Investissements ESG : la clé de la politique climatique

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Par Kate Solovieva Modifié le 23 mars 2023 à 10h08
Climat Affaire Emploi Septembre 1
@shutter - © Economie Matin
1861 MILLIARDS €Les encours ESG avaient atteint 1.861 milliards d'euros fin 2019.

Le changement climatique et les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sont à tous les agendas politiques, y compris la présidentielle 2022 de la France. Ces trois grands domaines d’intérêt des investisseurs, dits « socialement responsables », fondent leurs investissements sur leurs valeurs et préoccupations, et non uniquement sur la base des opportunités ou des risques.

De ce fait, il est dans l’intérêt des gouvernements d’informer ces acteurs sur les enjeux du changement climatique - notamment les élévations catastrophiques du niveau de la mer, les phénomènes météorologiques extrêmes et les pénuries alimentaires - pour encourager les investissements durables dans la région.

En mars 2021, la norme européenne de divulgation des informations ESG pour l’ensemble des acteurs du marché financier (SFDR) est entrée en vigueur pour inciter les entreprises à investir de manière durable. Cette mesure, le plus vaste instrument réglementaire à ce jour, vise à mettre les questions ESG au même niveau que les indicateurs de risque financier traditionnels. En outre, l’Union européenne a également contribué à la mise en place d’un système financier de soutien de la croissance durable (Commission européenne : 2021) ; en orientant les actionnaires vers des investissements ESG, elle aspira à atteindre ses objectifs politiques du pacte vert et tendre vers une économie résistante aux aléas climatiques et plus respectueuse de l’environnement. De même, ces financements durables garantiront la résilience et la reprise de l’économie au lendemain de la pandémie de COVID-19 et de ses conséquences.

L’essor des thématiques liées à l’ESG et leur impact

L’état actuel du secteur financier mondial, combiné aux nombreuses prévisions financières publiées sur le fort potentiel de croissance de l’ESG témoignent de l’effet durable de cette tendance que PwC décrit comme une « opportunité d’investissement unique en son genre ». Ce constat se confirme également par le fait que malgré les effets de la pandémie, l’année 2020 a été une nouvelle année exceptionnelle pour les investissements dans les domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance, et cela devrait être également le cas en 2021. Krista Tukiainen, responsable de la recherche et du reporting de la Climate Bonds Initiative, s’attend d’ailleurs « à ce qu’un flux d’engagements du secteur financier en phase avec la COP26, davantage d’émissions vertes souveraines et une accélération des mesures politiques, y compris le programme d’obligations de l’UE, soient autant d’éléments qui stimuleront la croissance du marché vers une année 2021 record et un démarrage robuste au premier semestre 2022 ».

Pourtant, jusqu’à il y a environ trois ans, l’ESG n’était qu’une autre niche dans la gestion des fonds. Or, les actifs ESG mondiaux – y compris les mandats distincts ainsi que les fonds et autres instruments d’investissement – représenteraient aujourd’hui entre 30 et 40 000 milliards de dollars. De plus, au moins 1 600 investisseurs institutionnels, dont les actifs dépassent 70 000 milliards de dollars, soutiennent les PIR (principes pour l’investissement responsable) de l’ONU. Selon Bloomberg Intelligence, les actifs ESG mondiaux atteindront 53 000 milliards de dollars d’ici 2025. Au-delà de ces dotations émanant des investisseurs, le plus grand transfert intergénérationnel de richesses de l’histoire s’opère déjà : la génération des baby-boomers transmet ses actifs aux millennials. Le cabinet Cerulli Associates estime ainsi que 68 000 milliards de dollars seront transférés au cours des 25 prochaines années. Selon de nombreuses prévisions, les millennials pourrait donc devenir la génération la plus aisée de l’histoire, en raison de cette transmission de richesses ; ils sont aussi plus susceptibles d’être engagés dans la cause ESG que leurs parents, ce qui en fait des investisseurs plus enclins à soutenir les financements durables.

La France et l’Irlande leaders en matière de durabilité

Dans l’ensemble de l’UE, l’ESG revêt une importance prépondérante. Ainsi, la France est considérée comme un leader mondial en matière de finance durable et d’environnement. En 2015, elle a accueilli l’accord de Paris sur le changement climatique et a été le premier pays à imposer aux investisseurs de rendre compte de l’intégration ESG et des émissions de gaz à effet de serre. Elle détient également le troisième plus grand marché d’obligations vertes, derrière la Chine et les États-Unis. Dans une démarche pionnière en matière de durabilité, la France a introduit l’article 173-6 en 2015, qui a servi de précurseur au SFDR de l’UE, qui comprend également des mesures conformes au groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat (Taskforce on Climate-related Financial Disclosures – TCFD) et engage les autorités françaises à évaluer les risques liés au climat dans le secteur bancaire. En 2021, la France a confirmé sa réputation en matière d’innovation ESG, en étant le premier émetteur de financements verts, avec trois opérations totalisant 12,9 milliards de dollars et représentant plus de la moitié des émissions du segment. Il s’agit également du premier pays à créer des labels ESG pour les produits financiers, ce qui constitue désormais une activité centrale du plan d’action de l’UE sur le financement de la croissance durable.

L’Irlande place pour sa part la durabilité au cœur de sa stratégie de croissance, et le secteur irlandais des fonds se prépare à l’ère ESG qui se profile. Le pays s’est engagé à atteindre l’objectif « zéro émission » d’ici à 2050, s’alignant ainsi sur le plan d’action pour le climat et le pacte vert pour l’Europe. Selon son gouvernement, il s’agit également de la « législation la plus ambitieuse de ce type jamais adoptée dans un pays ». En outre, en tant que membre de l’UE, forte d’écosystèmes financiers et technologiques bien établis et d’un environnement hautement réglementé, l’Irlande jouit déjà d’une très solide réputation dans le secteur de la gestion d’actifs. De plus, compte tenu de l’attrait croissant des gestionnaires d’actifs à la recherche de meilleures options ESG et du fait que la plupart des fonds alternatifs internationaux sont actuellement domiciliés à l’étranger, l’Irlande pourrait très bien devenir la juridiction des fonds internationaux qui profitera le plus de ce boom des investissements ESG. L’importance du secteur des prestataires de services de fonds est également un atout : en avril 2021, les actifs des fonds administrés en Irlande ont atteint le chiffre record de 5 700 milliards d’euros et, le même mois, le total des actifs des fonds domiciliés en Irlande a également atteint le chiffre record de 3 500 milliards d’euros.

Par ailleurs, l’Irlande a dévoilé sa feuille de route nationale sur la finance durable lors de sa quatrième semaine annuelle sur le financement de l’action climatique, tenue en octobre. Elle prévoit notamment de créer un centre d’excellence international pour la finance durable, à la mi-2022, axé sur l’accélération du programme de financement durable au niveau des politiques, de la réglementation et du marché, afin de faciliter la transition vers une économie durable. Son développement est également soutenu par le Réseau des centres financiers pour le développement durable, créé par l’ONU, et sera renforcé par formations dédiées afin d’aider les professionnels de demain à relever le défi du changement climatique.

Dans le cadre de l’entrée en vigueur de la nouvelle législation SFDR, l’un des principaux objectifs des organisations en faveur d’un secteur financier durable reste le respect des conditions de l’accord de Paris de 2015 : zéro émission nette d’ici 2050. Toutefois, un réel changement au niveau macroéconomique repose sur une évolution de l’attitude des dirigeants politiques mondiaux à l’égard du changement climatique, en parallèle de l’essor financier de l’ESG. Cette nouvelle réglementation, leur permettra de montrer l’exemple en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, les entreprises qui intègreront ces pratiques durables à leurs stratégies, contribueront elles aussi au changement et au succès de la lutte pour le climat.

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Kate Solovieva est Vice President, Financial Services – Europe chez IDA Ireland

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