Et pourquoi pas ! Pourquoi, après ces longs mois de galère, de confinements, reconfinements, saturation de la quasi-totalité des services de réanimation hospitaliers dans le monde, j’en passe et des pires, ne revivrions-nous pas l’équivalent version XXIème siècle des « roaring twenties » d’il y a 100 ans aux Etats-Unis ?
Au sortir de la Première Guerre Mondiale – et accessoirement d’une autre pandémie, celle de la grippe espagnole –, l’humanité vécut une belle période d’euphorie économique et boursière. Flambée des marchés actions, envolée de la production, montée en puissance de l’automobile, de l’électroménager et de la publicité, meilleure répartition du travail, le tout avec l’avènement simultané de la radio et du cinéma, d’abord muet puis parlant : ce fut un moment faste, certes assez peu abordé dans les manuels scolaires, mais qui peut jurer que l’Histoire ne se répétera pas ?
Des économistes américains ont en tout cas fait le parallèle et n’excluent pas un bis repetita. En toute transparence, je suis moi aussi assez séduit par ce scénario et sans aller jusqu’à parler d’alignement des planètes, je trouve qu’il y a tout de même de belles raisons d’y croire.
Effet rattrapage
Entre 1919 et le krach de 1929, les marchés financiers ont été ultra-bullish, avec une multiplication par cinq de la capitalisation boursière mondiale. D’accord, nous en sommes (encore) loin, mais ils sont actuellement dans une bonne dynamique, par-delà l’une ou l’autre phase de consolidation tout ce qu’il y a de plus logique. Entre les politiques monétaires ultra-accommodantes des banques centrales, qui ne ménagent pas leur peine pour éviter une nouvelle crise financière et abondent les marchés actions de liquidités, les politiques budgétaires extrêmement expansionnistes aujourd’hui déployées partout dans le monde pour relancer l’économie et des taux d’intérêts réels à zéro, force est de reconnaître que de nombreux éléments de premier plan sont réunis pour que les marchés actions poursuivent leur progression.
Par ailleurs, près de 450 Mds$ ont atterri sur les fonds actions en l’espace de cinq mois, une manne gigantesque, et je reçois au moins deux fois par semaine des coups de téléphone d’amis gérants qui me demandent si je n’ai pas une idée d’investissement dans l’univers des small et midcaps, mon domaine de prédilection. L’appétence et la volonté sont bien là, ce qui est extrêmement bon signe !
Maintenant, pour avoir une décennie d’années folles, il faut absolument un boum de la consommation, boum qui reste possible sachant que les ménages français ont épargné plus de 250 Mds€ depuis le début de la crise sanitaire et qu’au niveau mondial, l’épargne disponible atteint désormais 18% du PIB, le double de 2019. Que va-t-il advenir de cet argent ? Des foyers voudront garder une épargne de précaution, mais j’ai beaucoup de mal à croire que toutes ces économies ronronneront à la banque et crois en une sorte d’effet rattrapage. Le cas de Fnac Darty, qui a fait état de comptes annuels extrêmement solides malgré la dureté du contexte (NDLR : dans le détail, le chiffre d’affaires a augmenté de 0,6%, avec un bond de 55% des ventes en ligne que je crois très révélateur), montre en tout cas qu’il y a une vraie volonté de nos concitoyens de dépenser. Pour autant, c’est vrai, tout est ici affaire de psychologie.
Hausse des marchés, bonne dynamique de la consommation… Reste un troisième élément, lié au progrès technique. Car pour qu’on puisse rêver d’années folles, il faut un boum de l’emploi et de la productivité. De prime abord, cette évolution ne saute pas franchement aux yeux étant donné l’essor de la « gig economy » (voir par ailleurs), qui se traduit par une multiplication des emplois faiblement rétribués, peu qualifiés et donc peu riches en termes de productivité.
A l’aube d’une nouvelle révolution industrielle ?
Une étude récente du cabinet d’études McKinsey m’a toutefois interpellé. Je l’ai lue et, pour faire simple, l’idée directrice est que la numérisation et l’automatisation des entreprises vont entraîner un nouvel âge d’or pour l’économie mondiale, suivant ce qui s’était produit durant les Trente Glorieuses, une autre époque bénie.
Avec la spectaculaire poussée du télétravail, sans doute une tendance lourde de ces prochaines années, les entreprises devraient accélérer leur mue et se développer sur le web. Toujours d’après cette étude, les trois quarts des entreprises prévient un accroissement de leurs investissements technologiques au cours des cinq prochaines années, ce qui paraît plausible étant donné l’afflux des demandes que relatent les sociétés informatiques dans leurs publications.
Outre celui du home office, les essors de la 5G, de l’IoT (Internet des Objets) et de la cybersécurité montrent qu’un nouveau paradigme est en train d’émerger dans nos économies. Bien entendu, pour que tout fonctionne, il faut également investir dans la formation afin que nul ne soit laissé à l’écart du chemin… Une économie ne peut en effet pas se construire avec seulement un pan de la société qui se porte bien !
Il faut absolument que la productivité augmente pour que cette décennie qui a si mal débuté soit in fine une décennie d’années folles… tout en souhaitant que l’Histoire ne bégaie pas complètement.
Rappelez-vous en effet la crise de 1929 et l’avènement, à compter du début des années 1930, bien aidé par le marasme économique, de régimes de sinistre mémoire.
Nous n’en sommes pas là, mais devons être vigilants. Se prémunir contre les excès, tirer les bons enseignements de la crise que nous sommes en train de vivre – elle n’est pas terminée – pour en sortir par le haut, plus forts et grandis. L’humanité l’a déjà fait.
Elle peut le refaire.
Pour en savoir plus, rendez-vous ce vendredi 9 avril à 18h en direct pour la Web-Conférence exceptionnelle des Publications Agora « Après la pluie vient le beau temps ? »
J’y interviendrai en compagnie de 4 autres experts, parmi lesquels Philippe Béchade et Arthur Toce, pour vous donner plus de détails sur les perspectives Post-Covid et pour répondre à vos questions en live.