Julien Odoul voilé aurait été aperçu à Glasgow

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Par Philippe Bapt Modifié le 17 octobre 2019 à 2h06
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40Le contenu visuel est 40 fois plus susceptible d'être partagé sur les réseaux sociaux que tout autre.

82% du trafic Internet mondial proviendra de vidéos demain, en 2021

Depuis mon dernier billet, que d’actualités brûlantes. Le décès du président Chirac, l’accident industriel de l’usine de Rouen, Zemmour et la convention de la droite, l’attentat à la préfecture de Police de Paris, la vraie fausse arrestation à Glasgow de Xavier Dupont de Ligonnès, l’attaque turque contre les kurdes et l’éternel soap opera du Brexit.

Farce et furious

Le temps long, celui de la réflexion, de l’information recoupée, analysée rentre en choc frontal avec celui court, très court des réactions sur les réseaux sociaux. Certes. Chacun y participe à sa manière ; que n’a-t-on pas vu des anonymes à plus illustre se prenant en selfie devant le cercueil de feu Jacques Chirac ?

Si jacques Chirac avait pu répondre peut-être eut-il dit « ça m’en touche une sans faire bouger l’autre »…. Plus sûrement eut-il déclaré que cela lui paraît une pratique « abracadabrantesque ».

L’indécence, de nos jours, est de prouver ce que l’on ressent ou vit, et les mots ne suffisent plus. Vite partager….instagram, snapchat ou facebook…. En mode « j’y étais » ! Quelle place pour la finesse, la pensée ? Le contenu visuel est 40 fois plus susceptible d’être partagé sur les réseaux sociaux que tout autre : « les tweets avec images reçoivent 18% de clics de plus que les tweets sans image, alors que les mises à jour de statut Facebook avec des images obtiennent 2,3 fois plus d’engagement que celles sans images » (https://www.alioze.com/chiffres-web), et l’outil, smartphone, est accessible à tous, tout se trouve réunit pour cette folle frénésie.

Peut-on cependant tout se permettre en tant que citoyen ? La limite est depuis longtemps franchie ; n’a-t-on pas réagi devant des vidéos de gamins s’affrontant diffusées sur le net ? De professeur agressé avec arme et filmée ? Et j’en passe. L’emballement, la sur-réactivité, le besoin de faire du bruit -le buzz- correspond comme l’écrit Stéphane Madaule à un besoin « […] comme on dit d’avoir une actualité ». Car le seul critère qui vaille de nos jours est le nombre de clics, de like ou de partages. Ces révélations, du petit compte twitter qui cherche à acquérir des abonnés à celle ou celui qui est en perte de vitesse sur les réseaux sociaux, se veulent extraordinaires, sensationnelles et font appel à notre cerveau non reptilien mais limbique, celui des émotions…surtout pas à la partie corticale de notre cervelle, siège de l’analyse.

Et d’emballement, il en a été question lors de chaque sujet d’actualité évoqué en introduction. Et particulièrement de la part de professionnels de la communication : médias et politiques !

Il n’y a bien que le Brexit qui résiste …. En durant, durant, durant encore, ne donnant ainsi que peu de prises à la sur réaction. Enfin presqu’un bon point à nos amis d’Outre-Manche !

Le ministre de l’intérieur Christophe Castaner s’est fourvoyé en parlant trop vite à la presse. Les réseaux sociaux ont fourmillé de fake vidéos. L’accident industriel de l’entreprise Lubrizol a suscité beaucoup trop de réactions incontrôlées relayées même par les médias plus traditionnels. Michel Audiard, bien avant les réseaux sociaux digitaux, était précurseur en déclarant: « C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule. » Concernant les journalistes, l’affaire du vrai faux Xavier Dupont de Ligonnès a relevé du grand n’importe quoi ! La farce était furieuse c’est le moins qu’on puisse constater. Pas moins d’une vingtaine de Unes de journaux consacrées à cette méprise dès le lendemain. La classe médiatique s’est vautrée sans vergogne dans l’infâme, le nul et sans humilité allant jusqu’à le nom, l’âge et la ville de résidence du vieux monsieur pris pour le fugitif ! Coluche dans son sketch de 1980 évoquait ce besoin irrépressible des journalistes à parler sans réel fond : « Quand un journaliste n’en sait pas plus que ça, il devrait être autorisé à fermer sa gu… ! » en était la phrase de conclusion. Près de 40 ans plus tard on en est toujours là.

La crise de la presse écrite a bon dos ! Le sérieux et l’emballement médiatique est régulièrement rappelé. Déjà avant internet, en 2002, un homme avait été accusé à tort, monsieur Besseghir, d’être un terroriste par….la presse, avant d’être démentie par voie de justice même.

Mais à peine ces évènements terminés, arrive le coup médiatique du sieur Odoul.

Le fond, la brute et…le climat

Julien Odoul, élu régional de Bourgogne-Franche Comté, a bien préparé son coup…médiatique, vendredi 11 octobre. Le fond est simple. Une maman accompagnatrice scolaire s’est présentée dans le public du conseil régional affublée d’un voile. Problème pour cet élu nationaliste : utilisant des arguments de laïcité contre elle comme arme et non comme bouclier protecteur de tous, Julien Odoul a souhaité le retrait de son voile et a fait filmer son intervention et diffuser ensuite sur les…réseaux sociaux. Sans compter l’agression verbale qui s’en est suivie dans l’enceinte du conseil régional, rapportée par un élue, madame Ferrari : une élue régionale nationaliste s’en est pris à la mère voilée en ces termes : “Vous êtes soumise, vous allez voir, quand les Russes vont arriver, vous allez dégager !”

Les leçons du passé proche retenue ? Vous pensez !

Toutes les chaînes d’informations en continue invitent sur tous les plateaux cet élu qui sous couvert de République, se fout du cadre juridique qui la régit ! Il peut à loisir déverser sa haine populiste envers les musulmans puisqu’il mélange allègrement croyants musulmans et terroristes islamistes, l’amalgame comme d’habitude.

Son comportement, calculé, ne l’effraie pas. Sa brutalité non plus. En effet, il fait les gros titres depuis, et est invité partout. Le buzz avant tout !

Un comportement « brutus » (cf éthymologie lourd, pesant, stupide) est au final payant car exploitable médiatiquement, voilà qui est bien triste.

Il faut admettre que lorsqu’on se sent « dégoûté » par la tenue d’une exposition contre le racisme au sein du conseil régional, qui mettait à l’honneur Martin Luther King, on voit le niveau.

Bref, le climat est extrêmement délétère. Les brèches juridiques qu’aucun politique ne veut prendre à bras le corps concernant la loi de 1905, la laïcité ce quatrième pilier de notre République permet aux uns de faire n’importe quoi et aux autres de se victimiser. Que vois je sur LCI, mardi 15 octobre : sans arrêt un communiqué du CCIF, dont chacun peut à loisir savourer le respect à géométrie variable des valeurs républicaines. Cette dépêche relate le « témoignage » de la mère de famille qui affirme avoir désormais une «  vie dévastée » et avoir « une opinion négative de ce qu’on appelle la République. » Là on touche le fond !

Le climat voulu par les extrêmes est à ce point difficile qu’il est amplifié par nos chers et tendres médias. Seuls responsables ? Non, mais la responsabilité leur en incombe pleinement lorsqu’ils donnent un si grand écho à une situation qui relève au mieux de la justice….quand ils ne se targuent pas de la « rendre » eux-mêmes !

Faut-il rappeler la « Charte d’éthique professionnelle des journalistes » SNJ, 1918/38/2011 ?

[…] C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom :

• Prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, même anonymes ;

• Respecte la dignité des personnes et la présomption d’innocence ;

• Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ;

• Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent ;

• Dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu’il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte. […]

Et tant pis si la confrontation/concurrence avec les news lues sur les réseaux sociaux est inégale.

Non, le temps de la réflexion, de « la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité » n’est pas honteux !

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Philippe BAPT est un communicant. Diplômé de Novancia Business School en management marketing digital et événementiel, il exerce sa passion comme chargé de communication et consultant chargé de projets. Sa seconde passion la « chose publique » l’amène très tôt dans le champ associatif : social, culturel et sportif. Puis il sera élu local d’une commune de la première couronne de la ville rose de 2008 à 2014. Président de club de rugby, puis d’un groupement d’employeurs et administrateur d’un théâtre-centre culturel, ces différents postes lui confèrent  une expertise dans ces domaines. Retiré du strict jeu politique, il n’en demeure pas moins attentif à l’évolution de l’actualité et devient éditorialiste dans divers médias locaux et régionaux, dès la rentrée 2014. Ses sujets de prédilection : le « jeu » politique, les répercussions économiques et sociales, la recomposition du paysage politique français. 

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