L’Union européenne et la zone euro à la recherche d’une gouvernance mondiale

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Par Jacques Martineau Publié le 5 avril 2015 à 5h00
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1 000 milliards €La BCE va racheter d'ici septembre 2016 plus de 1 000 milliards d'euros de dette publique et privée.

Que de nouveaux paramètres à gérer ! Devant un endettement colossal des principaux pays de l’OCDE, la baisse des prix du pétrole, la chute de l’euro face au dollar et les faibles taux d’intérêt se propagent dans des environnements disparates qui dépendent de contextes politiques et de situations financières, économiques et sociales différentes, propres à chacun d’entre eux.

Avec un taux de croissance mondial, révisé à la baisse, le FMI se cherche, hésitant dans ses prévisions, ses recommandations et ses attitudes à tenir. Le FMI a compris que c’est le retour à l’activité à l’échelle mondiale et en particulier en Europe qui permettra de sortir de cette crise. Il hésite encore. L’Europe et surtout la zone euro sont quasi-atones, sous couvert d’une reprise annoncée timide pour 2015, plus consolidée pour 2016.

Les pays émergents de la BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud ne sont pas non plus au mieux pour des raisons différentes. Mais le contexte n’est pas favorable, même si les pays du Golfe continuent à s’afficher. Si les Etats-Unis tirent leur épingle du jeu, leur progrès n’a de sens et ne sera pérenne que dans la mesure où leurs interlocuteurs sont eux aussi en « bonne santé ».

Au delà de l’aspect économique et financier qui concerne l’ensemble des pays développés et émergents de la planète, les multiples conflits armés et la « guerre déclarée » au terrorisme compliquent l’approche du problème. D’autres priorités se font jour.

Une multitude d’organisations mondiales interconnectées

Les « grandes puissances » dans le cadre de l’ONU, du G7, G8 ou G20 tentent de progresser sur le sujet, tout en privilégiant pour « les plus forts » leurs avantages. De nombreuses institutions, dépendantes ou non de l’ONU, comme des organisations intergouvernementales à vocation planétaire complètent la panoplie. Elles couvrent l’ensemble des champs d’activité dans le monde politique, financier, économique, social, culturel ou humain.

Les institutions officielles, mondiales et européennes, leurs sous-ensembles et leurs dérivations tentaculaires ne cessent de croître tant par leur nombre que par leur taille. L’interférence est généralisée. Plus personne n’est en mesure de savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi et qui finance quoi ? Des kyrielles de dirigeants, de hauts fonctionnaires, de responsables, d’experts en tout et de personnel de soutien, opèrent dans des multitudes de structures figées qui se veulent aussi importantes les unes que les autres.

Au cours du temps et des circonstances, tous ces acteurs ont été choisis par leur pays ou l’institution pour être là. Ils ont été nommés, placés ou déplacés. Certains sont reconnus par leurs pairs pour leur compétence et leur expérience, d’autres appartiennent à une catégorie identifiée, celles des pistonnés. Qu’ils soient actifs ou mis au placard, utiles ou non, ils participent au système. Par manque de réactivité contrôlée, de cohérence et de dynamique prévisionnelle, caractéristiques de tout ensemble vivant, tous ces acteurs, affublés de leurs compétences par attribution, ne font que rajouter à la lourdeur, à l’opacité et à la complexité de cet ensemble de systèmes interconnectés.

Un nouveau Bretton Woods n’est pas pour demain

Rappelons que les accords de Bretton Woods sont des accords économiques qui ont permis de décrire les grandes lignes du système financier international en 1944, destiné à la mise en place d’une organisation monétaire mondiale pour favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. Ils ont rassemblé 730 délégués représentant 44 nations alliées. C’est la proposition américaine qui l’emporte, organisant le système monétaire mondial autour du dollar américain, avec un rattachement nominal à l’or.

En 2015, plus de 70 ans après ces accords, comment remettre le système à plat, lui-même ayant été modifié à plusieurs reprises. On comprend mieux pourquoi la route est encore très longue pour parvenir à l’esquisse de ce que chacun qualifie et appelle de ses propres vœux : une gouvernance mondiale. Depuis des années, Jacques Attali se fait l’avocat de cette thèse. Comme un véritable credo, il insiste avec conviction sur l’absolue nécessité de sa mise en place à l’échelle planétaire. L’époque du chacun pour soi, avec un appétit glouton, dans lequel l’autre est ignoré, doit s’achever. Rêve ou utopie ? Il est conscient que la composante temps est déterminante et qu’elle ne joue pas à ce jour en notre faveur.

Autre intervenant, reconnu et apprécié au plan mondial, véritable poids lourd, le Prix Nobel d’économie, l’Américain Joseph E. Stiglitz, n’est pas tendre non plus dans son appréciation. Depuis plus de dix ans, il s’acharne à convaincre que l’Occident fait fausse route. Joseph E. Stiglitz parle d’une société nouvelle, de vivre avec ses moyens, de partage, d’humain et de collectif. Il dérange. Il est précis. Il est clair. Mais il demeure sans grande illusion sur l’inertie du système. Ces mises en garde ne sont pas les seules.

Des dizaines de livres et d’interventions, quelles que soient la qualité et la notoriété de leurs auteurs, interpellent sans pour autant parvenir à convaincre ces multiples oligarchies politiques et financières. Aucun n’est en mesure de fixer d’échéance pour le début du moindre changement. Pessimisme et réalisme ne sont pas du tout incompatibles. Ce n’est pas une raison pour renoncer à réaffirmer ce besoin indispensable de gouvernance mondiale.

Les dirigeants sont trop préoccupés par leur quotidien et leur devenir politique. Pavées de bonnes intentions, leurs promesses restent en général sans effet. C’est mou et indécis. Pourquoi un second Bretton Wood ne serait-il pas possible pour mettre en place une organisation monétaire mondiale, favorisant la résorption de dette et le retour de la croissance économique dans l’ensemble des pays touchés par la guerre des marchés financiers ? Faudrait-il encore le vouloir vraiment ? L’Union européenne n’est pas prête à cette remise en cause. Beaucoup trop divisée, pas suffisamment solidaire, elle se cherche elle-même et n’est pas encore parvenue à un tel niveau de réflexion.

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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