Au lieu de lutter contre le protectionnisme, l’Union européenne succombe au populisme et oublie sa vocation : défendre la liberté du commerce.
Le Conseil de l’Union européenne est parvenu à un accord le 24 octobre 2017 pour durcir les conditions de détachement des travailleurs : obligation d’aligner la rémunération des travailleurs étrangers au minimum sur celle des travailleurs locaux, limitation à une période de 12 mois… Des mesures symboliques pour flatter les instincts protectionnistes de l’opinion publique d’Europe occidentale. Comme l’explique la Commission européenne sur son site, « un travailleur détaché est un salarié envoyé par son employeur dans un autre Etat membre en vue d’y fournir un service à titre temporaire ».
Ce système laisse place à une maigre concurrence règlementaire et fiscale dans la mesure où les travailleurs détachés sont assujettis aux charges sociales de leur pays d’accueil, et non à celles du pays dans lequel ils travaillent. Ce phénomène est resté relativement inaperçu du public jusqu’à l’arrivée médiatique en France du mythique « plombier polonais ».
Il faut dire que les boucs émissaires polonais tombaient à pic. Dans une France rongée par le chômage de masse depuis plusieurs décennies, l’histoire éternelle du voleur d’emploi étranger fait toujours mouche. Les gouvernements européens se sont donc sentis obligés de faire quelque chose. Vite ! Il faut organiser des dizaines de réunions et de sommets inter-gouvernementaux pour un phénomène qui ne concerne que 0,9% de l’emploi total européen !
Les bénéfices toujours incompris de la concurrence
Les arguments pour ces restrictions relèvent de l’incompréhension classique des bénéfices de la concurrence. Les travailleurs détachés venus d’Europe centrale et de l’est (voire d’Espagne et du Portugal) feraient peser une concurrence déloyale sur les salariés français. En quoi consiste la déloyauté ? A avoir des prétentions salariales plus faibles qui correspondent au niveau de vie de leur pays d’origine (quoiqu’un travailleur de l’est qui migre en France gagne beaucoup plus par rapport à une même tâche dans son pays d’origine).
Faisant le jeu des revendications protectionnistes, la plupart des médias ont relayé cette « victoire » d’Emmanuel Macron. N’est-ce pas là le signe que notre jeune Président est capable de faire plier les pays d’Europe de l’est que l’on croyait impossible à convaincre ? Bien sûr, les aménagements et les tentatives d’harmonisation sont symboliques, quoi qu’ils risquent de nuire à la compétitivité des travailleurs de l’est qui opèrent sur les marchés occidentaux. Mais la communication est préservée : l’Europe n’est pas cet infâme Cheval de Troie d’une mondialisation incontrôlée qui broierait la vie des travailleurs. Elle se soucie des petites gens et elle protège effectivement contre les dérives de la libre-prestation de services.
Cet accord est une défaite symbolique pour l’intégration européenne. L’Europe a longtemps été perçue comme la gardienne de l’unité du continent face à la tentation des replis nationaux. Mais cette époque est révolue. Au lieu de lutter contre les protectionnismes, l’Union européenne s’en fait désormais le relais, quitte à verser dans une forme de politique spectacle, donnant l’illusion de régler une situation prétendument problématique et qui, rappelons-le, est anecdotique au regard des véritables enjeux qui pèsent sur le marché de l’emploi.
A vouloir construire une Europe politique, on politise ce qui ne devrait pas l’être. L’Europe ne recherche plus la justice et l’efficacité économique par la conservation d’un espace de libre-échange. Elle succombe elle aussi au populisme à la mode, quitte à saboter l’objectif qui constitue sa raison d’être officielle : la liberté du commerce.
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