Crise : Les marchés ont de nouveau les yeux rivés sur l’Italie

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Par Paola Monperrus Veroni Modifié le 15 janvier 2013 à 6h04

L’année 2013 débute avec une attention renouvelée des investisseurs envers l’Italie. La fin prématurée de la législature et la démission de Mario Monti suite à la perte du soutien du parti de Berlusconi ne font qu’anticiper d’un mois l’échéance électorale, avec pour conséquence une campagne plus courte et donc plus musclée, mais aussi une dissipation plus rapide de l’incertitude.

Les marchés n’ont presque pas cillé aux évènements avec une prime de risque quasiment inchangée, voire en baisse en dessous des 300 points de base. Certes les observateurs avaient déjà anticipé l’incertitude liée à l’approche de l’échéance électorale, mais il est vrai aussi que la candidature de Berlusconi et ensuite de Monti ne modifient que marginalement les forces en jeu. Et il semblerait que les investisseurs jugent un gouvernement politique, fondé sur un large consensus populaire (préféré par 55 % des électeurs selon un récent sondage) plus stable qu’un gouvernement technocrate reposant sur une majorité trop hétérogène.

Mais l’accalmie sur les marchés témoigne surtout de l’importance de la protection offerte par l’engagement de la BCE à tout faire pour sauvegarder la zone euro et du fait que la contrainte européenne, gravée dans la Constitution, et la conditionnalité imposée par les marchés sont à ce jour intégrées par les partis susceptibles d’exercer le pouvoir lors de la prochaine législature. L'agenda de réformes de Monti, indépendamment de la participation du Professeur au prochain gouvernement, sera forcément appliqué par le prochain gouvernement.

Et une fois les primes de risque sous contrôle, l’attention des investisseurs se tourne vers la croissance. Car l’Italie inscrira l’année 2013 comme la sixième dans sa comptabilité de crise. La pression sur les comptes publics a obligé à des choix douloureux. Les réformes du gouvernement Monti (redressement des comptes publics, réforme des retraites, du marché du travail, libéralisation des professions protégées) ont certes contribué à stabiliser les anticipations mais elles ont aussi eu un prix, celui de la pire récession connue dans l’après-guerre après celle de 2008-2009. Après cinq trimestres de récession, le PIB a retrouvé au troisième trimestre 2012 son niveau de 2001 et a effacé les résultats d’une décennie de croissance et de participation à l’Union monétaire. Le revenu par habitant a fait pire, ayant reculé au niveau de 1997.

Certes l’Italie présente des atouts qui lui permettent d’exclure une dynamique récessive prolongée comme on peut l’observer dans la périphérie. La valeur ajoutée créée par son industrie, la deuxième en Zone euro après l’Allemagne, lui permet de profiter d’une demande encore dynamique en Asie et aux Etats-Unis. Si la perte de parts de marché en volume a été importante au cours de la dernière décennie, l’industrie italienne a su pratiquer une montée en gamme qui lui permet de vendre à un prix unitaire plus élevé. Le taux d’endettement des entreprises est inférieur à la moyenne de la zone euro. Les ménages quant-à-eux sont également moins endettés qu’en France et présentent un patrimoine parmi les plus élevés en Europe (6,3 fois le PIB). Les ajustements bilanciels sont donc sans commune mesure avec ceux en place dans les pays de la périphérie.

Mais une évolution démographique défavorable, des faibles gains de productivité et une ponction budgétaire importante réduisent le potentiel de croissance à moins de 1% par an pour la prochaine décennie. C’est cette faiblesse de la productivité, qui maintient une pression sur les marges des entreprises malgré des salaires réels en baisse. Recul de la rentabilité, hausse des charges financières, baisse de l’autofinancement, conditions d’emprunt tendues, maigres perspectives de demande, taux d’utilisation des capacités très faible : autant d’éléments qui ne permettent pas d’inscrire une reprise rapide de l’accumulation de capital en dépit d’un taux d’investissement ayant atteint un nouveau creux.

Sous l’effet de la remontée du taux de chômage (11 %), d’une ponction fiscale exceptionnelle et de la baisse des salaires réels, le pouvoir d’achat des ménages a baissé de 9 % depuis 2008 et ne suffit plus à financer la consommation. Les ménages puisent de plus en plus dans leur épargne et n’ont plus les moyens d’accroître leur patrimoine. Il en résulte une baisse de 20% des transactions immobilières en 2012, même si la résorption des excès d’offre sera moins brutale que dans la périphérie de l’UEM, car le marché immobilier n’a pas cumulé de véritable bulle.

C’est la crispation du marché du crédit qui empêche un véritable redémarrage de l’économie. La dégradation conjoncturelle de la qualité des actifs impose aux banques transalpines une remontée du coût du risque et une certaine difficulté de collecte contribue à limiter leur rentabilité. Pourtant le secteur bancaire présente aussi un endettement inférieur à la moyenne de la zone. Les principales banques ont réussi leur recapitalisation en faisant appel à leurs Fondations et une intervention publique en soutien du secteur de l’ordre de grandeur connue dans la périphérie n’est pas d’actualité.

Bien qu’ayant pratiqué une politique budgétaire parmi les plus vertueuses en Europe (respect de la règle de 3 % du déficit dès 2012), l’Italie restera sous la pression des marchés. L’impact négatif de la récession et les tensions sur les taux souverains retardent l’inflexion de la trajectoire de la dette. Formellement, le risque extrême pesant sur la liquidité de l’Italie est aujourd’hui écarté. Et l’habitude à l’austérité, qui a permis de dégager d’importants excédents primaires de façon quasi-ininterrompue depuis 1990, permet de croire au maintien de la rigueur indépendamment du résultat électoral. Le vrai défi est donc celui de relancer la croissance. Une équation difficile à résoudre dans un contexte où austérités budgétaire et salariale se combinent dans la zone euro et où la concurrence entre pays s’accentue pour profiter du seul élément de traction, la croissance hors zone euro.

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Paola Monperrus-Veroni est économiste senior à la Direction des études économiques du Groupe Crédit Agricole, en charge du suivi de la zone euro et des économies allemande et italienne. Elle est diplômée de la Paris School of Economics, de l’Université Catholique de Louvain, en Belgique et de l’Université Bocconi, en Italie. Elle a enseigné  à l’Université Paris IX-Dauphine, à l’ENSAE et à l’École Nationale d’Administration. Elle a rejoint le Groupe Crédit Agricole S.A. après avoir travaillé chez J.P. Morgan à Milan, à l’OCDE (Division de la Science, de la Technologie et de l’Industrie) et à l’OFCE (Département Analyse et Prévision) à Paris. Ses travaux incluent des articles dans des revues françaises et étrangères consacrés aux politiques budgétaires, aux questions de protection sociale et de croissance potentielle.    

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