L’Education nationale supprime une partie de l’enseignement de l’économie

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Par Daniel Moinier Publié le 2 novembre 2016 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
5Récemment, les cinq patrons présents au Conseil national école-économie ont démissionné de leurs fonctions.

Notre ministre de l’éducation, Madame Naja Vallaud-Belkacem après avoir défrayé la chronique il y a un peu plus d’un an en supprimant (partiellement) l’enseignement du latin et du grec, mais aussi des pages entières de « notre histoire », a récidivé en supprimant une partie importante du module obligatoire d’enseignement de l’économie.

Alors qu’il a été constaté à maintes reprises qu’une grande part de nos concitoyens sont peu initiés à l’économie, que l’ensemble du monde patronal, des milieux scientifiques réclament depuis longtemps un apprentissage de l’économie et de l’entreprise pour tous, notre ministre vient de faire exactement le contraire !

C’est une information du Journal Le Monde, il y a quelques mois qui a mis le feu aux poudres. Les cinq patrons présents au Conseil national école-économie outrés par cette initiative complètement contraire à leurs souhaits ont envoyé une lettre de démission conjointe à la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem. Ces cinq patrons très représentatifs du patronat : Michel Pébereau (ex-BNP Paribas), Xavier Huillard (Vinci), Henri Lachemann (ex-Scheider Electric, vice-président du Comité), Françoise GRI (DG Pierre et Vacances, exPdg IBM et Manpower) et Jean-Pierre Boisivon (Président du conseil d'orientation et de réflexion de l'assurance (CORA), ex DG de l’Essec…) avaient dans un premier temps mis en garde la Ministre en saisissant l’Académie des Sciences morales et politiques. (dont la section économique comprend le Prix Nobel Jean Tirole qui avait d’ailleurs écrit une motion « contre l’appauvrissement du programme de Sciences économiques »)

Au préalable, Xavier Huillard, président de l’Institut de l’Entreprise, a fait pression via une chronique assez « salée » dans Le Figaro…pour essayer de faire réagir notre chère ministre. Aucune réaction, bien au contraire. L’arrêté modifiant l’article 5 supprimant le thème, est publié en fin d’été. Pire encore, pour marquer sa désapprobation, elle a annulé sa participation aux « Entretiens enseignants-entreprise » habituels de fin août et pour compléter le tout, le refus à Henri Lachmann, par les services du ministère, de la mise à disposition d’un rapporteur pour une mission sur le doublement du nombre d’apprentis ! Pourquoi ces démissions fracassantes ?

L’origine de ce rejet est venue d’une proposition de l’APSES (Association des Professeurs d’Economie, très à gauche) de supprimer le module obligatoire d’enseignement de l’économie, « étude du marché ». Ces trois mots paraissent insignifiants mais ils font disparaitre le chapitre 5, l’un des rouages principaux de l’économie de marché. Cette étude était essentielle parce qu’elle porte sur la connaissance du système d’économie de marché qui s’est imposé partout dans le monde, à l’exception de la Corée du Nord. C’est sous le gouvernement Sarkozy que le ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel, a rendu obligatoire l’initiation aux sciences économiques et sociales en seconde. Cet enseignement comportait cinq modules :
1. les ménages et la consommation
2. la production et les entreprises
3. la formation et l’emploi
4. les individus et les cultures
5. les mécanismes de marché.

L’économie de marché, c’est la connaissance de la formation des prix, de l’offre et de la demande, de la concurrence, des ressorts de cette concurrence, de son histoire et de ses limites. C’était sans doute le chapitre obligatoire le plus important pour comprendre l’époque dans laquelle nous sommes immergés. Les griefs évoqués : Les élèves n’étaient pas intéressés, programme soit disant trop lourd, professeurs de sciences économiques et sociales trop débordés ! Il semble que ce programme était perçu par les professeurs comme trop libéral par rapport à une idéologie de l’économie plus centralisée. La ministre a même évoqué que les professeurs n’arrivaient à faire « passer » que 10% du programme !

Du coup, pour les élèves des lycées, l’économie sera très simple. Celle-ci se résumera au rôle de l’Etat ou presque. Les entreprises ne sont plus prises en compte. Cette étude va devenir facultative, autant dire que les profs et les élèves la négligeront complètement. Les chefs d’entreprise sont furieux. Ils pensent que rien n’est fait pour que les jeunes aiment l’entreprise. Ces jeunes devenus adultes n’ayant pas été imprégnés d’économie, de connaissances de l’entreprise auront un fort désintérêt et même du rejet pour tout ce qui a trait au patronat, à l’économie et même par transposition, à la finance. Comment s’étonner que la majorité des jeunes Français souhaitent devenir fonctionnaires !

Notre ministre de l’éducation n’est pas la seule à avoir pris des décisions très controversées aujourd’hui. Sous prétexte de vouloir mieux orienter la jeunesse et laisser une plus grande liberté aux enseignants, parents, jeunes ; les âges de sélection ont été fortement reculés ainsi que celui de l’enseignement obligatoire. C’est comme cela que l’apprentissage ne commence plus qu’à 16 ans, que les collèges techniques ont supprimé les cours d’atelier qui débutaient en 6ème. Et oui, les ENP (Ecoles Nationales Professionnelles) pourtant très réputées et sublimées par les entreprises, ont vu les cours d’atelier reculer en âge, avec des ateliers beaucoup plus restreints et des horaires très nettement diminués.

Personnellement, je suis passé par cette filière, avec des cours de menuiserie, de mécanique à partir de la 6ème, puis à partir de la 4ème, sur toutes les machines : tour, étau limeur, fraiseuse, perceuse ; en fonderie, forge, soudure, tôlerie, dessin industriel, avec des horaires qui allaient de 40 à 44 heures par semaine, des classes de plus de 40 élèves. En terminal, nous avions jusqu’à 22 heures d’atelier. Alors ne vous étonnez pas que les Français n’aiment pas l’entreprise, sachant que la majorité du corps enseignant n’a jamais mis les pieds dans une entreprise. Comment encore ne pas être surpris que le débat à l’intérieur de l’entreprise soit idéologique et si loin des contraintes pratiques !

Tous les économistes qui ont fait de leur métier une vraie matière scientifique sont bouleversés, décontenancés, perplexes. Personnellement moi qui ai prôné auprès des ministres de l’éducation depuis des années pour la formation à l’économie, à la connaissance de l’entreprise dès la 6ème, pour toutes les classes scientifiques ou non, jusqu’en terminale et même après, même si ce n’était qu’une heure par semaine, je suis atterré !! C’est une décision politique, idéologique qui va complètement à l’encontre d’un projet socialiste qui se veut ouvert, intégrateur et élévateur du niveau de vie pour tous !

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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