geste(s) chacun des deux camps doit-il faire pour lancer la machine à compromis ?

On sait aussi que, sauf à retarder la date officielle de « divorce », il est presque « minuit moins une » pour que le gouvernement de Londres et la Commission s’entendent sur les conditions de sortie du RU de l’UE. Et le séquençage dessiné par Theresa May de ne toujours pas marcher : aligner le Cabinet sur un texte acceptable par les deux camps, bénéficier du soutien de l’opinion publique britannique et ainsi réussir à franchir l’obstacle du vote à Westminster. Comment, une fois encore, réussir à débloquer la situation ?

Le pire n’est jamais certain et les Européens sont coutumiers des accords de dernière minute. Et puis, il ne faut pas oublier les bonnes nouvelles. On sait que le marché donne du sens à la rencontre Trump – Xi en fin de mois à Buenos Aires dans le cadre du G20. Il espère un début de détente sur le front des relations commerciales sino-américaines. Eh bien, Liu He, le Vice-premier ministre chinois en charge de la politique économique, a discuté hier au téléphone avec Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor des Etats-Unis. Il pourrait même se déplacer à Washington dans les prochains jours. Les choses semblent bouger ; dans le bon sens ? Espérons-le, même si on ne sait pas.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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