Comme vous le savez, les choses sérieuses se passent sur les marchés obligataires. C’est là que se trouvent les investisseurs professionnels qui ont de l’épargne (l’argent confié par d’autres) à gérer et à qui ces mêmes épargnants demandent des comptes.
Imaginez un casino. A l’entrée se trouvent des machines à sous où s’amusent de « petits joueurs » qui ne misent pas gros et n’ont pas gros à perdre. C’est dans les salles les plus lointaines que les fortunes se font et se défont, aux tables de baccara et de roulette. Lorsque vous pénétrez dans le casino, c’est le clinquant et le bruit des machines à sous que vous percevez d’abord. Cela c’est les marchés actions. Les salles feutrées du fond sont celles des marchés obligataires. La plupart des commentateurs financiers s’arrêtent au clinquant de l’entrée et ne vous emmènent pas voir les salles du fond.
Je vous propose aujourd’hui de pénétrer dans ces salles feutrées. 1 500 milliards de dollars viennent d’y être perdus… Janet Yellen n’y est pour rien mais le marché obligataire poursuit sa chute. Voici l’allure de l’indice Barclays Global Investors Bond Index Fund depuis un an.
Les « taux directeurs » n’intéressent que les banquiers. Ils ne font que définir le prix auquel les banques ont le droit de créer du crédit, de la monnaie. En revanche, les rendements des marchés obligataires définissent les rendements de l’épargne. Le marché obligataire fonctionne comme l’immobilier. Si l’immobilier se renchérit, le rendement locatif baisse. Inversement, si les prix chutent, le rendement locatif monte. Supposez que vous ayez un bien immobilier acquis il y a un certain temps dont le rendement locatif soit de 3%. Sur le marché actuellement, vous trouvez des rendements locatifs de 6% car la pierre a baissé. Qui voudra vous acheter votre bien immobilier occupé au prix où vous l’avez payé ?
Lorsque le prix des obligations baisse leurs rendements montent. Et si vous avez une vieille obligation et que vous voulez la vendre vous devrez la revendre à perte, exactement comme pour l’immobilier. Conservez à l’esprit que cette chute du prix des obligations se produit alors même que la Banque centrale européenne, la Banque du Japon, la Banque d’Angleterre, la Banque de Chine sont toutes engagées dans des opérations de rachat ayant pour objet, justement, de faire baisser les rendements ! Le bain de sang du marché obligataire mondial est tel que, la semaine dernière, les autorités chinoises ont suspendu le marché obligataire.
Les professionnels qui interviennent sur le marché obligataire sont comme des foncières ou des trusts immobiliers : en principe, ils conservent leurs biens et payent les souscripteurs avec les revenus (loyers). Les pertes dont nous parlons ne sont encore que « latentes », elles n’apparaissent pas dans les bilans des assureurs ou des banques. Qui n’a pas vendu n’a pas perdu, Madame Michu ! Mais, bien sûr, il y a un problème…
Les souscripteurs vont recevoir des clopinettes puisque les rendements des portefeuilles obligataires actuels sont quasi-nuls. Et ces mêmes souscripteurs voient par ailleurs les rendements augmenter. Supposez que vous voyiez les loyers monter partout et qu’en tant que porteur d’une part d’un fonds immobilier on vous verse royalement 0%… « Nous voulons plus ! » vont clamer les souscripteurs. Mais vendre signifie, pour le gestionnaire de fonds matérialiser des pertes. Les pertes ne sont plus « latentes », elles deviennent alors réelles. Et les vrais ennuis commencent…
Quand allons-nous passer des « pertes latentes » aux pertes déclarées ? Dès que les gens voudront reprendre leurs jetons. D’où la dernière brillante idée du législateur en France : leur interdire de reprendre leurs jetons. C’est tout l’enjeu des dispositions de la loi Sapin concernant l’assurance-vie.
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