Les liens hypertextes vont-ils devenir payants? C’est ce qui pourrait ressortir du projet de directive européenne sur les droits d’auteur. Le sujet est technique, mais devrait avoir rapidement un impact puissant, s’il devait voir le jour, sur la façon de traiter l’information sur Internet.
Le droit d’auteur, ce serpent de mer
Depuis plusieurs années, la Commission Européenne tente de réglementer les questions de droit d’auteur, mises à mal par la révolution numérique. Les possibilités de duplication numérique sont en effet infinies et bouleversent le droit réservé aux auteurs dans le monde le production matérielle.
À titre d’exemple, Youtube permet de diffuser de façon simple n’importe quelle oeuvre musicale quand l’obligation de recourir à un support matériel limitait forcément cette duplication. Il en est de même pour la presse: l’invention du blog permet de produire de l’information sans limite, quand le support papier supposait des investissements considérables pour y parvenir.
En juillet 2012, le traité ACTA qui visait à réglementer les droits d’auteur au niveau mondial avait capoté, laissant le sujet vierge.
Le sophisme de la Commission Européenne
Obsédée par l’idée de transposer la logique des droits d’auteur (qui sont souvent des droits d’éditeur…) au monde numérique, la Commission Européenne utilise un sophisme discret. Elle part en effet du principe que les méthodes numériques de duplication coûtent moins cher que les méthodes traditionnelles et qu’elles doivent donc être sanctionnées. Mais elle oublie aussi dire que le droit d’auteur, et plus encore les droits de l’éditeur, se justifiaient par l’investissement nécessaire pour mettre l’oeuvre en production.
Avec le livre numérique, quelle est encore la légitimité de l’éditeur? du producteur de musique?
Comment Internet a changé la culture
En réalité, ce sont les conditions générales de production culturelle qui ont changé, et qui modifient en profondeur non seulement la façon dont les auteurs peuvent se rémunérer, mais la notion même d’auteur. Les technocrates de Bruxelles, au lieu de prendre le temps de tirer toutes les conséquences de ces mutations dont nous ne connaissons que le début, semblent très pressés de colmater les brèches pour sauver ce qui peut l’être encore de l’ancien monde.
Des dispositions inapplicables
Dans ces conditions, le projet de directive tel qu’il semble prendre forme, devrait s’attirer les foudres des internautes. Il prévoirait notamment de rendre payants les liens hypertextes:
La proposition la plus caricaturale est celle de créer un nouveau droit voisin au profit des éditeurs de presse, censé leur permettre d’obtenir une meilleure position face aux moteurs de recherche et autres agrégateurs de nouvelles. Cette approche a déjà été tentée en Allemagne et en Espagne, avec des résultats désastreux, mais la Commission persiste dans cette voie et va même encore plus loin avec un droit d’une durée de 20 ans, applicable au-delà des seuls moteurs de recherche, avec des interférences probables sur la liberté de faire des liens hypertexte.
Nous ne sommes pas prêts d’en voir le bout…
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog