Ou pourquoi les sociétés Internet bénéficient-elles d'une prime ?
L’effet "winner takes it all"
Une fois dépassé un certain seuil de part de marché, le leader devient vite dominant et irrattrapable comme le montre bien l'ultra domination de Google sur les moteurs de recherche. Il en est de même pour Facebook et LinkedIn sur les réseaux sociaux, consommateurs et professionnels respectivement. L'industrie des technologies de l'information a ceci de particulier qu'elle créé des situations où les barrières à l'entrée deviennent considérables.
Marges opérationnelles imbattables
Les sociétés Internet qui tirent leur revenue de la publicité génèrent de très belles marges, bien supérieures au monde du média. Elles sont d'une part en mesure de mieux monétiser leur audience compte tenu d'un ciblage ultra précis et de leur capacité à offrir une analyse fine des résultats de campagnes à leurs clients entreprise. D'autre part, les coûts sont bas car le contenu leur est gratuit puisqu'il est créé par les utilisateurs eux mêmes. Ainsi, par exemple, les marges opérationnelles de Google, 25%, et Facebook, 40%, battent à pleine couture celles de CBS, 16%.
Croissance insolente et trésorerie confortable
La croissance des sociétés Internet est forte : Facebook a cru de 58% en 2014, LinkedIn de 44%, Google de 19% ou encore TripAdvisor de 32%. Toutes choses égales par ailleurs, une société à forte croissance vaut plus qu'une société à faible croissance. Elles ont une trésorerie élevée. De fait, le PE devient vite plus attractif si l’on retire le cash. Par exemple, le PE hors cash de Google est de 17 contre un PE de 19 avec le cash.
Capacité à créer son propre marché
La valorisation dépend fortement des estimations des revenus futurs qui eux mêmes dépendent du marché adressable. Or il est souvent très difficile d'estimer un marché adressable dans le domaine Internet tant les acteurs ont cette capacité atypique de créer leur propre marché. Prenons l'exemple de LinkedIn. A l’origine, on évoquait le marché du recrutement, estimé à 10 md de dollars. La société a ajouté depuis deux autres marchés : une solution pour les commerciaux, un marché de 10 md USD et la publicité business-to-business (B2B), un marché de 50 md USD. D'un marché adressable initial de 10 md USD, LinkedIn est ainsi passé à un marché de 70 md USD. Le risque ici est de sous-estimer la taille du marché adressable, de considérer alors la société comme trop chère et ainsi de passer à côté d'une très belle opportunité : le cours a été multiplié par 5,6 depuis son introduction en bourse en mai 2011.
Multiple en baisse … mais cours en hausse
Les multiples de valorisation qui peuvent faire peur se réduisent au fur et à mesure que la société devient plus mature, et souvent plus lentement que la croissance de la société. Le résultat sur la durée est un multiple en baisse et un cours en forte hausse. Google avait ainsi un PE (12 prochains mois) de 65 en 2004. Son PE aujourd'hui est de 192, contre un PE de 18 pour le S&P500. Si on n’investissait pas alors même que le PE faisait de Google une valeur "très chère", on manquait l'opportunité d'investir dans un titre qui a été multiplié par 133 en 11 ans.