21 semaines pour se relever de la crise (extrait)

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Par Arnaud Marion Modifié le 22 août 2021 à 14h04
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@shutter - © Economie Matin

Innovation

Objectifs

- Faire le point de la stratégie d’innovation de l’entreprise.
- Déterminer si l’entreprise est innovante.
- Juger si les produits et services qu’elle offre le sont.
- Questionner la place de la R&D (recherche et développement) dans l’organisation de l’entreprise ?
- Analyser la différenciation des produits et services de l’entreprise par rapport aux concurrents en termes d’innovation ?

Parties prenantes

- Comité de direction, direction de la stratégie, direction de la R&D et de l’innovation, direction industrielle, direction de la communication.
- Conseils externes éventuellement.

Enjeux

Comprendre à quel niveau l’innovation doit se situer dans une entreprise (pour ne pas confondre innovation et invention) afin de se différencier, voire se démarquer, pour être choisis par les consommateurs.
La créativité de l’entreprise est un atout pour ne pas se laisser dépasser, aller de l’avant, faire mieux que les autres ou différemment, afin de répondre à un besoin spécifique. L’innovation ne peut pas être un processus sans stratégie : elle a un but, celui de répondre à un besoin du marché ou de créer le marché en étant le premier. À l’heure où les produits de tous sont disponibles sur les moteurs de recherche, le produit doit d’abord être trouvé puis préféré pour être choisi.
Innover, c’est savoir engager un processus d’amélioration continue qui permet à l’entreprise d’apprendre toujours à faire mieux, c’est aussi produire mieux, plus vite, moins cher, c’est améliorer la compétitivité. Innover, c’est aussi vendre mieux, avec une meilleure approche client, différenciante, donnant confiance.
L’innovation n’est pas que technologique ou technique, elle permet d’imaginer de nouveaux usages, et de nouveaux canaux de vente avec une réinvention du processus de mise sur le marché des produits et services de l’entreprise.

Retours d’expérience

Quand l’entreprise Darty avait lancé son « contrat de confiance », elle avait su innover car elle créait un lien dans la relation client et misait sur l’après-vente pour réaliser la vente : Darty, c’était le service, la livraison à bref délai, le service après-vente le même jour. C’était finalement un écosystème qui avait associé des services gratuits, mais aussi payants avec des garanties étendues.

Quand Reed Hastings, le fondateur de Netflix, décide en 2007 d’investir dans le streaming, il considère que son activité d’origine (la livraison de DVD à domicile) n’a pas d’avenir alors que le streaming est l’avenir. Il innove doublement : à la fois dans son cœur de métier qu’il transforme radicalement, mais également dans la nouvelle relation client pour que ceux-ci changent leurs habitudes. On est vraiment dans une innovation issue d’un processus de design thinking qui aboutit à une transformation du modèle vers le streaming, et à l’anticipation du mode de consommation, ce qui conduira ensuite Netflix à être le pionnier à investir massivement dans la production de contenu dès 2013.

Perspectives

Selon l’OCDE, « l’innovation est l’implémentation d’un nouveau produit ou d’un service, ou d’un nouveau processus avec un haut degré d’amélioration, ou d’un nouveau mode de commercialisation, ou une nouvelle organisation ». Cette définition est intéressante, car elle ne fait aucun lien direct entre innovation et invention ou innovation technologique. Cela montre bien que l’on peut innover à n’importe quel stade de la chaîne de valeur.

Innover, c’est se projeter dans un environnement concurrentiel. Productivité, croissance, développement, rentabilité sont des conséquences positives directes de l’innovation (les économistes parleraient d’externalités) et constituent donc une valeur ajoutée de long terme pour l’entreprise.

Votre réflexion sur l’innovation se fera dans la droite ligne de la synthèse de votre revue d’activité et de votre revue du marché : l’innovation se met au cœur de votre création de valeur et de votre positionnement sur votre marché.

Ne pas innover, c’est laisser la place aux concurrents, mais aussi à ceux qui savent faire mieux et qui peuvent ainsi entrer sur le marché du jour au lendemain avec une offre complètement différenciée. Le pire qui puisse arriver : que les autres innovent sur un marché où vous êtes le leader. Innover, c’est aussi savoir prendre des risques : « Si tu n’échoues pas de temps en temps, c’est le signe que tu ne fais rien de très innovant », dit Woody Allen ! L’innovation doit être un processus perpétuel pour essayer, tester, améliorer, lancer.

Et vous dans tout cela ?

Programme de la semaine

Votre objectif au moment où vous abordez le dernier quart de votre démarche est de placer l’innovation au cœur de l’entreprise et de sa stratégie et de positionner vos concurrents ou compétiteurs par rapport à cette démarche.

Quelle place a l’innovation dans votre création de valeur ? Comment voyez-vous l’innovation dans l’entreprise et à quel niveau de la chaîne de valeur ? sur les produits eux-mêmes ? autour des produits ? sur la façon de les vendre ? ou encore de les utiliser ?

Soit l’innovation est présente dans votre entreprise et vous n’aurez pas de mal pour la remettre dans votre feuille de route en enrichissant la démarche de toutes les questions à vous poser et de toutes les conclusions accumulées semaine après semaine.

Soit votre entreprise n’est pas innovante, alors vous devez réfléchir à la place que l’innovation pourrait avoir dans votre chaîne de valeur et surtout à quel endroit, sans oublier la chaîne de valeur globale du produit de bout en bout en intégrant l’amont et l’aval : l’enseignement de ces dernières années a toujours été que ceux qui innovaient étaient ceux qui captaient la valeur.

C’est là où il est nécessaire de regarder ce que font vos concurrents par rapport à vous. S’ils innovent, tant mieux, cela veut dire que vous aussi vous pouvez innover !

To Do List

- Lister les innovations de l’entreprise au cours des dernières années.
- Recenser les projets d’innovation en cours de développement.
- Inventorier les idées de développement.
- Reprendre les conclusions de la semaine consacrée au design thinking.

Méthodologie

Cadre

Le sujet est vaste et peut être abordé sous différents angles, et faire des généralités ne permet pas de s’adapter à la singularité de chaque entreprise. Notre démarche, ici, est d’initier une réflexion dans un cadre méthodologique pour ouvrir les réflexions et le débat en interne.

Vous devez développer un vocabulaire propre à l’innovation au sein d’une entreprise : créer, améliorer, favoriser, changer, tester, expérimenter, faire un retour d’expérience, partager etc. C’est une façon de positionner vos équipes par rapport à la démarche d’innovation. Votre but est de savoir à quel endroit vous devez placer l’innovation. Comme d’habitude, procédez par questions itératives.

Innovation dans les process

Souvent, une entreprise a de bons produits, mais n’est pas compétitive. Innover dans ses process industriels est une stratégie qui permet à l’entreprise de pouvoir affronter ses concurrents avec des produits eux-mêmes compétitifs. C’est un facteur d’amélioration de la productivité, de génération de valeur ajoutée, de qualité, voire d’un cadre plus approprié, pour développer de meilleurs produits.

L’innovation en amont est à favoriser : cela permet de moderniser, de rationaliser les flux, d’optimiser, de maximiser, d’avoir davantage de flexibilité, de robotiser et d’automatiser les postes à faible valeur ajoutée. Outre la création de valeur, l’innovation participe à l’amélioration des conditions de travail, directement et indirectement, et concentre ainsi les ressources humaines sur la valeur ajoutée produite, tout en évitant la pénibilité inutile.

Innovation dans les produits et services

Imaginer et développer de nouveaux produits et services, différents, différenciants, identitaires de la marque de l’entreprise et de son positionnement permet à l’entreprise de renouveler son offre à une époque où le client se lasse vite car il est inondé par tout ce qui est nouveau (faussement nouveau souvent) et par une multiplicité de produits et de marques.

Développer des services autour de son produit est aussi une innovation créatrice de valeur : c’est créer de la valeur avec ses propres clients et autour de son produit. C’est facturer de la livraison, des garanties étendues, de l’assistance, des abonnements, de la disponibilité immédiate… Ainsi, Nespresso a pour finalité de vendre des consommables (les capsules de café) que le client achètera régulièrement et non une machine.

Canal de distribution

Innover, c’est être créatif pour renforcer sa position concurrentielle sur le marché. Cela peut passer par le produit lui-même ou par le canal de commercialisation. Pendant la période de la pandémie de Covid-19, certains acteurs traditionnels se sont convertis au « click and collect » ou à la livraison à domicile : c’est une façon d’innover pour prendre des parts de marchés. On peut continuer à vendre à travers des revendeurs et vendre aussi via des plateformes ou encore son propre site si sa marque est suffisamment attirante : l’innovation est aussi dans la façon de vendre et de rendre accessible un produit, en développant une stratégie multicanale et en faisant converger les différents canaux de vente entre eux.

Innovation dans la relation client

La relation client s’est imposée au fil des années comme une différenciation majeure. On se rend à la Fnac parce que les vendeurs sont compétents, chez Darty parce que le service après-vente est performant, chez Total parce que la propreté et les services pratiques (gants, essuie-mains, brosse pour laver les pare-brise) sont au cœur de l’expérience client etc. Les exemples sont multiples. Avoir su développer une relation client, c’est avoir développé le « parce que » : c’est un facteur d’attractivité (« vous ne viendrez plus chez nous par hasard »), de choix délibéré et de fidélité.

Le système de visioconférence Zoom s’est imposé parce qu’il est simple, pas cher et de très bonne qualité. Nouveau venu au milieu des pionniers de la visio comme Cisco, Google, Messenger ou WhatsApp, Zoom est devenu le système de visioconférence des PME, TPE et des particuliers, à tel point que « on se fait un Zoom » est devenu une expression du langage commun des affaires : sa distinction tient à une expérience client simple, facile, pas chère, et à une expérience utilisateur d’une grande qualité et facilité.

Avoir une relation client performante, c’est innover, car c’est faire différemment des autres, c’est se différencier, c’est créer un lien différent avec le client. Nous sommes au début du règne de l’expérience utilisateur et de l’expérience client.

Innovation technologique

L’innovation technologique n’est plus une option aujourd’hui, les produits disparaissent vite, les marques aussi. On estime que plus 80% des entreprises peuvent disparaître sans que l’on s’en rende compte… Il n’y a pas d’innovation technologique sans recherche et développement et donc sans moyens dévolus à l’innovation. L’innovation technologique est l’aboutissement d’un processus, d’une recherche, d’une volonté et d’une stratégie. Les fintechs valent souvent davantage que les banques qui ne valent pas leurs fonds propres, Tesla vaut autant que tous ses concurrents en produisant 400.000 voitures alors qu’eux en produisent 60 millions…

Votre stratégie

Votre préoccupation est bien de savoir à quel endroit de l’entreprise et de votre chaîne de valeur vous allez placer l’innovation : vous l’avez abordée sous plusieurs angles (votre revue du marché et de votre métier, votre revue d’activité, le design thinking). Il vous faut maintenant développer une stratégie transversale d’innovation et y consacrer des moyens.

Ceci est un extrait du livre « 21 semaines pour se relever de la crise: Construire la feuille de route de son entreprise  » écrit par Arnaud Marion paru aux Éditions Eyrolles (ISBN-10 ‏: ‎ 2416003232, ISBN-13 ‏: ‎ 978-2416003233). Prix : 23 euros. Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur.

« 21 semaines pour se relever de la crise » d'Arnaud Marion

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Arnaud Marion est un dirigeant français expert depuis 30 ans dans la gestion des crises, stratégies de transformation des modèles économiques, opérations complexes et restructurations. Il a travaillé sur 300 différents cas et a exercé 45 mandats de direction générale dans le monde bancaire, industriel ou des services. C'est un redresseur d'entreprises en série. Il a été appelé en 2018, par les actionnaires de Smovengo (opérateur du Vélib' Métropole) pour résoudre la crise opérationnelle du démarrage. Il a été administrateur indépendant de Solocal, où il a mené les négociations pour réduire la dette et a participé au pilotage du plan de réduction des coûts. Il a restructuré en 2012 le groupe agro-alimentaire breton Doux-Père Dodu. Il a également travaillé sur les dossiers Heuliez, Le Lido, les Pianos Pleyel, la Salle Pleyel, Hersant Media (Nice Matin et La Provence)... Il a débuté sa carrière en 1987 chez Arthur Andersen, avant de rejoindre en 1993 le Groupe Edmond de Rothschild. Il a fondé son cabinet de gestion de crises en 2001 à Paris, et en 2014 à Londres (Marion & Partners Ltd). Il a fondé en avril 2020 l'Institut des hautes études en gestion de crise pour former les dirigeants à la gestion des crises et transformations. Il est membre de l'ARE (Association pour le retournement des entreprises).  

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