L’Etat doit encore quatre milliards d’euros à EDF

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Par Ludovic Grangeon Modifié le 29 novembre 2022 à 9h24
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L’Etat doit encore quatre milliards d’euros à EDF - © Economie Matin
5 milliards €EN cinq ans, l'Etat a puisé cinq milliards d'euros dans les caisses d'EDF.

A l’occasion du dernier conseil d’administration d’EDF, le plus intéressant est moins dans sa décision particulière que dans les analyses juridiques qui ont été faites pour la première fois à propos des conflits d’intérêts des administrateurs représentant l’État au sein de cette société.

Ces analyses juridiques ont enfin clairement démontré ce que de nombreuses voix dénonçaient déjà depuis plusieurs années, y compris dans les assemblées générales d’actionnaires. Le conflit d’intérêts est une menace permanente pour les administrateurs de l’État au sein d’EDF.

Cette analyse tardive apparait pour un enjeu de 450 millions, mais elle soulève un problème bien plus important. En 5 ans, l'Etat aura puisé dans la caisse d'EDF plusieurs milliards en douce via la CSPE pour combler son déficit et le rendre moins apparent. Le prélèvement cumulé a atteint près de 5 milliards en 2015 et restait encore l’année dernière de 4.3 milliards. Depuis 2010, plusieurs milliards manquent par cette avance de cavalerie au détriment de la trésorerie de l’entreprise, de son rating et de sa capacité d’autofinancement. La CRE tient une comptabilité détaillée de ce désastre budgétaire. La dégradation financière est une pente glissante qu'on ne remonte pas. De plus l'Etat actionnaire cotoie au sein d'EDF des actionnaires particuliers, traités de façon inégale.

La CSPE aurait dû atteindre 26€/MWh l'année dernière mais elle a été artificiellement minorée à 19.5€/MW/h pour diminuer son augmentation trop voyante de plus de 20% par an. Certaines énergies renouvelables sont facturées à des niveaux hallucinants jusqu'à 20 fois le prix de base standard. Les objectifs 2020 sont déjà explosés de plus du double depuis 2014. Tout ce trou est ponctionné sur la trésorerie d'EDF, qui ne peut ni investir, ni sécuriser sa gestion avec une telle charge. La CSPE payée par le consommateur va encore doubler, voire tripler, lorsque nous connaitrons les coûts réels masqués depuis 2010.

Cette manipulation a servi à diminuer le vrai coût des énergies renouvelables dont le montant atteint en majorité de trois à cinq fois le prix du marché, et alors que le prix de l’électricité a encore baissé de 11% sur le dernier exercice (source CRE). Le consommateur paie très cher cette course à la démagogie, avec 10 miillions de Français en précarité énergétique. Alors que la CSPE était surtout destinée à l’aide sociale à l'énergie, celle ci ne représente plus que 5% de son budget, environ 350 millions par an. Dernier exemple: une personne de 89 ans vient de mourir de froid chez elle à Toulouse sans pouvoir payer sa facture. Le montant annuel de cette aide sociale ne représente pourtant que le quart du pactole de 1.3 milliards abrité au Luxembourg au profit des dirigeants d’EDF energies nouvelles, sous la « surveillance » des administrateurs de l’Etat.

Il est tout aussi étonnant que six administrateurs indépendants d'EDF prennent tous exactement la même décision à ce conseil d’administration alors qu’au moins deux d’entre eux étaient réputés de position inverse. Dans le même temps, la tentative de passage en force de Ségolène Royal au détriment du consommateur, en voulant aggraver encore la facture des réseaux, qui pèse pour un tiers dans la note d’électricité des ménages, montre à quel point l’État est tenté de mélanger les genres et de se servir d’EDF ou de ses filiales pour puiser dans la caisse. Bien pire, comment la Commission Européenne pourra fermer les yeux sur ce qui n'est rien d'autre qu'un deficit budgétaire masqué ?

De telles manipulations deviennent des abus de biens sociaux dans la moindre entreprise. Ce précédent interroge sur la nature de la position des commissaires aux comptes à propos des multiples conflits d’intérêts constatés dans ce mélange des genres. Oseront-ils à présent demander la régularisation des conventions spéciales lors de la prochaine assemblée générale ? ou le respect des actionnaires minoritaires ? Et s’ils n’osent pas, quelle sera la réputation des entreprises françaises sur la sincérité des comptes ? surtout avec l'Etat comme actionnaire...

L’année 2017 s’annonce passionnante sur ces points.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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