Depuis quelque temps, il semble que la mode soit aux mouvements pour un retour au rattachement des monnaies à l’or.
Après septembre 2012 et l’épisode Suisse autour du texte « Sauvez l’or de la Suisse » qui prévoyait que la BNS constitue pour au moins 20% de ses actifs en or, les liens entre monnaie et or sont revenues sur le devant de la scène. C’est côté germanique cette fois que la question a été soulevée avec le souhait émis par l’ancien chef économiste de la Deutsche Bank de voir se constituer un euro-or. L’objectif est de se prémunir contre la politique monétaire de la BCE jugée trop accommodante.
Un ancien débat
Contre le pouvoir presque mystique qu’a l’or de frapper l’imagination, prenons le temps de la réflexion. Ces discussions, qui toutes questionnent le rôle de l’or dans la politique monétaire, rappellent la controverse historique opposant dans les décennies 1830 et 1840 la Currency School à la Banking school. La première voyait la nécessité d’adosser les billets en circulation à un stock d’or. Plus encline à concevoir la monnaie à travers un système de crédits sollicités par l’activité économique, la seconde rejetait ce lien univoque entre or et inflation et admettait une intrication entre activité économique et volume monétaire en circulation.
Au fondement de l’euro-or
On reconnaît bien là les termes essentiels des discussions récentes. Mettons-les à jours pour comprendre ce qu’ils recouvrent. Pour les tenants de la première thèse, il s’agit d’affirmer le contrôle mécanique de la monnaie en circulation dans l’économie à partir du contrôle d’une monnaie de premier rang (base monétaire émise par la banque centrale) de laquelle les unités monétaires circulantes dériveraient leur pouvoir d’achat. Selon ce schéma, pour éviter la multiplication irraisonnée de la monnaie en circulation source d’inflation, il suffirait d’arrimer la base monétaire à un bien rare et inspirant confiance : l’or. Dan ce cadre de compréhension, l’or constitue un refuge lorsque la monnaie officielle dégénère en monnaie de singe. Cela parce qu’il est une monnaie « réelle », alors que les pièces n’en sont que la duplication et les billets n’en sont que l’image « nominale ». Pour endiguer l’inflation et mettre un terme à la crise monétaire, il conviendrait d’adosser les engagements de la banque centrale à l’or et de conditionner l’émission de monnaie centrale à la détention d’or, en un mot de donner naissance à une monnaie-or.
Un regard moderne
Notre modernité permet d’y voir plus clair qu’à l’époque de la controverse britannique. Lorsque je perçois mon salaire, il m’est impossible d’exiger auprès de ma banque d’obtenir l’équivalent en or sonnant et trébuchant. Suis-je donc floué ? Il semble bien que non puisque je dispose d’un pouvoir d’achat, je peux acheter toute une gamme de marchandises. Donc, ce qui confère aux unités monétaires que je détiens un pouvoir économique, c’est non pas qu’elles dérivent d’une base première ou d’un métal précieux, mais qu’elles recouvrent une production. Il semble donc que la seconde thèse, initiée par la Banking School, soit bien plus réaliste.
Ajoutons d’autre part que mon salaire ne tombe pas du ciel, il n’est pas parachuté par la banque centrale, il résulte de mon activité de production. C’est donc bien la production et non une hypothétique base monétaire qui importe. L’or n’est donc pas une assurance contre la décrépitude des monnaies et un euro-or serait inopérant. Ps : Notre raisonnement s’applique au niveau national, il est pleinement valide lorsque l’on élargit à l’international mais nécessite des développements supplémentaires.