L’Autorité de la concurrence sur tous les fronts en 2013

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Par Philippe Guibert Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

A la veille du renouvellement de son Collège prévu en mars 2014, l’Autorité de la concurrence clôt 2013 sur un bilan qui confirme encore une fois son dynamisme et sa volonté de surveiller et réguler un grand nombre de secteurs de notre économie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 240 décisions adoptées, dont 203 concernent les opérations de fusions et acquisitions, 19 sont liées à des pratiques anticoncurrentielles (cartels, abus de position dominante) et 21 sont des avis consultatifs rendus principalement à la demande du Gouvernement. Rappel des événements marquants de l’exercice écoulé :

Des sanctions record, mais un montant global en baisse

L’Autorité a de nouveau infligé des amendes importantes au titre des pratiques anticoncurrentielles, contre lesquelles elle lutte sans répit. Parmi celles-ci, six distributeurs de commodités chimiques (solvants, alcools, acides, javel, soude…) se sont vu imposer une amende de 79 millions € pour s’être répartis les clients, ainsi que s’être entendu sur leurs prix. EDF a été également condamné à hauteur de 13 millions € pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de l’électricité solaire.

Signalons qu’en décembre, l’Autorité a infligé une sanction de 4 millions € au célèbre groupe vinicole CASTEL, lequel avait procédé à une acquisition de sociétés sans la lui avoir notifiée préalablement. Il s’agit là d’une amende record pour ce type de pratiques, que l’Autorité a justifié par le fait que cette entreprise avait délibérément omis de lui soumettre l’opération en question.

En dépit de ces condamnations, le montant total des amendes infligées par l’Autorité en 2013 a toutefois fortement chuté par rapport aux années précédentes : 160,5 millions € contre 560,5 millions € en 2012. Il faut même remonter à l’année 2006 pour retrouver un montant aussi faible (128,2 millions €). Cette chute s’explique plus par le hasard du calendrier procédural - les instructions de plusieurs grands cartels étant toujours en cours - que par une volonté de mansuétude du gendarme de la rue de l’Echelle…

L’industrie pharmaceutique sous microscope

L’industrie pharmaceutique a fait l’objet d’une attention toute particulière cette année.

L’Autorité a, en effet, sanctionné deux laboratoires pour avoir entravé le développement des génériques en concurrence avec certains de leurs médicaments « princeps ». En mai, elle a ainsi infligé à Sanofi-Aventis une amende de 40,6 millions € pour avoir mis en place une stratégie de dénigrement, auprès des médecins et pharmaciens, destinée à freiner le développement des génériques du Plavix. En décembre, elle a réitéré sa doctrine, en sanctionnant Schering-Plough à hauteur de 16 millions € pour des pratiques proches, concernant cette fois le Subutex et ses génériques.

En avril, l’Autorité a également rendu un avis défavorable sur un projet d’arrêté du Gouvernement visant à déterminer des « bonnes pratiques » de dispensation des médicaments par voie électronique. Elle a considéré que ce projet limiterait le développement de la vente en ligne de médicaments par les pharmaciens français, sans que cela ne soit nécessairement justifié par des considérations de santé.

Enfin, le 19 décembre, l’Autorité a rendu son avis sur le secteur pharmaceutique, lequel a fait couler beaucoup d’encre... Elle s’y est notamment prononcée en faveur des importations parallèles de médicaments à l'intérieur de l'Union européenne, ainsi que du regroupement des distributeurs et pharmaciens (notamment au sein de centrales d’achat) afin de constituer un contre-pouvoir crédible face aux laboratoires. L’Autorité y a enfin indiqué qu’il fallait renforcer la concurrence au niveau des ventes au détail, en recourant notamment à la vente en ligne ou en grandes surfaces de certains produits d’automédication, déclenchant ainsi l’ire des pharmaciens d’officine… et accessoirement du Ministre de la Santé, qui s’est immédiatement déclaré opposé à cette dernière proposition.

La distribution alimentaire à Paris

En matière de contrôle des concentrations, 2013 a été marqué par la décision autorisant le rachat par Casino de la totalité du capital de Monoprix, sous réserve de l’engagement de Casino de céder 58 magasins, dont 55 à Paris. Cette décision intervenait 18 mois après son avis, dans lequel elle avait déjà stigmatisé la concentration de la distribution alimentaire à Paris intra muros entre les mains du groupe Casino, et avait réclamé au législateur un pouvoir d’injonction structurelle, lui permettant d’ordonner à une entreprise de céder des actifs en dehors d’une opération de concentration (pouvoir que l’Autorité a par ailleurs obtenu pour les DOM TOM).

Canal +, les taxis et l’agro-alimentaire : quelques affaires à suivre en 2014…

Les déboires de Canal+ en matière de concentration continuent… Après le retrait, en 2011, de l’autorisation du rachat de TPS par Canal+ par l’Autorité, c’est le Conseil d’Etat qui, cette fois, a annulé en décembre dernier (essentiellement pour des motifs procéduraux) la décision de l’Autorité, qui avait approuvé le rachat de Direct 8 et Direct Star en 2012. Nouvelle décision de l’Autorité attendue en 2014... Signalons également l’avis défavorable, émis fin 2013, par l’Autorité sur un projet de décret, soumettant les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) à un délai de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge d’un client, soulevant ainsi une nouvelle tempête médiatique. Selon elle, ce projet introduisait une distorsion de concurrence injustifiée vis-à-vis des taxis – ce qui n’a pas empêché le gouvernement d’adopter le décret en question le 27 décembre… Certaines sociétés de VTC ont aussitôt annoncé qu’elles attaqueraient ce décret devant le Conseil d’Etat. Enfin, mentionnons que la presse s’est déjà fait l’écho de décisions importantes attendues pour 2014 dans le secteur agro-alimentaire, susceptibles de contrarier fortement le monde agricole…

Bref, on le voit, le gendarme de la concurrence a été omniprésent en 2013, se plaçant au cœur de l’activité économique pour protéger « toujours mieux » les consommateurs. Gageons que le nouveau Collège de l’Autorité s’armera de la même énergie pour 2014.

Pierre Galmiche, élève avocat travaillant avec Philippe Guibert, a collaboré dans la rédaction de cet article.

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Philippe Guibert intervient principalement en droits français et communautaire de la concurrence, droit de la distribution et de la consommation. Son activité inclut plus particulièrement la pratique du contrôle des concentrations, du contentieux devant les autorités de concurrence et des aides d’Etat. Avocat au Barreau de Paris depuis 1994, il est diplômé du King’s College de Londres (1993) et titulaire d’un DESS de droit du Marché commun de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne (1991). Il a exercé au sein des cabinets Coudert Frères (1994-2000) et Norton Rose (2000-2004) à Londres et Paris, avant de rejoindre De Pardieu Brocas Maffei en 2004 en qualité d’associé. En tant que membre de l’AFEC et de l’Association des Avocats Pratiquant le Droit de la Concurrence (APDC), Philippe Guibert participe régulièrement aux travaux relatifs aux modifications législatives ou réglementaires touchant la régulation de la concurrence. Il est également l’auteur de nombreux articles sur le droit communautaire ou national de la concurrence. Philippe Guibert a, en outre, été Chargé d’enseignement à l’Université de Paris IX Dauphine en droit de la concurrence, de la consommation et de la distribution de 1998 à 2003. Philippe Guibert est l’auteur de nombreuses publications sur le droit de la concurrence. Il a récemment publié un article, co-rédigé avec Pauline Patat, sur "L'imputabilité du comportement anti-concurrentiel d'une filiale dont la totalité du capital est détenue par sa société mère, encore et toujours...", Revue Lamy de la Concurrence n°28.

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