Le point sur le formidable essor des valeurs technologiques

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Par Stéphane Monier Publié le 20 août 2020 à 6h30
Tendance Croissance Sp500 Marche Action Bourse
@shutter - © Economie Matin
2,5%Cette année, la croissance du BPA du secteur technologique est estimée à +2,5%.

La récession actuelle ne semble pas avoir pesé sur les entreprises du secteur technologique. Elles ont progressé à travers les pires crises économiques du siècle dernier, défiant les prévisions de leur disparition et stimulant les indices actions globalement. Aujourd'hui, la plupart des investisseurs détiennent déjà de nombreux titres du secteur ; nous pensons qu'il existe encore des opportunités à explorer sur les marchés privés.

Les valeurs technologiques continuent à défier les lois de la gravité. Avec le secteur de la santé, les technologies pourraient afficher la plus importante croissance du bénéfice par action (BPA) en 2021. Cette année, la croissance du BPA du secteur technologique est estimée à +2,5%, selon Datastream, tandis que celle de l'indice MSCI World devrait enregistrer un recul de -20,4%.

L'indice S&P 500 équipondéré (poids de tous les titres qui le composent égal à 0.2%) était en baisse de 4.1% au 14 août 2020, tandis que l'indice S&P 500 affichait une progression de 4.4%. Des chiffres qui témoignent de l'incroyable contribution des cinq géants qui représentent actuellement 23% du S&P 500 : Apple Inc., Microsoft, Amazon Inc., Alphabet Inc. et Facebook. Les valeurs technologiques dans leur ensemble, y compris les entreprises qui appartiennent aux secteurs des médias interactifs, de l'Internet et du marketing direct, représentent 38,5 % de l'indice MSCI USA, 8,9 % du MSCI Europe et 48,2 % du MSCI Chine, ce qui fait des investisseurs passifs de grands détenteurs de titres technologiques.

Les géants technologiques regorgent de liquidités, même six mois après le début de la crise. Les cinq plus grandes capitalisations détiennent ainsi plus de 550 milliards de dollars en cash. Ce qui leur permet d'investir pour acquérir leurs plus petits rivaux, d'augmenter leurs dividendes ou de procéder aux rachats d'actions tout en améliorant leur compétitivité. L'évolution du marché et la dépendance des Bourses à l'égard de ce secteur ont été rapides, même en comparaison avec la situation d'il y a dix ans.

En 2010, parmi les dix plus grandes entreprises du monde en matière de capitalisation boursière, seules deux étaient des firmes technologiques. Aujourd'hui, le secteur y comptabilise sept représentantes, dont deux d'entre elles, à savoir Alibaba et Tencent, sont chinoises. En juillet 2019, la Chine a lancé un nouvel indice technologique, baptisé « Star Market », qui vient directement concurrencer le Nasdaq. Les trois plus importantes entreprises technologiques chinoises, dont Baidu fait aussi partie, possèdent une capitalisation boursière de 1'360 milliards de dollars, que l'on peut mettre en perspective avec les 6'880 milliards des géants américains.

Toutefois, les investisseurs se demandent à juste titre si les valorisations actuelles, au plus haut depuis dix ans, sont soutenables. Le ratio cours/bénéfice des actions technologiques est estimé à 26 fois les bénéfices en 2021. En comparaison, celui de l'indice MSCI World devrait représenter 18,8 fois les bénéfices en 2021. A court terme, les résultats publiés récemment ont été rassurants. Ils ont fait ressortir la puissance des cinq géants américains, alors que la demande pour leurs produits et services a augmenté pendant la période du confinement. La pandémie de Covid-19 a accéléré les tendances de consommation. Ces entreprises fournissent des technologies tellement essentielles à notre vie quotidienne, offrant ainsi des opportunités de croissance structurelle aux investisseurs, qu'il est plus difficile que jamais d'imaginer un portefeuille sans elles.

Rivalités géopolitiques et réglementation

Traditionnellement, pour les investisseurs, le risque provient de la tendance des politiques à vouloir s'attaquer à l'absence supposée de concurrence au sein du secteur technologique. Les réglementations anti-trust aux États-Unis et dans l'Union européenne tentent de maîtriser la manière dont une grande partie de ces sociétés opèrent, leurs modèles d'affaires et leurs bénéfices.

Avant les élections présidentielles américaines du 3 novembre prochain, on verra sans aucun doute se multiplier les débats politiques portant sur la manière de contenir la domination des géants technologiques. Le 29 juillet dernier, la commission judiciaire antitrust de la Chambre des représentants a auditionné les dirigeants d'Amazon, Apple, Google et Facebook. Ces auditions, censées examiner si ces entreprises abusaient de leur position dominante, ont dévié pour tourner autour de la question de savoir si les plateformes de médias sociaux étouffent les convictions conservatrices.

A long terme, il est difficile d'imaginer que les politiciens américains paralysent leurs propres entreprises face au défi stratégique de la Chine. En effet, quelle que soit la couleur de la nouvelle administration américaine, les grandes sociétés possèdent la force de frappe nécessaire pour intensifier leur lobbying et influencer les nouvelles réglementations en adéquation avec leurs priorités. Dans un tel environnement, il est difficile d'imaginer une réglementation de portée significative, spécialement lorsque les législateurs sont conscients de l'enjeu que représente le leadership géopolitique entre la Chine et les États-Unis, tandis que la compétitivité des entreprises chinoises ne cesse d'augmenter.

Le regain de méfiance entre la Chine et les Etats-Unis et les poussées protectionnistes pourraient amener les deux superpuissances vers une recherche de solutions technologiques distinctes. Cela pourrait conduire à des développements séparés dans des secteurs tels que la vente au détail en ligne, l'intelligence artificielle et les infrastructures.

Opportunités sur les marchés privés

Une fois parvenus à la conclusion que les titres technologiques sont incontournables dans les portefeuilles, la question est de savoir comment accéder au mieux à leur performance. Nous pensons que les marchés privés présentent des opportunités qui viennent s'ajouter aux investissements traditionnels, permettant de créer de la valeur supplémentaire. Ces dernières années, le marché des introductions en Bourse (IPO) a perdu de son attrait auprès des entreprises qui doivent divulguer plus de renseignements financiers et auprès des investisseurs confrontés à un environnement de faibles rendements.

Un certain nombre d'entreprises, y compris Facebook, Dropbox et Pinterest, ne sont devenues publiques qu'après avoir attiré avec succès du capital-risque pendant plusieurs années. Tandis qu'il existe encore pour elles des opportunités de croissance sur les marchés publics, la plus grande partie de la création de valeur a déjà été captée par les investisseurs sur le marché non coté, du fait que ces entreprises sont restées privées plus longtemps.

Les investissements sur les marchés privés, y compris les fonds de capital-risque, peuvent fournir aux investisseurs un accès aux entreprises technologiques qui ont choisi de ne pas s'inscrire à la cote officielle d'une Bourse, ou qui préfèrent une perspective à long terme et veulent éviter les contraintes imposées par la publication d'un rapport trimestriel. En 2019, le capital-risque est resté fortement concentré sur les États-Unis, où 116,7 milliards USD ont été investis, contre 62,5 milliards USD en Asie et 34,3 milliards USD en Europe[1]. Cependant, il convient de souligner que trois des plus importantes « licornes », entreprises privées dont la valeur dépasse les 1'000 milliards de dollars, sont chinoises.

Les marchés privés offrent aussi aux investisseurs des opportunités dans les firmes technologiques, qui vont de l'Internet des objets aux véhicules autonomes, en passant par les logiciels et le « cloud computing » qui bouleversent les secteurs traditionnels. Toutes ces technologies continueront à changer la manière dont nous interagissons, nous déplaçons et consommons des biens, des services et des données, offrant des opportunités de croissance aux investisseurs agiles.

1] 1 Source: 2019 State of European Tech report https://2019.stateofeuropeantech.com

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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