Le lancement récent d’offres d’externalisation de la gestion administrative et comptable des investisseurs institutionnels par de grands groupes bancaires suscite des interrogations de la part des acteurs de l’assurance et de la protection sociale. Quel potentiel de réduction de coûts ? Quelle organisation mettre en place et comment maîtriser le risque opérationnel lié à des traitements par nature très sensible ?
Face à une inflation conséquente de la contrainte réglementaire (Directives UCITS, AIFM, MIFID, etc.), les sociétés de gestion de fonds d’investissement ont vu leurs coûts opérationnels augmenter et leurs fonctions de gestion administrative et comptable de fonds d’investissement se complexifier. Or, ces dernières ne constituent pas leur cœur de métier. Elles s’appuient de plus sur un cadre réglementaire et des pratiques de place standardisées et génèrent un risque opérationnel élevé, sans pour autant apporter une quelconque valeur ajoutée au client final. Résultat, un grand nombre d’acteurs du secteur ont choisi d’externaliser, dans des proportions variables selon les pays. En France, par exemple, le taux de recours à la sous-traitance est proche de 100% et bien plus élevé qu’au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. L’hexagone se distingue également par une très forte concentration du métier d’administrateur de fonds.
Le pilotage du résultat financier est trop sensible pour être externalisé
Par analogie et sous la pression des nouvelles réglementations, notamment Solvabilité 2 et IFRS9, certains assureurs sont également conduits à considérer l’externalisation comme une option. De manière générale, la motivation première n’est pas la recherche d’économies de fonctionnement, mais plutôt la réponse à un choc sur l’organisation (mouvements de personnel inopinés, perte d’efficacité des processus faute d’entretien permanent) ou sur le système d’information (investissement informatique à éviter ou projet en échec).
Mais la problématique est entièrement différente de celle des fonds d’investissement. L’environnement réglementaire est souple et les pratiques de place non standardisées. En outre, la comptabilité des investissements financiers des assureurs est une fonction particulièrement sensible car elle se situe au cœur de leur processus de pilotage du résultat financier de l’investisseur institutionnel. En conséquence, l’externalisation doit toujours être envisagée avec prudence.
L’investisseur institutionnel doit conserver en interne toutes les compétences nécessaires au choix des méthodes comptables, aux décisions d’affectation du résultat, à l’établissement des comptes annuels et leur présentation aux autorités de tutelle. Par ailleurs, lors des périodes de clôture, certaines décisions – valorisation et provisionnement en particulier - doivent être prises dans des délais extrêmement courts suivant la date d’arrêté. La perte en réactivité et en précision dans le cadre d’un processus passant en partie par un délégataire est un risque majeur. La maîtrise de ce risque nécessite de s’écarter des processus de fonctionnement trop standardisés (souvent qualifiés d’ « industriels »), se limitant à fournir des jeux de données uniformisés à heure fixe via des processus automatisés.
Il s’agit au contraire de mettre en place des processus transparents, construits sur mesure en fonction du modèle opérationnel du client, et de confier les étapes les plus sensibles à des équipes expertes parlant le langage et partageant la culture de leur client. Ce besoin explique la prédominance de la sous-traitance endogame ou « par des assureurs pour des assureurs ». La production des données doit s’accompagner d’une communication fluide, disponible en permanence et hautement réactive, ainsi que d’une traçabilité complète des données tout au long de la chaîne de traitement. Il est également important d’apporter à l’investisseur une visibilité sur l’avancement des processus de production du prestataire.
Pour les directions en charge de ses activités au sein des compagnies d’assurances, l’enjeu sera de placer le curseur au bon endroit entre les activités à sous-traiter et celles conservées en interne. Le recours à des solutions en mode SaaS est un puissant vecteur d’économies. Il peut être complété par des services plus orientés « métier » tels que l’assistance aux arrêtés périodiques, l’administration des référentiels ou la production des états réglementaires.
A plus long terme, comment ce phénomène d’externalisation peut-il évoluer ?
Le marché-cible des directions financières et des directions des investissements devrait continuer de se rétracter sous l’effet des fusions entre établissements, en particulier dans le monde de la retraite complémentaire et de la mutualité. Les entités ainsi formées disposent du savoir-faire et de la masse critique pour développer leur activité pour le compte de tiers, principalement des acteurs de taille petite et moyenne. Dans ce paysage en transformation, les fournisseurs de solutions informatiques devront s’adapter à ce mouvement par la fourniture de services métiers intégrée à leurs solutions. L’enjeu est in fine de réussir à améliorer en continu l’efficacité opérationnelle et économique de leurs clients de façon personnalisée et sans jamais dégrader la réactivité du pilotage des investissements.