Deutsche Bank a des difficultés. Deutsche Bank est “systémique”, mot récent apparu en 2008, pour dire que ses difficultés menacent le système monétaire et financier actuel qui est le créditisme. Par conséquent, Deutsche Bank menace donc aussi l’euro.
Pardonnez l’emploi de “créditisme”, cher lecteur, ce néologisme qui nous appartient, mais il est plus précis que “système”. Le créditisme est l’organisation selon laquelle on peut échanger quelque chose contre une promesse de payer un jour dans le futur avec des gains futurs. Autrefois, lorsque les monnaies étaient reliées à l’or et l’argent, on échangeait quelque chose contre autre chose de déjà existant.
Après la seconde Guerre mondiale, le dollar est devenu la monnaie des échanges internationaux, les Etats-Unis étaient les véritables vainqueurs, plus gros exportateurs et importateurs au monde. La livre s’est alors effacée de la scène internationale. Jusqu’en 1971, les Etats-Unis garantissaient aux autres gouvernements un échange de dollars contre une quantité fixe d’or. En 1971, cette garantie fut jetée aux orties et le créditisme prit son essor. Toutes les monnaies furent “flottantes”, de simples promesses de payer.
Aujourd’hui, deux économies dominent le commerce mondial. Les Etats-Unis et la Chine. Mais ce qui s’échange, s’échange toujours presqu’exclusivement en dollars. Les promesses de payer sont comptabilisées en dollars. Pour importer et exporter, il faut des dollars. Voici un graphe de Bloomberg tout frais d’hier. Comme vous le voyez, la Chine pèse désormais plus lourd que les Etats-Unis dans le commerce mondial, et pourtant, sa monnaie, le yuan, n’est rien au niveau international.
L’article de Bloomberg parle du plan de la Chine pour que le yuan devienne la nouvelle devise mondiale. Mais ce n’est pas cela dont je veux vous entretenir. Sur ce graphe, l’euro est aux abonnés absents ! La livre et le yen y figurent mais pas l’euro. Et c’est normal. Quand on dit “monnaie” ou “devise”, pensez “dette”, “promesse de payer”. La meilleure des promesses est celle de l’Etat : l’Etat fédéral américain, la Chine,… Donc un bon du Trésor américain. Mais où est l’Etat euro ? Un bund allemand vaut-il un bono espagnol ou une OAT française ?
Maintenant, voyez chaque poche monétaire comme un réservoir assez étanche : la zone dollar, la zone euro… Dans chaque réservoir les “liquidités” abondent. Mais pour passer d’un réservoir à un autre, il faut utiliser les tuyauteries bancaires, le crédit interbancaire au niveau international. Pour importer et exporter, il faut des dollars et une banque.
Toute grosse banque ne peut pas exister sans avoir accès à des dollars. Faute de dollars, ce n’est qu’une épicerie de province. Notez bien, cher lecteur, que certaines petites banques régionales peuvent constituer un excellent abri pour votre vrai argent, car justement, elles ne sont pas “systémiques” ! Ne les méprisez surtout pas. Small is beautiful vaut mieux que “trop gros pour faire faillite”.
Mais avec le spectre de Deutsche Bank (et Commerzbank et Monte dei Paschi di Siena, etc …) qui plane sur la Zone euro, pensez-vous que les autres banques qui ont des dollars vont les prêter facilement aux banques européennes ? Non. Elles ont peur de ne jamais les revoir. Elles ont des cactus dans les poches. L’euro n’était déjà qu’une ombre sur la scène du commerce international. Mais avec la crise bancaire qui s’annonce, il risque bien de disparaître pour de bon…
Le pleurerons-nous ? L’euro avait justement la qualité rare de ne pas être une monnaie d’Etat. Mais c’est un échec et ce qui ne marche pas doit disparaître. Les monnaies qui ne sont pas d’Etat, qui ne sont pas une “promesse de payer” sont l’or et l’argent-métal. Sous leurs règnes, on échangeait quelque chose contre autre chose, les crises étaient plus limitées et on ne détruisait pas le futur. Le créditisme n’est pas une avancée, c’est une régression.
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